jeudi 30 août 2018

Au sortir de l'enfance, un regard concret sur la vie en Pologne

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Wioletta Greg – "Je suis ces fruits encore verts", lit-on en fin de "Les fruits encore verts", texte qui donne son titre à un livre de Wioletta Greg, publié dernièrement aux éditions Intervalles dans une traduction soignée signée Nathalie Le Marchand. Nouvelle, chronique, anecdote? Intégré à un livre qui évoque la vie en Pologne dans les années 1980, ce texte s'avère important dans ce livre.


Important, parce qu'il met la lumière sur l'importance des liens intergénérationnels mis en scène. Voyons: la narratrice est une préadolescente qui vit sa seconde décennie d'existence, connaît ses premières règles, subit nolens volens les regards, les mots et les gestes des garçons – sans compter les agressions sexuelles, mine de rien: regard humain, celui de la narratrice est aussi, précisément, celui d'une femme en devenir. Autour d'elle, il y a la famille, qui a ses propres préoccupations mais joue parfois à être plus jeune qu'elle ne l'est, et même des aïeux: on se marie, on meurt, on discute, on ne se comprend pas toujours – surtout du point de vue de la narratrice. Et on vit un peu les uns sur les autres, la jeunesse se mêlant au grand âge et vice versa.

Ce mélange peut s'installer chez un seul personnage: le lecteur situe la narratrice entre deux âges, soit l'enfance et l'adolescence. Son regard sur la vie reste concret, encore un brin naïf, donnant à l'histoire une impression de générosité savoureuse, sans arrière-pensées. Qu'on ne s'y trompe pas, cependant: le ton de la narration, loin de contrefaire artificiellement le langage enfantin, apparaît comme adulte, donnant au lecteur l'impression que la narratrice est plutôt mûre pour son âge. Le fait qu'elle porte le même prénom que l'auteure suggère que cette dernière a mis quelque chose de son propre vécu dans les courts chapitres des "Fruits encore verts".

De courts chapitres, oui! Ils sont construits comme des nouvelles, ou des anecdotes témoignant d'épisodes de la vie villageoise, pour ne pas dire rurale, quelque part dans le Jura polonais. La description de cette vie s'avère à la fois simple et foisonnante, simple du fait de l'écriture directe adoptée, et foisonnante du fait du souci du détail, voire de l'effet de réel. Les dialogues, transcrivant l'accent fleuri de certains locuteurs, concourent encore à ce réalisme. Et d'un chapitre à l'autre, des constantes assurent une cohérence qui suggère qu'on est toujours dans le même monde: des objets comme le baromètre en forme de chalet, les gens qui entourent la narratrice. Le lecteur sourira même en voyant cette narratrice, qu'on découvre philuméniste éclairée, se mettre martel en tête et prendre des risques pour compléter sa collection d'étiquettes de boîtes d'allumettes.

Le lecteur voit ce petit monde évoluer et dessiner une mentalité gorgée des préceptes plus ou moins bien assimilés de la religion catholique: certains personnages y croient, ajoutant à leur foi des superstitions venues d'ailleurs. Cette mentalité est en phase avec un univers où, même si la Pologne est satellisée par un univers communiste qu'on croirait farouchement athée, le catholicisme marque la vie quotidienne. D'autant plus que Jean Paul II est pape en ce temps-là...

Justement: le lecteur le manque de peu, et le fait qu'il échappe aux personnages des "Fruits encore verts" suggère que le bruit du monde n'est pas l'essentiel ici. Les Jaruzelski et consorts, certes évoqués, paraissent bien lointains, plus en tout cas que les animaux que le père de la narratrice empaille – un père qui a certes fait de la prison. Loin de cet arrière-plan et des grandes théories, "Les fruits encore verts" montre des gens vivants, décrits par un langage qui fait toute sa place au concret, dans ce qu'il a de sombre, de lumineux ou même de cocasse.

Wioletta Greg, Les fruits encore verts, Paris, Intervalles, 2018. Traduction du polonais par Nathalie Le Marchand.

mercredi 29 août 2018

David Foenkinos à la riche école des vérités alternatives

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David Foenkinos – En voilà un roman où le vrai et le faux s'entremêlent avec brio! Cela, dans un domaine qui flatte tous les lecteurs: celui de l'édition. "Le Mystère Henri Pick", roman de David Foenkinos, est une réflexion sur le vrai et le faux. Tout se fonde sur une intrigue aux allures de roman "feel-good" (il faut être à la mode). Vu de loin, ça a l'air sage, et on peut avoir l'impression que l'adversité est bien molle. Mais qu'on se méfie...


