dimanche 26 février 2017

Dimanche poétique 291: Augusta Holmès


Idée de Celsmoon.

Avec:
Abeille, Anjelica, Ankya, Azilis, Bénédicte, Bookworm, Caro[line], Chrys, Emma, Fleur, George, Herisson08, Hilde, Katell, L'or des chambres, La plume et la page, Lystig, Maggie, Mango, MyrtilleD, Séverine, Violette.

À Trianon

Suivez-moi, Marquise,
Parmi les parfums et la brise,
Vers le Temple d'Amour
Qui nous sourit aux derniers rais du jour,
Suivez-moi, Bergère,
Parmi la mousse et la fougère,

Et les fleurs s'ouvrant sous vos pas,
Diront: " d'Amour, la mère
Est plus sévère,
Et Flore a moins d'appas ! "
Venez sous l'aubépine rose,
Moins rose que ta lèvre éclose !

Permettez qu'enfin je repose
Mon front tout près de votre coeur !
Votre sein bat plus vite...
En vain votre regard m'évite...
Ta main si frêle est trop petite
Pour cacher ta rougeur !

Venez donc, Marquise !
Goûtons ensemble l'heure exquise
Car l'Amour vous a conquise
Et c'est la fin du jour !

Augusta Holmes (1847-1903). Source:
Poésie.webnet.

jeudi 23 février 2017

La lettre de motivation de Vincent Yersin pour entrer en littérature


Entrer en littérature, c'est un rituel: c'est ce que l'on a envie de se dire en ouvrant et en parcourant "Lettre de motivation", livre de poésie signé Vincent Yersin, paru aux éditions BSN Press (merci pour l'envoi!). Vincent Yersin est un jeune écrivain fribourgeois, membre du collectif AJAR.

Faut-il une lettre de motivation pour enter en littérature, pour commencer sa vie? L'auteur choisit de répondre par l'affirmative et imagine ce que cela pourrait être, subvertissant - c'est l'enviable rôle du poète - ce genre rebattu et éminemment administratif. Il en résulte un recueil poétique ramassé, travaillé, où le blanc typographique a autant de sens, sinon plus, que les mots éventuellement recherchés jetés sur le papier. Et qui donne envie de rencontrer l'auteur...

Comme il se doit dans une lettre de motivation, on rappelle ce qu'on a fait jusqu'à présent. Ainsi certaines pages rappellent-elles, ou semblent-elles rappeler, le bagage d'un jeune homme. Le poète sait le rendre flamboyant, ce bagage, comme s'il se vendait au lecteur.

L'accumulation suggère le vécu, compensant le jeune âge. Cela débute dès la première séquence, un bloc compact de vie où s'amassent, en un inventaire à la Prévert, tout ce qu'on a pu faire à 32 ans. L'auteur y jongle, joue l'équivoque ("chevauché des Italiennes, des Anglaises, des Allemandes": sont-ce des femmes ou des motos?), s'amuse. Et le lecteur est accroché. Il retrouvera cette sensation des expériences d'hier plus loin, magnifiées par le verbe toujours, de manière plus aérée.

Peut-on parler de poèmes en lisant les mots de "Lettre de motivation"? On a plutôt envie de dire "éclats poétiques", c'est-à-dire des mots jetés, explosés sur la page. Une page peu remplie signale l'évanescence, une autre évoque le lointain. Et un mot seul, isolé sur le blanc du papier en fin de séquence, prend soudain un poids particulier. Cela, jusqu'au mot "cristal" qui conclut le recueil: est-ce à dire que le poète a créé toute la transparence voulue sur sa motivation de jeune écrivain qui a bourlingué?

"j'habite l'espace de la respiration" (p. 15): voilà tout un programme! Si les blancs respirent, ces quelques mots indiquent que l'auteur se montre attentif aussi à la scansion (c'est la moindre des choses pour un poète...), ce qui se traduit par une ponctuation maîtrisée. Gage de rythme, elle crée une atmosphère haletante parfois, quand elle est fréquente, ou privilégie le souffle long si elle est plus rare.

Le poète s'autorise enfin un vocabulaire recherché et exact pour tenir son propos. De quoi parle-t-il? Peu importe au fond: c'est un à voyage autour de lui-même, de son monde, qu'il invite son lecteur. Cela, en lui demandant, mine de rien, de l'adouber, de l'élever au rang de ses écrivains de chevet. Et au vu des techniques mises en oeuvre, de la maîtrise et de la pertinence de l'auteur, gageons qu'un lecteur friand répondra immanquablement par l'affirmative.

Vincent Yersin, Lettre de motivation, Lausanne, BSN Press, 2016.

mercredi 22 février 2017

Proses poétiques de Jean-Michel Maulpoix pour des parents disparus


Lu également par Littérature portes ouvertes, Olrach.
Le site de l'auteur, le site de l'éditeur - merci pour l'envoi.

 

Les parents sont décédés, commence le deuil, la vie après eux. Avec "L'Hirondelle rouge", Jean-Michel Maulpoix invite le lecteur à un ouvrage court constitué de proses poétiques autour du vide laissé par le départ des êtres chers pour un monde qu'on dit meilleur.

Tels des flashes, les textes recueillis sont courts et se concentrent sur des éclats de vie, des ressentis succinctement dépeints. L'introspection y a sa part, certes. Et aussi le regard, pudique, sur les parents déclinants.

