Paula Hawkins – "La Fille du train", premier roman de Paula Hawkins, part d'une situation des plus banales, que tout un chacun a pu vivre: chaque jour, une jeune femme prend le train entre Londres et sa banlieue, entre son domicile et son lieu de travail. Elle observe avec attention et attachement ce qui se passe dans une maison proche d'un endroit où la rame qu'elle emprunte s'arrête régulièrement: un couple y vit dans une harmonie apparente. Mais soudain, la vie de ce couple semble dérailler...
"Soudain" paraît un grand mot lorsqu'on considère "La Fille du train". En effet, ce thriller d'un peu moins de 400 pages s'avère lent à démarrer. L'auteure prend en effet tout son temps pour dire qui est la fille du train, prénommée Rachel, à grand renfort de détails. Le lecteur apprend ainsi qu'elle est désespérément stérile, qu'elle a un problème d'alcool qu'elle noie dans du gin-tonic en boîtes et une tendance marquée à se raconter des histoires, voire à mentir. Ce qui en fait une candidate idéale à la paumitude.
Ces traits de personnalité ne l'empêchent pas de mener sa petite enquête, à sa manière, dès le moment où la femme qui habitait dans la maison observée disparaît mystérieusement et fait la une des tabloïds. Intrusive, sa manière d'enquêter va interférer avec le travail de la police et la rendre suspecte.
L'auteure réussit à rendre accessible et claire une intrigue qui pourrait paraître complexe, d'autant plus que Rachel entretient, pour faire bon poids dans l'intrigue, des rapports compliqués avec son ex-mari, remarié avec une nouvelle épouse avec laquelle il a eu un enfant. Face à Rachel, se trouvent ainsi deux couples qui, on l'apprend au fil des pages, ont partie liée. Ces liens, l'auteure les rend lisibles en adoptant tour à tour le point de vue des trois personnages féminins principaux de son roman, des personnages bien typés que l'auteure prend le temps de décrire.
C'est ainsi que, tout doucement, la tension monte. Il y a quelques cadavres plus ou moins avoués sur le chemin, un psychiatre pour faire accoucher les âmes et en extirper les secrets, et des tempéraments qui se frottent. En proie à des difficultés de vie à tous les étages, anti-héroïne fascinante et repoussante à la fois, Rachel joue parfaitement son rôle de moteur de l'intrigue.
"La Fille du train" est un roman qui enclenche un engrenage inexorable, propre à pousser la psychologie de tous ses personnages dans ses derniers retranchements. Les lecteurs qui privilégient les thrillers plutôt lents et statiques (un peu comme le tortillard mis en scène, qui se traîne sur les rails et s'arrête parfois inopinément), où tout se joue dans les âmes de personnages parfaitement ordinaires et dans leurs interactions empreintes de tensions au moins autant que d'éclats, l'apprécieront tout particulièrement.
Paula Hawkins, La Fille du train, Paris, Sonatine, 2015, traduction de l'anglais par Corinne Daniellot.
Le site de Paula Hawkins, celui des éditions Sonatine.
Lu (entre autres) par Analire, Audrey, Gaëtane, Khiad, Riz-Deux-ZZZ, Tay, Viduité.