Sabine Dormond – Quand les secrets de famille et les dures lois de la géopolitique se télescopent, la situation peut devenir explosive pour les personnes touchées, en particulier les plus jeunes. C'est ce qu'illustre "Fille de vétéran", dernier opus de Sabine Dormond. Celui-ci s'inspire d'une vie réellement vécue, celle de Dianna, une connaissance de l'écrivaine, devenue personnage principal de ce roman.
Au cœur de ce livre, il y a la guerre du Vietnam, pour laquelle un jeune mari et père est enrôlé, laissant son épouse seule avec les enfants: un fils, Bob, et Dianna. Ce jeune mari n'en revient pas indemne, et la mère préfère s'en séparer. Chacun de son côté, cependant, les parents développent des dépendances: alcool pour elle, LSD pour lui. L'alcoolisme de la mère, renforçant son tempérament autoritaire et fantasque, la rend pour ainsi dire inapte à élever ses enfants. De plus, elle a refait sa vie avec un certain Claude, Suisse, riche, aimant sa nouvelle famille mais aussi la vie et... les hommes.
C'est dans ce sac d'embrouilles que Dianna tente d'évoluer tant bien que mal, s'occupant, encore enfant, de sa petite sœur, dont le père est Claude, et aussi de son frère, voire de tout le ménage. Son cadre de vie apparaît constamment chaotique, constamment à sauver. Un peu too much? Pas du tout: l'histoire, ramassée, est dense et sans point mort. Surtout, elle est vraisemblable de bout en bout. Elle se présente pour une bonne part contre un réquisitoire contre la guerre: prenant l'exemple du conflit du Vietnam, avec son lot d'horreurs et de mensonges, "Fille de vétéran" résonne avec les nombreuses guerres en cours en notre temps. Et rappelle que les civils, et a fortiori les civiles, en souffrent aussi.
N'ayant guère connu son père, Dianna s'adresse à lui par la pensée, l'interpellant en le tutoyant – une manière d'écrire qui crée une musique distincte dans le récit. Ce père inconnu, elle tente aussi de le reconstruire dans sa tête à l'aide du cinéma. L'écrivaine lui fait ainsi revisiter les films classiques (et critiques) sur le conflit, qu'elle visionne de manière obsessionnelle.
La romancière ne recule pas devant la description de scènes de vie rudes, difficiles même, que seule une résilience à toute épreuve permet de surmonter. Elle évoque aussi le statut des soldats américains revenus vaincus du Vietnam, détruits, démunis et dépourvus de tout soutien par un pays qui en a honte. Avec "Fille de vétéran", elle offre au lectorat un livre dur, écrit sans concession ni complaisance, au plus près de ce que la vie peut avoir de terrible.
Sabine Dormond, Fille de vétéran, Chêne-Bourg, BSN Press, 2025.
Le site de Sabine Dormond, celui des éditions BSN Press.

peut-être pas tellement envie de lire dans cette thématique en ce moment... ça a l'air costaud.
RépondreSupprimerBonjour Violette, en effet, c'est plutôt fort comme roman...
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