Mais l'auteur a aussi l'habileté de donner sans cesse à voir des éléments concrets, ou évocateurs d'une vie de famille: le jambon à l'os avec le brie et le vin rouge pour commencer, la neige en novembre, et même des souvenirs concrets qui reviennent en pagaille, comme sortant d'une corne d'abondance, ou les objets qui, au coeur d'un poème, évoquent des souvenirs. Ce faisant, il ouvre au lecteur la porte de sa propre intimité.

Parlant constamment par images, le poète stimule l'imagination. Cela, d'autant plus qu'elles sonnent juste et ne sont jamais sophistiquées. Il y a par exemple ce vélo qui prend de la vitesse en descendant une côte sans qu'on ne le freine, rendant l'impression du temps qui passe de plus en plus vite.

Et les ressentis font la place au retour à la création, au poète qui s'interroge sur sa manière d'écrire après le deuil. Elle ne sera plus pareille. Cela va jusqu'à la remise en question de l'art: "Je sais qu'il faudrait à présent ne plus écrire." - sans omettre une réflexion sur le rôle essentiel du poète en général. 

Enfin, tout s'achève sur l'image de cette hirondelle rouge, empruntée à Joan Miró, trait d'union avec l'au-delà et possibilité d'un lien qui permet à nouveau l'art: "Pareils à ces pas d'hirondelles, l'amour et la pensée ne laissent pas de traces, et pourtant ils vont selon la chair leur chemin, cherchant ce qui peut être sauvé...".

"L'Hirondelle rouge" est de ces livres aux airs courts, qu'on prendra cependant le temps de savourer parce qu'ils résonnent longuement: l'écriture y est dense et imagée, au service d'un thème universel, traité de manière concrète à travers la véritable individualité du poète.

Jean-Michel Maulpoix, L'Hirondelle rouge, Paris, Mercure de France, 2017.

mardi 21 février 2017

Gaëlle Pingault, la poésie entre deux stations de métro

Pingault RameEgalement lu par Goliath,
Le blog de l'auteur, le site de l'éditeur - merci pour l'envoi.

Le métro avant toute chose: on dirait que les éditions Quadrature apprécient les écrits liés aux transports publics. Après le recueil "Je regarde passer les chauves" de Sandrine Senes, parfait pour une lecture entre deux stations de métro ou de tram, voilà que l'écrivaine Gaëlle Pingault propose "Avant de quitter la rame", recueil qui alterne destinées humaines et regards dans les transports publics. Cela, dans une écriture vive et moderne qui accroche.

Quoi de plus accrocheur, en effet, que la première personne du singulier? Quoi de plus intime qu'un narrateur qui vous interpelle? Alice, l'esthéticienne, a une voix gouailleuse qui claque, reflet d'un tempérament avide de liberté. En contrepoint, la figure de Nadya, s'exprimant à la troisième personne, semble tout de suite plus distante dans ces sept nouvelles intitulées "Poésie urbaine", qui s'entrelacent pour constituer, vaille que vaille, une histoire. Elles interrogent aussi, mine de rien, sur la place de la poésie dans la cité: si Alice ne supporte pas les fragments de poèmes affichés dans les rames du métro parisien, Alice, elle, y trouve du bonheur. Et de fait, la poésie finit par trouver sa place dans "Avant de quitter la rame".

Cet entrelacs de récits captés dans le métro fait écho à des textes épars, qu'on oubliera peut-être un peu plus vite - ce serait cependant une erreur. Je pense par exemple à "Un ciel d'orage", une très belle évocation d'un orage vue par une enfant, devenue adulte, avec un parfum de Georges Brassens. Toute en rythmes, "J'aime" est une nouvelle qui fait alterner à toute vitesse des vers doux et l'implacable énoncé des cours de la Bourse, tels qu'on l'entend à la radio. Et puis il y a cette fatigue lancinante dans "Perdre le nord". N'est-elle pas celle de plus d'un passager du métro parisien? Le lecteur l'imaginera volontiers, même si cette nouvelle se déroule bien ailleurs, jusqu'à ce symbole de liberté qu'est la mer.

Métro ou non? L'écrivaine n'a pas vraiment choisi, mais ce sont bien les transports urbains de proximité qui lui servent de fil rouge, dessinant des situations qu'on a probablement déjà vécues. Les nouvelles intitulées "Poésie urbaine" donnent la direction; et puis, la longueur des treize textes réunis dans ce recueil de 79 pages est idéale pour une lecture entre deux stations et, partant, pour quelques instants d'évasion.

Gaëlle Pingault, Avant de quitter la rame, Louvain-la-Neuve, Quadrature, 2017.


dimanche 19 février 2017

Noir et blanc, vous avez quatre heures...

Noir"Noir et blanc, vous avez quatre heures..." C'est ce qu'ont dû entendre les treize auteurs des nouvelles collectées dans le recueil "Noir et blanc", paru en fin 2016 aux éditions Hélices Hélas. C'est un petit livre atypique: il est le résultat d'un défi lancé aux écrivains de tout poil sous l'égide du Salon du livre romand le 21 novembre 2015 - beau millésime pour cette jeune manifestation, pilotée par l'écrivaine Marilyn Stellini. Souvenir personnel: du stand de la Société fribourgeoise des écrivains, je pouvais observer du coin de l'oeil les treize auteurs réunis, faisant fumer leurs cerveaux et chauffer les claviers de leurs ordinateurs. Il est heureux qu'aujourd'hui, il subsiste un livre recueillant les fruits de cet intense exercice de sprint littéraire.

Les treize écrivains qui ont planché sur ce thème, communiqué le jour même en vue d'une écriture immédiate sur place, ont une approche diverse de la littérature. Dans l'équipe, se trouvent en effet des gens qui ont voulu tenter le coup parce qu'écrire est une envie de longue date, mais aussi des auteurs ayant déjà quelques publications à leur actif. On relève l'écrasante majorité féminine: parmi les auteurs, on ne dénombre que deux hommes.