Tout part sur une idée suggérée par l'écrivain américain Richard Brautigan: celle de la bibliothèque des livres refusés par les éditeurs – c'était dans "L'Avortement". Et voilà qu'un bibliothécaire breton sans éclat, Jean-Pierre Gourvec, décide de lui donner corps. Certains projets romanesques avortent; pourquoi ne pas leur donner un havre où aboutir? Ce qui n'était pas prévu, c'est que deux amants, Frédéric l'écrivain publié mais incompris (donc inexistant – un paradoxe que l'auteur illustre avec justesse) et Delphine l'éditrice ambitieuse stipendiée par Grasset, allaient y mettre les pieds.

Alors oui: on retrouve dans "Le mystère Henri Pick" la musique de David Foenkinos, constituée d'un sens certain de la formule apparemment surprenante mais toujours juste, au service d'une description exacte des relations humaines. Quelques gadgets viennent au secours de tout cela, par exemple le gimmick du thé au caramel offert à ses invités par la veuve d'Henri Pick.

La veuve... l'auteur s'astreint à donner à chacun de ses personnages un profil approfondi: tout le monde est attachant, et le lecteur trouve toutes les gens mis en scène crédibles. Suffisamment pour développer, tour à tour, leur propre vérité. Il y a les gens du village de Crozon, bien sûr, mais il y a aussi les critiques parisiens, à commencer par Jean-Michel Rouche, critique déchu, motivé par la nécessité d'animer le show de l'édition parisienne. Oups, justement: on l'aime quand il érafle la voiture de sa copine... autant que quand il fait son job de journaliste avide de savoir.

Ce show de l'édition, l'écrivain le donne à voir d'une manière qui sent le vécu: mine de rien, il démystifie la fameuse "ligne éditoriale" opposée en guise de motif de refus aux écrivains qui ont proposé des manuscrits: en fait, elle n'existe pas. Et çà et là, il éclaire doucement certains aspects pas toujours élégants du monde éditorial, présenté comme éminemment parisien: tel journal qui donne le ton depuis le boulevard Haussmann, ou alors la liste d'invités des soirées, à géométrie variable en fonction des gens en vogue. De ce point de vue, Jean-Michel Touche fait figure de thermomètre.

On peut donc lire "Le mystère Henri Pick" comme une satire du petit monde éditorial parisien – une vision un brin cynique: il semble s'approprier tout ce qui peut marcher, y compris un manuscrit qui passe par là, peu importe le génie réel. Ce cynisme est cependant tempéré par la citation plus ou moins empreinte de sympathie de certains auteurs d'aujourd'hui, par exemple Laurent Binet. Il est permis de se dire, avec un sourire, que l'auteur cite ses amis...

Voyons les choses plus loin encore, car là est l'essentiel: ce roman est celui du "roman du roman", illustration brillante du storytelling qui peut entourer la publication de certains livres qui doivent leur succès davantage à leur histoire qu'à leur qualité intrinsèque. Stratégiquement, cette manière de "roman dans le roman" peut sauver une publication programmée en pleine saison creuse. En l'espèce, tout cela peut même chambouler l'existence de plus d'un personnage – et dans ""Le Mystère Henri Pick", ça compte.

Enfin, "La Mystère Henri Pick" se positionne comme un roman qui montre au lecteur que si les vérités alternatives, également dites "fake news" depuis peu, font une mauvaise vérité, elles sont idéales pour développer de bons romans propres à faire naître des films fabuleux dans l'esprit des lecteurs. Alors, "Le mystère Henri Pick" est-il le fruit d'un complot? Est-ce vraiment un pizzaiolo breton qui a trempé sa plume dans l'encrier pour pondre un roman génial et inattendu? Le créateur de la pizza Staline a-t-il su décrire les dernières heures de Pouchkine? Tel le maître d'un jeu de bonneteau, l'écrivain propose plusieurs vérités, laissant le lecteur préférer la sienne, sachant qu'il aura toujours plus ou moins vrai ou faux.

En attendant, la bibliothèque des refusés de Crozon aura toujours des clients...

David Foenkinos, Le Mystère Henri Pick, Paris, Gallimard, 2016.