"Noir et blanc", bien sûr, ce sont les couleurs du canton de Fribourg, ce canton qui abrite le Salon du livre romand depuis 2014, à Bulle puis en ville de Fribourg. Les auteurs y ont pensé, certes. Mais force est de constater qu'en général, ils ont préféré prendre leurs distances avec cette contrée, sans pour autant en oublier certaines choses belles ou caractéristiques. Ainsi, c'est dans une église que se déroule "La rédemption" de Mélissa Correia, qui ouvre le recueil, rappelant que le canton est une terre aux racines catholiques; son personnage principal, Elden, semble avoir manqué le paradis pour une seule lettre. La figure de Marcel Imsand, photographe poète du noir et blanc vivant dans le canton et natif de Pringy, hante plus d'un texte, par exemple "Le Retour" de Philippe Gremaud.

On le conçoit, un tel thème invite à des écritures visuelles, sensibles aux couleurs, éventuellement en opposition au noir et au blanc. "Une veste rouge", de Laurence Lanier, familière des concours de nouvelles, ne manque aucune occasion de mentionner les couleurs du monde, jusqu'à donner une impression de saturation. Par contraste, la mention de ces couleurs est d'autant plus cruelle que le personnage principal de cette nouvelle a perdu la vue des couleurs à la suite d'un drame personnel. Juste après dans le recueil, "Aube vive" de Manuela Ackermann-Repond (qui vient de publier son premier roman, "La Capeline écarlate", soit dit en passant...), n'hésite pas à interpeller le lecteur autour de la palette mélangée d'une artiste: c'est sensuel et vigoureux à la fois.

Le noir et le blanc, c'est aussi une question de peau, et c'est le sujet de "Noir et blanc, nos différences" de Laura Matthey, une nouvelle naïve peut-être, mais qui a le mérite de se trouver en phase avec l'actualité (l'accueil de migrants dans un village qui pourrait bien se trouver dans le canton de Fribourg) et de délivrer un message d'humanité - à travers le personnage d'un prêtre, qui plus est.

Enfin, on se rapproche du pays de Fribourg avec des textes comme "Au pied de la montagne" de Ketsia Saâd, difficile approche d'un personnage de guide de montagne qui a secoué son propre fils, manquant de le tuer ainsi - ce qui rappelle un événement tragique survenu dans la région il y a une bonne quinzaine d'années. Cela, sur le fond immaculé des montagnes! Plus heureux, dans le plus pur style des contes de la Gruyère, avec un soupçon de fantastique de bon aloi, on relève "Les fantômes du comte Rodolphe de Gruyères" d'Anne-Catherine Biner, qui dessine avec réalisme l'histoire du comté de Gruyères et donne à voir quelques lieux emblématiques de la cité des comtes. 

En préfacier habile, l'écrivain vaudois Pierre-Yves Lador relève les contraintes de l'exercice, et fait appel à la bienveillance du lectorat en rappelant les contraintes de l'exercice. Il n'empêche: en quatre heures, tout un recueil de nouvelles cohérent et sympathique est né. L'ordre des textes est un perpétuel glissement, un thème ou un trait d'intrigue dans un texte rappelant celui qui suit ou précède. Treize sensibilités se sont exprimées dans "Noir et blanc", diverses, et chaque lecteur passera un bon moment en lisant ce petit livre, et y trouvera ses préférences.

Collectif, Noir et blanc, Vevey, Hélice Hélas, 2016.

Dimanche poétique 290: Louise Labé

Idée de Celsmoon.

Élégies, IX

Quand j'aperçoy ton blond chef, couronné
D'un laurier verd, faire un Lut si bien pleindre,
Que tu pourrois  te suivre contreindre
Arbres et rocs: quand je te vois, orné

Et de vertus  dix mile environné,
Au chef d'honneur plus haut que nul ateindre,
Et des plus hauts les louenges esteindre,
Lors dit mon coeur en soy passionné:

Tant de vertus qui te font estre aymé,
Qui de chacun te font estre estimé,
Ne te pourroient aussi bien faire aymer?

Et, ajoutant à ta vertu louable   
Ce nom encor de m'estre pitoyable,
De mon amour doucement t'enflamer?

Louise Labé (1524-1566), Élegies, dans Poètes du XVIe siècle, Paris, Gallimard/La Pléiade, 1953/1991. 

jeudi 16 février 2017

Bill Carter, du cuivre partout

Carter BoomLe site de l'auteur, le site du livre, le site de l'éditeur.

Cuivre, quand tu nous tiens! Le cuivre, élément 29 du tableau périodique de Mendeleiev, est un métal qui fait tourner le monde, et pourtant l'on n'y pense guère. L'écrivain américain Bill Carter a décidé de s'intéresser de près aux enjeux anciens et surtout actuels de ce matériau. De ses recherches, il a tiré un livre intitulé "Boom, Bust, Boom". Celui-ci revêt la tonalité d'un reportage captivant, où les expériences personnelles de l'auteur se mêlent à ce que vivent les différents acteurs liés au cuivre.

Bill Carter intéresse immédiatement son lectorat à son propos, en racontant d'entrée de jeu une anecdote personnelle. Vivant dans l'ancienne cité minière de Bisbee (Arizona), il fait pousser des salades dans son jardin, dans un esprit fièrement biologique. Et hop: il tombe malade, intoxiqué à l'arsenic. C'est ainsi qu'il découvre que le sol de son jardin est contaminé. Son épouse, prudente parce qu'elle est enceinte, n'a pas touché à cette salade; sa fille, gourmande et contestataire, a refusé tout net. Ce qui les a épargnées...

Partant de cette histoire qui aurait pu avoir une issue fatale, l'auteur de "Boom, Bust, Boom" déroule la pelote, en partant du grand trou qu'a laissé l'exploitation d'une mine de cuivre à Bisbee (soit dit en passant, on le voit bien sur Google Maps, si vous voulez vous faire une idée). Au fil des pages, on découvre les enjeux qui entourent ce métal d'apparence anodine, mais qui est parfois aussi recherché que l'or et suscite les passions de la Bourse. "Petite histoire du cuivre", sous-titre du livre, n'est du reste pas la meilleure manière d'énoncer le programme: si la question historique est abordée, c'est surtout de l'actualité du cuivre qu'il est question dans "Boom, Bust, Boom". Bon, rapidement quand même, et juste pour le dire: saviez-vous que l'île de Chypre porte un nom lié au latin "cuprum", qui signifie "cuivre"?

L'actualité du cuivre est toute en tensions, et cela sous-tend tout l'ouvrage: l'extraction du cuivre nécessite de creuser de grandes et profondes mines à ciel ouvert qui défigurent les paysages et peuvent ruiner des territoires où vivent d'ancestrales populations humaines et des animaux menacés; il faut aussi des éléments toxiques pour l'extraire des filons et rochers, et ceux-ci se retrouvent dans les airs, les eaux, les sols. Dégueulasse? Certes. Mais le cuivre est indispensable pour faire tourner des ordinateurs, des téléphones portables, pour acheminer le courant électrique. Bref, à l'avenir, il en faudra de plus en plus... Saloper le monde ou ne plus s'éclairer (sans parler de bloguer...)? Dilemme.

Passionnante, la démarche de l'écrivain est celle d'un journaliste d'investigation qui prend son métier très au sérieux et n'hésite pas à aller sur le terrain. Bien informé dès le départ, il prend son bâton de pèlerin pour aller rendre visite à différents acteurs liés à l'exploration minière. Alternent dès lors les analyses et exposés, les entretiens, les paysages décrits et les impressions personnelles de l'auteur.

C'est que l'auteur a pu approcher de nombreuses personnes liées à l'exploration minière, avec des points de vue différents. Il a pu rencontrer un représentant d'une tribu amérindienne dont les terres sacrées sont menacées par un projet de mine, même si elles sont protégées par une loi remontant à Eisenhower. Il s'est entretenu avec des cadres de grosses entreprises minières, capables de faire la pluie et le beau temps à la Bourse, dont il démystifie le discours bien rodé et son côté automatique, propagandiste, qui cache des pratiques peu scrupuleuses, pour ne pas dire agressives. Il s'est intéressé aux populations concernées, qu'elles soient hostiles à l'installation d'une mine de cuivre près de chez elles (Alaska), ou qu'elles y soient au contraire favorables (Superior, Arizona), et leur a donné la parole: faut-il préserver à tout prix un mode de vie ancien en perte de vitesse mais respectueux de l'environnement, ou accueillir la mine, pourvoyeuse d'emplois?

Avec un regard aigu, l'auteur va jusqu'à s'intéresser à ce que l'industrie du cuivre provoque dans un contexte globalisé, en prenant l'exemple de la mine de Grasberg, en Indonésie. Partisan de démonstrations claires, il invite le lecteur à aller voir ce qu'il en est sur Google Maps... C'est aussi à travers des exemples non-Américains que l'auteur démontre les mécanismes de pollution liés à la production du cuivre. Cela, sans oublier l'exploitation du personnel local, peu sécurisé et payé au lance-pierres.

Le lecteur sort édifié de cette lecture, et ne verra sans doute plus les objets contenant du cuivre de la même manière, qu'il s'agisse de casseroles ou des circuits intégrés de son téléphone portable. Un petit bémol? L'ouvrage publié par les éditions Intervalles en 2017 est une traduction d'un livre remontant à 2012, et qui aurait mérité, sur certaines pages, une petite remise à jour. Cet aspect n'altère cependant guère l'essentiel du propos: si le cuivre est un élément fantastique, les coulisses de son exploitation sont décidément peu reluisantes et c'est bon d'en être conscient. Et en se mettant personnellement en scène, ainsi que sa famille, l'auteur souligne, en interrogeant sans condamner à l'avance, que chacune et chacun est concerné.

Bill Carter, Boom, Bust, Boom, Paris, Intervalles, 2017, traduction de l'anglais par Marie Poix-Têtu.

mercredi 15 février 2017

Commerce de l'absurde, en veux-tu en voilà... avec Dimitris Sotakis

Sotakis IleAprès un premier roman marqué par un absurde à la Eugène Ionesco intitulé "L'argent a été viré sur votre compte", l'écrivain grec Dimitris Sotakis revient avec un deuxième livre traduit en français - merci aux éditions Intervalles pour l'envoi! Avec son titre d'une longueur improbable en français, "Comment devenir propriétaire d'un supermarché sur une île déserte" ne maquera pas d'attirer l'attention. D'autant moins que c'est un roman exquis, robinsonnade à la fois absurde et loufoque.