Le site des éditions Gallimard.

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lundi 27 août 2018

Une vie comme un siècle dans le val d'Anniviers

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Hélène Zufferey – Les éditions Favre ont eu récemment la riche idée de rééditer "Simon l'Anniviard", ouvrage à la croisée du roman et du témoignage, écrit par la Valaisanne Hélène Zufferey et inspiré par la vie de son père Simon. L'éditeur n'hésite pas à présenter ce livre comme un classique; c'est en tout cas une création forte qui mérite d'être redécouverte.


Forte en ce qu'elle donne à voir, sans juger ou si peu, ce qu'a pu être la vie dans une vallée de ce canton suisse toujours un peu à part qu'est le Valais. C'est rude et âpre, on s'accroche aux traditions, on a la tête près du bonnet, la religion rythme l'existence tout comme ces "remuages", transhumances entre villages pour offrir au bétail ce qui lui va le mieux – à la manière des poyas et désalpes fribourgeoises, pense-t-on parfois. La langue se fait sobre, sans artifices, empreinte en somme de la simplicité des mœurs décrites: on va à l'essentiel.

Cela dit, l'écrivaine use de quelques artifices qui enrichissent cette narration: les changements de points de vue. Il y a la narration, bien sûr, par Simon, dont l'auteure recrée le point de vue. Il y a aussi une approche plus distante, suggérée par des italiques: le récit assume le fait qu'il se fonde sur une enquête ethnographique. Et il y a le regard d'une personne tierce, celle qui fait parler Simon, surtout dans la deuxième partie du livre. Une partie où tout s'accélère, de la mobilisation de 1914-1918 jusqu'au grand âge de Simon, devenu entrepreneur florissant et enfin honoré par sa commune.

Les lieux, en effet, sont décrits dans leurs ambiances et leurs couleurs, entre Saint-Luc, Niouc et d'autres villages où l'on cultive l'entre-soi, entre vignes et alpages, à l'ombre de l'hôtel Bella Tola – qui existe encore aujourd'hui, et a contribué au cahier d'illustrations de "Simon l'Anniviard" en ouvrant ses archives iconographiques. Les mœurs sont dessinées avec exactitude, avec leurs forces et ce qu'elles peuvent aussi avoir d'archaïque aux yeux du lecteur du début du vingt et unième siècle – mine de rien, l'auteure dessine le statut de la femme dans la région, un statut certes accepté, mais à mille lieues de toute émancipation, et qui a ses raideurs: qu'on pense à l'opprobre jeté sur toute femme enfantant avant le mariage! Les usages sont d'ailleurs résumés, et c'est intéressant de le démontrer ainsi, de façon aussi synthétique, par les proverbes que lâche telle aïeule, sentencieuse, dans ses répliques.

Si l'écrivaine n'a pas sa pareille pour dire les bonheurs simples et les malheurs d'une vie rude à l'ancienne, proche de la nature (qu'on pense à la description de l'appétissante soupe au caillou concoctée par deux chevriers), elle brille aussi lorsqu'elle dessine l'arrivée de la modernité dans le val d'Anniviers, entre autres avec l'installation progressive de l'électricité. Fascination! Elle sait se mettre dans la peau des enfants émerveillés par la lumière qui jaillit d'une ampoule. L'arrivée des éléments modernes dans le val d'Anniviers fait écho au choix de l'entrepreneur Simon d'être toujours à la pointe du progrès, ce qui lui vaut de jolis contrats de construction. Mais si on le voit engagé aux côtés des plus pauvres, dont il fut dans son enfance, on devine sans peine qu'il a les idées bien arrêtées par rapport à certaines choses: l'auteure ne cède pas à la complaisance en dressant le portrait littéraire de son père.

Entre école et travaux des champs, c'est la première partie, la plus longue aussi, qui offre au lecteur l'occasion de s'attacher à Simon l'Anniviard, ce bonhomme fasciné par les chiffres dès qu'il a vu écrite sa date d'anniversaire pleine de 1. Entre peurs et bonheurs, son existence saura rappeler à plus d'un lecteur des moments de sa propre enfance, de sa propre jeunesse, ou alors celle que ses aïeux lui ont rapportée. Sobre et simple, la langue de l'auteure s'offre un soupçon de couleur locale authentique en utilisant, sans en abuser, des mots usuels dans le val d'Anniviers. Résultat: le lecteur apprécie ce récit d'une vie qui sonne vrai. Et quelques poèmes, placés en fin de livre, achèvent de camper l'ambiance. Témoignage, roman, étude: "Simon l'Anniviard", c'est un peu tout cela, servi de façon généreuse pour dire que le val d'Anniviers, c'est tout un univers.