Le lecteur se retrouve en effet dans une ambiance à la Robinson Crusoé, façon moderne: à la suite d'un naufrage, un Néo-Zélandais se retrouve tout seul sur une île déserte. Ce bonhomme s'appelle Robert Lhomme, ce qui interpelle déjà: un personnage nommé Lhomme ne peut être que l'exemple archétypique, essentiel, d'une certaine humanité. Et de fait, il cristallise un certain nombre de travers de l'humain actuel: une tendance à la consommation, à la vie facile et au confort d'une certaine médiocrité, contrebalancée par l'ambition vaine de lancer des projets et de les mener à bien, motivée par une foi inébranlable, même s'ils semblent absurdes.

Consommation? C'est bien dans le schéma consumériste que s'inscrit l'action du naufragé Robert Lhomme, incapable d'en sortir: son grand oeuvre, ce sera la construction d'un supermarché, temple de la consommation par excellence. Cela, sur l'île déserte où il a échoué. L'auteur excelle à montrer le cerveau du personnage qui chauffe, les idées qui se bousculent. Plus important, il sait observer une certaine gradation qui va mener jusqu'à la folie du personnage principal, folie jalonnée par les différentes étapes de la construction du supermarché - calque dérisoire de ce que font les professionnels en la matière (à ce sujet, je recommande également "Ressources inhumaines" de Frédéric Viguier, ça secoue, allez-y!). La folie se traduit par l'aveuglement face au manque de débouchés (seul Robert Lhomme, narrateur illuminé, semble ne pas s'en rendre compte) et à la dégradation d'une marchandise en stocks limités, produite à la main à partir de matières indigènes.

Pas de Robinson sans Vendredi? Certes. L'auteur revisite cependant le motif de cet indigène, par deux biais: d'une part, Robert Lhomme a souvent l'impression que l'île n'est pas tout à fait déserte, mais rien ne vient le confirmer. D'autre part, il vit une idylle à la fois brève, passionnée et improbable avec une ourse de mer (ou otarie à fourrure, voyez le tableau...). Celle-ci va partir, enceinte peut-être, laissant Robert Lhomme avec une présence qui, si elle n'est plus réelle, n'en est pas moins intense.

Après Robinson Crusoé, il est permis de penser aussi, de loin, au "Désert des Tartares" de Dino Buzzati: une fois que Robert Lhomme a construit son supermarché, le voilà condamné à l'attente, qu'il faut meubler et tromper, notamment (dans "Comment devenir propriétaire d'un supermarché sur une île déserte") en gérant des stocks qui se dégradent - activité vaine s'il en est, mais que Robert Lhomme prend très au sérieux. Cela, sans oublier qu'au bout du roman, il faut faire face à des humains qui arrivent sur l'île et sont des clients potentiels à affronter. Or, Robert Lhomme n'y arrive pas... S'installe dès lors un dialogue de sourds entre des sauveteurs sincères et un patron de supermarché illuminé et autoproclamé.

L'ambiance loufoque de "Comment devenir propriétaire d'un supermarché sur une île déserte" permet de faire passer quelques invraisemblances et approximations et donne à ce roman tous les attributs de l'absurde, le sourire en prime. Partant d'un bonhomme normal, l'auteur en fait un doux dingue qui court après une chimère, perd progressivement tout lien avec la société des hommes et finit par vivre dans un univers parallèle, celui de son dérisoire supermarché - construit comme un enfant construit un bête château de sable et le considère comme essentiel. Oui, Robert Lhomme a des airs attachants de grand enfant... mais n'est-ce pas le cas de nous tous aussi, en permanence ou par intermittence?

Dimitris Sotakis, Comment devenir propriétaire d'un supermarché sur une île déserte, Paris, Intervalles, 2017, traduction de Françoise Bienfait.

Vranac "Pro Corde", bon pour le coeur... et surtout les papilles

La saint Valentin fait battre les coeurs un peu plus fort... qu'en est-il des vins? Il existe en tout cas un breuvage du Monténégro qui, sans complexe, fonde sa réputation savamment communiquée sur un composant qu'il recèle et qui serait bon pour le coeur. Il s'agit du bien nommé "Pro Corde", vin rouge élaboré par la maison Plantaže sise à Podgorica. Ce breuvage est produit à partir du cépage indigène Vranac, élevé selon une technologie présentée comme novatrice et traditionnelle à la fois, susceptible de renforcer la teneur du vin en proanthocyanidines favorables au muscle cardiaque. Wahou, que de science! Mais - la question est sur toutes les lèvres, je le sens - est-ce que c'est bon, au moins? Ce vin fera-t-il oublier une heure de cardio-training?

Gageons avant tout que les producteurs mettent en avant quelque chose qui doit se trouver dans tous les vins... et levons le verre, sans arrière-pensée - après avoir servi la bouteille numéro 302888 du millésime 2012. C'est sérieux tout ça! Un coup d'oeil révèle une robe d'un rouge très profond, majestueux.

Le bouquet, lui, s'avère finement épicé, franc et flatteur, plus proche du curry jaune doux que du poivre sec. On décèlera aussi de franches notes de cerises.

Ces notes de cerises se confirment en bouche, agréables et goûtues. Elles font partie d'un vin qui s'avère agréable et équilibré, qu'on dirait joli et joyeux - en bouche, c'est du velours. S'il affiche 14% d'alcool, ce vin n'en laisse rien paraître: il n'a rien de pataud, et offre un plaisir rafraîchissant lorsqu'on le boit. Court en bouche, il pourrait s'avérer un sympathique compagnon d'apéritif; sinon, il accompagnera des plats de tradition, par exemple un bon riz casimir. 

Verdict? Oubliez le cardio-training. Jusqu'à la prochaine fois. Ou au moins le temps de boire un verre...

dimanche 12 février 2017

Dimanche poétique 289: François Pétrarque

Idée de Celsmoon.