Hélène Zufferey, Simon l'Anniviard, Lausanne, Favre, 2018.

dimanche 26 août 2018

Dimanche poétique 364: Raphaël Meneghelli


Volutes

Un siècle de fumée
Noirceur immaculée
Sans douleurs, goudronné
Bonheur tant inspiré

D'illusions, de ténèbres
Aux caisses de l'Etat
Sans soucis d'en faire cas
Mégots de chocolat

Chacun y prend bon compte
Et ce grand mélodrame
Société de faux comtes
Respire un mauvais charme

Ombre de lumière
Pesée de la misère
Volute embrumée
Nuage sans volonté.

26 février 2011

Raphaël Meneghelli (1974- ), Pèlerinage de vie, autoédition, 2012.

jeudi 23 août 2018

David Foenkinos: on s'aime et on se plaque

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David Foenkinos – Se plaquer parce qu'on s'aime? Et si possible avec force, parce qu'on est entre adultes? C'est ce paradoxe qui traverse tout "Nos séparations" de David Foenkinos. L'écrivain revisite ainsi le thème de l'impossibilité de vivre sereinement un amour sincère dans une société contemporaine vue comme toujours trop contraignante. Et dans ce roman, cette impossibilité traverse toute une vie... à la manière des intermittences du cœur, également nommées "cyclothymie des mouvements passionnels".


Alice et Fritz s'aiment, donc. Ils se sont rencontrés dans une soirée. La suite, l'auteur la narre avec un souci du détail et de l'observation épatant, un geste a priori banal ou naturel prenant soudain une importance énorme – l'auteur a le chic pour capter ce genre de détail. Le narrateur, c'est Fritz; dès lors, le lecteur est plongé dans les impressions paroxystiques d'un amoureux transi, suffisamment en tout cas pour envisager de passer sa vie avec telle femme. 

Mais des femmes, il y en a d'autres dans la vie de Fritz... ce qui empêche de voir vraiment en "Mes séparations" une sorte de romance où l'on s'ingénie à rapprocher deux êtres que tout sépare – même si en l'espèce, l'écrivain de "Nos séparations" place quelques obstacles, essentiellement sociaux, entre Alice et Fritz. Non: s'il y a d'autres femmes dans la vie de Fritz, ce n'est pas toujours pour le meilleur. 

On pense à Céline, personnage clé du roman, qui joue le rôle ingrat de la femme qui contraint sexuellement Fritz et joue la partition du chantage affectif. Ne sachant pas poser des limites claires, prisonnier d'un système hiérarchique (Céline a le pouvoir de faire virer Fritz), Fritz apparaît minable face à elle. Comme malgré lui, il y revient même régulièrement, comme subjugué par ce qui peut être vu comme un harcèlement.

Et puis il y a Iris Meurisse, l'écrivaine intrigante, à qui Fritz a vendu sa dernière cravate (vendeur de cravates, c'est le métier de Fritz, à un moment de sa vie, si improbable que cela paraisse). Elle fait figure d'amour possible, en tout cas probable, suffisamment en tout cas pour faire un enfant nommé Roman. Il est intéressant de relever, d'ailleurs, le jeu de miroirs entre la romancière Iris Meurisse et l'écrivain David Foenkinos: Iris apparaît à plus d'un titre comme l'apparition hitchcockienne de David Foenkinos dans "Nos séparations". En particulier parce que tous deux écrivent le même livre – un "roman/Roman" fruit de leurs amours? L'auteur joue sans complexe sur le double sens.

Face aux méandres des amours de Fritz, la vie sentimentale de son meilleur ami, Paul, et de sa partenaire Virginie (la référence aux amants fameux est assumée), sont pour le moins idéales. L'auteur surjoue la perfection de ce couple super conventionnel, capable même de renoncer à un divorce (alors que Fritz, à l'extrême opposé, loupe son mariage), quitte à donner à voir un couple trop mignon, trop parfait pour être vraiment aimable. Que Fritz soit le parrain du premier enfant de Paul et Virginie n'est pas un hasard: on peut y voir une manière de veiller sur une sérénité sentimentale qui lui est étrangère.