Avec: Abeille, Anjelica, Ankya, Azilis, Bénédicte, Bookworm, Caro[line], Chrys, Emma, Fleur, George, Herisson08, Hilde, Katell, L'or des chambres, La plume et la page, Lystig, Maggie, Mango, MyrtilleD, Séverine, Violette.

I.

Ô vous qui écoutez à mes rimes éparses
Le son de ces soupirs dont j'ai nourri mon coeur
En la jeune saison de mon erreur première
Quand en partie j'étais un autre que je suis,

Pour ce style où les pleurs se mêlent au discours,
Vainement partagés entre espoir et douleur,
Si l'un de vous conçoit quelle épreuve est l'amour
Puissé-je auprès de lui trouver miséricorde!

Mais maintenant je sais quelle risée je fus
Et pendant si longtemps et au regard de tous
(De quoi souvent même en moi-même je rougis)

Et de mon égarement la honte est le fruit,
Avec le repentir et le savoir certain
Que ce qui semble plaire ici-bas n'est qu'un songe.


François Pétrarque (1304-1374), La vertu et la grâce, Paris, Orphée/La Différence, 1990, traduction André Ughetto/Christian Guilleau.

vendredi 10 février 2017

Jacques Périer: le dieu Pan face à l'Américain

Périer PanLu par Blogres.
Le site de l'éditeur.

Plus d'une semaine après sa lecture, "Le Sourire de Pan" résonne encore. Paru en 2011, ce roman signé de l'écrivain suisse Jacques Périer se distingue par son lyrisme et sa remarquable ouverture. En effet, c'est aussi un univers culturel que son auteur met en scène, en couvrant rien de moins que huit ou neuf siècles. Sans compter qu'en somme, "Le Sourire de Pan" rappelle que les voyages forment la jeunesse... Voyons cela!


"... ferum victorem cepit"

Il est donc question d'un jeune chercheur américain, Georges Safran, qui prépare une thèse de doctorat sur le thème très pointu de la genèse des chants byzantins. Son travail va le mener dans la vieille Europe, en Grèce, où il trouvera, du côté du Mont Athos, de quoi le détourner de son aride projet de thèse... et apprendre mieux que ça: la vie, simplement.

Difficile de ne pas penser au splendide "Ap. J.-C." de Vassilis Alexakis lorsqu'on découvre la vision que l'auteur du "Sourire de Pan" donne du Mont Athos. Certes, l'écrivain Jacques Périer en donne une version où la beauté et la richesse culturelle dominent; mais il n'omet pas les particularités pas toujours roses de ce site européen d'exception, montrant des moines bizarres, pervers ou illuminés. Reste que c'est la passion des ermites qui va permettre à Georges Safran d'avancer.

Et lorsqu'un habitant du Nouveau Monde, de ces Etats-Unis maîtres du monde et qui comptent bien le rester, est ainsi envoûté par ce que l'Ancien Monde, on a envie de dire, comme Horace: "Graecia capta ferum victorem cepit". Après la Rome antique, la Grèce de toujours saura-t-elle montrer sa supériorité aux Etats-Unis d'aujourd'hui?


Mystérieux et moderne manuscrit!

"Le Sourire de Pan" fonctionne sur le dialogue entre le monde moderne, celui dans lequel nous vivons, et celui de Michel Panourianos, aventurier imaginaire qui a choisi d'écrire ses aventures - laissant un manuscrit mystérieux que Georges Safran va découvrir et traduire avec passion. Un dialogue entre les siècles, qui n'est pas sans échos: curieusement (ou pas...), la vie du jeune Georges Safran semble entrer en résonance avec celle de Michel Panourianos.

L'écrivain les retrace de manière crédible pour ce qui concerne les lieux et les événements décrits: Michel Panourianos, esclave chanceux, est un Grec aux mains des Ottomans. Sa destinée est celle des humains, faite d'amitiés et de relations opportunes.

Le lecteur pourra cependant être surpris par le développement, tant du côté de Panourianos que de Safran, d'une approche qui accepte l'impossibilité d'un dieu tolérant la violence et l'injustice. Questionnement camusien peut-être, vraisemblable à notre époque, mais difficile à admettre au temps de Byzance.

De Michel Panourianos, on retiendra plus volontiers le récit d'une destinée aventureuse, pour ainsi dire picaresque avant l'heure: celle d'un bonhomme bon  tout à force d'être bon à rien, ouvert à tous les vents, auquel la vie offre même quelques aventures amoureuses - sans oublier la femme de sa vie.


Lyrique vision du monde

"Le Sourire de Pan" est aussi empreint d'une idée surprenante: le panthéon grec n'est pas mort! Et en particulier, le dieu Pan continue à jouer avec les humains, par exemple en détraquant une sono insupportable pour retrouver le son acoustique ancestral qui émeut. Tenté par le paganisme, se la jouant panthéiste, l'écrivain joue avec les divinités, les présentant comme des figures cachées qui s'amusent avec les humains en fonction de leurs affinités. Le dieu Pan est ainsi vu comme une figure avide d'appétits charnels, jeune, joueuse et verte - ce dieu qui sait danser et pourrait même séduire un certain Friedrich Nietzsche. Le christianisme, et en particulier l'orthodoxie montrée comme le havre culturel de Michel Panourianos, lui donne la réplique, de même que l'islam, observé dans une neutralité bienveillante, vu comme à la fois dominateur et capable de douceur.