À tout cela, bien entendu, viennent s'ajouter les conventions sociales, les parents, les collègues, le travail même. L'auteur dessine un portrait pas piqué des vers du père d'Alice, vu en lecteur particulièrement réac du "Figaro". Entre soutiens et rognes, il illustre aussi ce que peut être la vie quotidienne d'un employé du dictionnaire Larousse; des inserts en forme de définition au style décalé suggèrent la déformation professionnelle de Fritz et font figure de regard extérieur sur les personnages du roman. On voit passer deux Polonais, ce qui n'a rien d'étonnant dans un roman de David Foenkinos, et aussi quelques allusions troubles à la Suisse. 

A sa manière, l'écrivain dessine ainsi le parcours improbable de deux personnages que tout aurait dû réunir et qui passent leur temps à se séparer. Superficiellement, on pourrait voir là-dedans l'exemple de l'anti-romance. Plus profondément, l'écrivain dessine avec Fritz le portrait d'un jeune homme en proie aux doutes, au caractère plutôt faible et velléitaire: en somme, un bonhomme d'aujourd'hui, refusant de s'engager et ballotté par les circonstances. Cela, avec le sens de la formule faussement légère et vraiment profonde qui caractérise David Foenkinos.

David Foenkinos, Nos séparations, Paris, Gallimard, 2008/Folio, 2009.

Le site des éditions Gallimard et Folio.

mardi 21 août 2018

Des moustaches, des nounours et une chanson paillarde pour rigoler

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Aloysius Chabossot – Des rumeurs tenaces, relayées avec complaisance par le réseau social Babelio, indiquent qu'Aloysius Chabossot est l'une des vedettes de la rentrée littéraire, par l'entremise des éditions Eyrolles. Le titre? "Fallait pas l'inviter!". 


Je le dis en préambule: il m'est arrivé plus d'une fois de me promener devant la belle librairie des éditions Eyrolles à Paris, sans rencontrer l'écrivain: c'était le temps où ses opuscules, par exemple "C'est l'histoire de totaux..." pouvaient être lues par tout un chacun au Bar de la Poste à Guéret, ou achetées pour deux euros à la librairie "Les Belles Images" dans la même ville. Bah! C'est sans concertation aucune que j'ai lu le week-end dernier, avec un plaisir non dissimulé, son petit roman policier "La Malédiction des Vampires du Crépuscule".

Disons-le, en écho à la préface: il n'y sera question ni de vampires, ni de crépuscule, ni de malédiction. Si vous aimez cela, passez votre chemin, encore que... En effet, la rigolade devrait mettre tout le monde d'accord, déclenchée par un esprit faussement froid, pince-sans-rire pour tout dire, coloré entre autres par le machisme à deux balles et à l'ancienne de l'inspecteur Guacamol, contrebalancé par l'esprit de sa coéquipière Milena, qui sait renvoyer les (deux) balles au besoin. 

Si le décor peut rappeler le poste de police vétuste du film "Au Poste!" de Quentin Dupieux (certes postérieur), le traitement de l'intrigue est parfaitement original. Qu'on en juge: Guacamol se voit chargé d'un dossier, celui de la disparition de la chanteuse Linda Bruckner. En compagnie de Milena, il va mener l'enquête. Et les heures de planque en bagnole vont être propices aux discussions, menant sur des pistes surréalistes: il sera même question d'un tueur en série spécialisé dans l'éventrage des ours en peluche. Ouch! Cette violence fait écho à celle, pas moins drôle (hum...) des agents Parker et Waterman, spécialisés dans l'art de cogner les suspects pour les faire avouer. A coups de bottins, comme quoi même à l'époque du numérique tout-puissant, les annuaires sur papier servent encore à quelque chose.

Tout se passe dans un pays qui pourrait être les Etats-Unis, sans qu'ils soient vraiment nommés: l'auteur le suggère fortement. Les Etats-Unis sont, parmi d'autres mais de façon particulièrement traditionnelle, le pays des feuilletons. C'est pourquoi, en miniature, "La Malédiction des Vampires du Crépuscule" a des airs de feuilleton. Ses chapitres sont courts et rythmés, se suffisent à eux-mêmes comme des saynètes, tout en incitant le lecteur à aller plus loin. Surtout que c'est court, allez...