Tout cela autorise une écriture ambitieuse et lyrique, avide de beautés. L'auteur ne manque jamais de souligner la beauté de la Grèce, où se passe l'essentiel de son roman - avant des pages au ton plus grave mettant en scène une fin de voyage en Asie du Sud-Est, lieu d'une autre sagesse aux accents bouddhistes.

On l'a compris: Georges Safran sera transformé par un voyage qui le surprendra lui-même et le formera, quitte à remettre en question ses objectifs initiaux. L'auteur sait montrer le vaste monde, charnu et appétissant, pétri d'amours, d'amitiés, de danses et de mystères culturels. Et prouver, mine de rien, que le jeune Georges Safran, fort en thème mais faible en vie, a beaucoup à découvrir. Découverte à laquelle il se prête de bonne grâce, devenant ainsi cet honnête homme, véritable roseau pensant, que doit être un être humain.

Jacques Périer, Le Sourire de Pan, Vevey, L'Aire, 2011.


mardi 7 février 2017

Jean-Marie Rouart, scandale dans un microcosme paisible

Rouart Scandale"Paisible". Un seul mot pour un incipit qui claque, court, net et sans bavure. Et pourtant, que de tensions dans "Le Scandale", roman riche signé Jean-Marie Rouart! A l'exemple des relations interraciales complexes dans les années 1935 aux Etats-Unis, l'écrivain, membre de l'Académie française, offre là un très beau livre sur la justice, la vie dans une petite ville, et même les tourments de l'amour.

On entre lentement dans "Le Scandale", un peu comme l'on pénètre peu à peu la vie d'un village, avec ses secrets qu'on ne perce pas facilement. La première partie se distingue par la beauté précise de ses portraits. L'auteur, toujours, s'abstient de juger; cela dit, face à la froide description de certaines mentalités, le lecteur a de quoi frémir. Et de quoi sourire aussi, par exemple en observant le journaliste Tom Steward face à son confrère Robin Cavish: deux conceptions du métier s'affrontent, l'une, complaisante, s'arrêtant à la surface paisible des choses, l'autre ne craignant pas de déplaire en grattant la croûte des apparences. Mais ce n'est pas là qu'est l'essentiel...

"Le Scandale" suit plus particulièrement le personnage de Jim, jeune homme blanc amoureux d'une femme noire nommée Angela. Dans le contexte sudiste de Norfolk, c'est impossible: Jim vaut mieux que ça, dit-on. Cela, d'autant plus qu'à la même période, une affaire de femme noire violée par des Blancs, parmi lesquels se trouve un jeune homme de bonne famille promis à un très bel avenir, éclate. Nourri par ailleurs d'un puritanisme protestant pesant, le contexte est explosif! Si les Noirs et les Blancs semblent se respecter (on se salue, mais c'est chacun chez soi: quartiers, église, école, loge maçonnique... l'auteur ne manque jamais de le rappeler), il en faut peu pour qu'éclatent les émeutes, pour que les tensions interraciales soient exacerbées. Naviguant entre apparences et réalités, l'écrivain sait faire monter cette tension, suggérant un terrible scandale qui couve.

Le romancier expose aussi une certaine manière de rendre justice dans une petite localité américaine qui se souvient du temps d'avant la guerre de Sécession. Rendre justice, dans un tel contexte, c'est surtout préserver l'ordre établi, quitte à prendre ses distances avec les vraies responsabilités: "Paisible", se souvient-on... Le lecteur se trouve face à des meurtres hâtivement déguisés en suicide, des personnages tenus à l'écart les uns des autres (Jim et Angela), et même un tribunal totalement sous influence - des influences graves ou risibles (la presse joue un rôle, tout comme le goût du juge pour la chasse à la perdrix avec le père d'un suspect ou le penchant du procureur pour les jeunes garçons), mais qui peuvent faire penser, de près ou de loin, à des situations actuelles. Cela, sans compter les réflexes racistes crasses d'une population blanche qui se considère comme dominante. Il y a de quoi être révolté; mais l'écriture, opportunément distante, ne s'enflamme jamais... et laisse le lecteur seul juge.

C'est dans ce contexte que le personnage de Jim intervient, intéressant parce qu'il incarne le doute, la remise en question d'une telle société. De façon immédiate, on peut voir dans la vie sentimentale de Jim deux figures féminines classiques entre lesquelles Jim oscille: Angela, celle qu'il aime par passion, et Sally, son épouse légitime et raisonnable. On verra Jim s'engager du côté du respect des droits des Noirs, dans le prolongement de ses sentiments pour Angela. Reste que cet engagement montre ses limites, et que Jim, en définitive, a aussi ses faiblesses. Cela fera de lui un traître, pour les uns comme pour les autres, abandonné de tous. L'auteur s'en débarrasse opportunément, suggérant la navrante impuissance de l'homme seul.

Roman tendu, roman du réel tourmenté derrière des apparences sereines, "Le Scandale" est aussi un livre actuel. L'écrivain y travaille quelques thèmes qui lui sont chers, tels que la justice, le pouvoir et les relations humaines. Sobre, à peine ironique (mais le gimmick de la chasse au renard prête à sourire!), son style met à nu plus d'un travers humain intemporel, à l'exemple de la petite société d'une localité américaine de province vue comme un laboratoire.

Jean-Marie Rouart, Le Scandale, Paris, Gallimard, 2006/Folio, août 2007.

Rencontre avec Jean-Marie Rouart mercredi 8 février 2017 à 18h30 à Fribourg (Suisse), bibliothèque de la ville, salle Rossier, sur le thème "Une jeunesse perdue et autres romans". Organisation par l'Alliance française de Fribourg.

lundi 6 février 2017

Un été en février avec Gilles de Montmollin

Les sites de l'écrivain et de l'éditeur - merci à eux pour l'envoi!