Et puis, il y a une sacrée playlist dans ce court roman... Alors que d'autres vont piocher dans les classiques de la musique rock mainstream mondialisée pour faire intello, l'auteur n'hésite pas à la jouer terroir, façon leste: le fil rouge musical n'est rien d'autre que "La grosse bite à Dudule", naturellement traduite en anglais pour éviter que cela ne soit trop, euh, explicite. Reste qu'entre ce hit du répertoire paillard et une astuce de scénario prévoyant une moustache, "La Malédiction des Vampires du Crépuscule" semble un candidat tout indiqué pour le Prix Virilo. Surtout que pour faire bon poids, l'auteur n'a pas manqué de glisser quelques couvertures de Playboy dans un dossier de police. Faut ce qu'il faut, hein! Vous avez bien le droit de penser que tout ça, c'est un monde de mecs.

C'est court, c'est parodique à fond et ça va vite: sur un ton faussement sérieux, l'écrivain livre avec "La Malédiction des Vampires du Crépuscule" un micro-roman légèrement déconnant, empreint de non-sens et de raisonnements complètement à l'ouest, fondés éventuellement sur les maladresses de plume et attelages bizarres que l'auteur laisse volontairement traîner. De quoi faire naître quelques sourires! D'autant plus que l'auteur n'hésite pas à faire sa pub pour un autre opus... qui n'existe peut-être même pas, mais est vendu 35 euros dans toutes les bonnes librairies.

Aloysius Chabossot, La Malédiction des Vampires du Crépuscule, Les Editions du Camembert, 2013.

Le blog d'Aloysius Chabossot.

lundi 20 août 2018

Claire et Joël, un amour au bout du monde

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Sylvie Barbalat – De l'exotisme, des histoires mouvementées en Asie, quelques questions de société, et de l'amour pour couronner le tout: dans son premier roman, Sylvie Barbalat réussit un cocktail bien dosé pour faire rêver et réfléchir ses lecteurs. Se fondant sur les traditions et usages ancestraux d'un pays imaginaire, nimbé de romantisme, "Le Maître des rêves" adopte par ailleurs une once de fantastique qui trouve ses racines dans les superstitions. Des superstitions pourtant très crédibles, puisant dans une idée couramment répandue qui veut que les rêves ont un sens et nous guident.


Tout commence lorsque, arrivés au soir de leur vie, deux amis de jeunesse se trouvent des origines communes. Se rencontrant par hasard sur les rives du lac de Neuchâtel, Claire et Joël, les moteurs de ce roman, vont se rapprocher au fil de la traduction du journal intime de la mère de Joël par Claire. Cela va les amener jusqu'à leurs racines, dans ce pays qu'on nomme Kertashan. Autant dire nulle part: le Kertashan est imaginaire, et la région reculée dont leurs aïeux viennent n'apparaît pas de façon détaillée sur les cartes.

Toute la première partie s'apparente à une conversation à trois: la mère morte, Makala, venue en Suisse depuis le Kertashan; Joël, son fils; et Claire, qui, jouant le rôle d'interprète dotée d'empathie, révèle une mère à son propre fils, y compris dans des aspects qu'on préfère ne pas forcément connaître. C'est par le biais de son journal intime que Makala s'exprime, comme une voix bienveillante revenue d'entre les morts... ou de nulle part, puisque le Kertashan n'existe pas. C'est ce qu'a dû se dire, sans doute, émerveillé, le père de Joël, qui n'était pas exactement un bellâtre.

L'auteure dessine des personnages principaux bien trempés, guidés avec passion par une certaine idée de la justice sociale, dessinée à grands traits qui suffisent à donner une idée de l'architecture mentale de ces personnages. Claire, première gynécologue femme de Suisse, assume sa fibre féministe (et son droit de mater les beaux mecs qui font du beach-volley sur les rives du lac de Neuchâtel, hé hé! C'est même là que tout commence...), alors que Joël, historien, est l'héritier d'un syndicaliste enflammé, Juste parmi les nations devenu critique envers Israël après la guerre des Six Jours. Tout cela, sans doute, leur donne la force de se dépasser pour partir au Kertashan, malgré leur âge avancé: on imagine qu'en début de roman, ils ont déjà 70 ans au moins.