L'été en février? Comment Gilles de Montmollin fait-il? Simple, mais il fallait y penser: pour son nouvel opus, "Latitude noire", l'écrivain suisse embarque ses lecteurs dans l'hémisphère sud, dans l'île de Jade. Celle-ci constitue le sud de la Nouvelle-Zélande. Fidèle à lui-même, il propose un roman aventureux et réaliste que l'on dévore. Et il revient à l'univers de la marine, qu'il affectionne, après avoir embarqué ses lecteurs en voiture avec "La fille qui n'aimait pas la foule". Bref, l'évasion est garantie...

Deux époques se chevauchent dans "Latitude noire", celle d'aujourd'hui ainsi que l'année 1941. L'auteur recrée deux navires des marines allemande et anglaise, et décrit une escarmouche non exempte de mystère au large de la Nouvelle-Zélande. Les bateaux sont décrits de manière crédible. S'ils n'ont pas réellement existé (au contraire d'autres appareils, dans d'autres livres du même auteur), ceux-ci portent les noms d'autres bâtiments pas tout à fait imaginaires. Le HMS Aphrodite existe dans un roman historique de Richard Testrake et emprunte son nom à un bâtiment qui, commandé, n'a jamais été construit. Quant au Derflinger, bâtiment de guerre camouflé en cargo, il doit son nom à une classe de croiseurs de bataille allemands d'une génération antérieure. Cela, avec un f en moins, comme pour suggérer l'écart entre le réel et le roman.

C'est cependant à notre époque que l'intrigue démarre, avec un coup de fil mystérieux de Jean-Bernard Duncan à son frère Serge, sexagénaire domicilié à Yverdon-les-Bains. Le suspens s'installe très vite. On s'attache à ce personnage de Serge, retraité pépère que les circonstances poussent à se surpasser, non sans s'interroger par moments sur ce que fut sa vie: échec, succès? Cela, tout en se comparant à ce qu'a réalisé son frère, riche gestionnaire de fortune et dragueur impénitent. C'est le point de vue de Serge que l'auteur adopte: celui du personnage le plus humain de la fratrie, un peu terne peut-être (quoique...), mais rassurant aussi.

Humanité: oui, l'auteur prend plaisir à montrer les personnages qui se côtoient sur les routes de Nouvelle-Zélande, au gré des campings et des déplacements. Les rencontres peuvent être fugaces, intenses, volontiers formatrices pour Serge. L'auteur ne perd cependant pas de vue ce que Jean-Bernard peut cacher, et qui excite les convoitises. Il est amusant d'observer les différents groupes d'intérêt désireux de s'emparer de son secret: un djihadiste suisse radicalisé jusqu'à l'os, et une mystérieuse Eurasienne. Quel sera le fin mot de l'affaire? Sans en dire trop, il est permis d'affirmer que c'est quelque chose comme l'une des chimériques "Wunderwaffen" nazies qui fait courir tout ce monde: l'objet de toutes les convoitises fonctionne, mais il a sombré avec le navire Derflinger en 1941.

"Latitude noire" est un de ces romans à suspens solides qui savent captiver leur lectorat. Ses chapitres sont courts et rapides, et privilégient une certaine efficacité lorsqu'il s'agit de planter le décor. Alliées ou ennemies, quelques jolies femmes traversent ce roman aussi, comme il se doit! Et de la salle de fitness d'Yverdon-les-Bains (à noter que l'auteur a écrit plus d'un texte ayant pour cadre une salle de fitness...) aux campings néozélandais, le dépaysement est garanti pour le lecteur.

Gilles de Montmollin, Latitude noire, Lausanne, BSN Press, 2017.


dimanche 5 février 2017

Dimanche poétique 288: Michel de Rivaz

Idée de Celsmoon.

Avec: Abeille, Anjelica, Ankya, Azilis, Bénédicte, Bookworm, Caro[line], Chrys, Emma, Fleur, George, Herisson08, Hilde, Katell, L'or des chambres, La plume et la page, Lystig, Maggie, Mango, MyrtilleD, Séverine, Violette.

Pour l'espoir, VII

J'entends le soleil
Pleurer sous la pluie
Je vois les abeilles
Mourir dans la nuit

Qui donc sera celle
Qui viendra chantant
Si l'amour chancelle
Que sera le Temps

Quand donc viendra celle
Que j'attends chantant
Cercueil ou nacelle
De l'amour aimant

La nuit éteint celle
Qui se montrait tant
La nuit étincelle
Où mourra le temps

Je vois le soleil
A travers la pluie
J'entends les abeilles
Réveiller la nuit

Michel de Rivaz (1920-2011), Le coeur à droite, Zurich, Librairie française, Saint-Rémy-La-Rampe, 1950.

samedi 4 février 2017

Défis: des participations dans les deux catégories!

hebergement d'imageLe Défi Premier roman commence fort avec deux participations de PatiVore. Je vous invite instamment à les découvrir, en cliquant sur les titres:

Nicolas Fromaget, Le cousin de Mahomet.
Louis-Timagène Houat, Les marrons.

hebergement d'imageEt côté Défi des Mille, Lili Galipette propose un regard sur la littérature québécoise avec Marie Laberge, autour d'une trilogie qui totalise 1174 pages. Je vous invite non moins instamment à découvrir son billet:

Marie Laberge, Le goût du bonheur

Merci à PatiVore et à Lili Galipette pour ces participations! Et à très bientôt!