Avec de tels caractères, un tel profil culturel, le choc des civilisations avec une société traditionnelle est inévitable, et l'auteure prend plaisir à décrire les interférences entre des visions du monde diverses. On admire la qualité de la recréation littéraire de la vie d'un village, où les quelques idées doucement progressistes doivent faire face à l'opposition d'anciens fort conservateurs, jaloux d'une forme marquée, peut-être caricaturale, en tout cas butée, de patriarcat – ce qui installe la question du statut de la femme dans "Le Maître des rêves". Dans ce monde, émerge (et c'est important) la caste des maîtres des rêves, forte d'un grand pouvoir, celui d'envoyer songes et cauchemars prémonitoires à qui le mérite, éventuellement sur demande. Ce qui crée des jalousies, des tensions, et même des interdictions. Claire et Joël auront l'occasion d'apporter leur vision du monde. L'auteure a le bon sens de dessiner cet apport de façon douce, à la manière d'un soft power, évitant ainsi l'écueil de personnages occidentaux rapidement donneurs de leçons. L'idéal, en somme, avec l'idée d'un développement lent mais durable. 

Et l'amour, alors? Claire et Joël vont vivre des aventures ensemble, bien sûr, et se retrouver – dans un contexte où, certes, ils seront poussés à leurs extrémités. L'auteure dit les moments de doute sans fard, mais elle sait aussi raconter les moments d'intense complicité, autour d'un joint et d'un peu de vin ou à l'occasion d'une nuit passée en fraude à l'intérieur de la cathédrale de Chartres, comme des gamins: comme quoi l'amour est un retour en enfance. L'intensité des sentiments tient du reste aussi à une volonté de rattraper le temps perdu, quitte à composer avec le bagage parfois encombrant d'une vie passée loin l'un de l'autre, ainsi qu'avec les contingences du grand âge. Cela, sans compter ces maladresses qui font que Claire et Joël, capables de s'accepter, sont deux personnages profondément humains et profondément attachants.

Sylvie Barbalat, Le Maître des rêves, Lausanne, Plaisir de lire, 2018.

Le site des éditions Plaisir de lire.

dimanche 19 août 2018

Dimanche poétique 363: Pontus de Tyard

Idée de Celsmoon.



Ô calme nuit, qui doucement composes

Ô calme nuit, qui doucement composes 
En ma faveur l'ombre mieux animée, 
Qu'onque Morphée en sa salle enfumée 
Peignit du rien de ses métamorphoses !

Combien heureux les oeillets et les roses 
Ceignaient le bras de mon âme épâmée, 
Affriandant une langue affamée 
Du paradis de deux lèvres décloses !

Lorsque Phébus, laissant sa molle couche, 
Se vint moquer de mes bras, de ma bouche, 
Et de sa soeur, la lumière fourchue !

Ah que boiteux d'une poussive haleine 
Soient ses chevaux, et ne cueille sa peine 
Qu'un fruit amer de la vierge branchue !

Pontus de Tyard (15221-1605). Source: Poésie.webnet.

samedi 18 août 2018

Akron, ou l'ennui entre deux continents

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Jérôme Plattner – C'est l'histoire d'un gars qui se souvient: sur le ton des souvenirs, en dépit de deux ou trois fausses notes liées à la focalisation, tel est le propos du premier roman de Jérôme Plattner, "Akron". Il y est question d'un homme ordinaire surnommé Gerry. Natif d'une petite ville américaine où le cinéaste Jim Jarmusch a aussi vu le jour, il décide de faire sa vie dans la vieille Europe, entre Paris et Berlin. Gerry, c'est le gars qui ne sait pas répondre à la question "Que veux-tu faire de ta vie?". Et malheureusement, le lecteur est embarqué dans cette absence de réponse. C'est qu'il n'est pas facile de raconter de façon extraordinaire l'histoire d'un personnage ordinaire... et "Akron", tout en s'offrant le fil rouge magnifique du cinéma, n'y parvient pas.


Gerry aborde la vie avec un certain pragmatisme, et là, on sent le Ricain proche de ses affaires. Berlin et Paris ne seront pas montrées de façon touristique, ou si peu: l'essentiel est de voir ce qu'il s'y passe, et de les montrer comme des lieux de travail: publicité dans un cinéma parisien, tournages de propagande à Berlin-Est. Dès lors, l'écrivain développe ce qui se passe dans les studios légendaires de Babelsberg, introduisant entre autres le personnage de Wiebke, concurrente potentielle de la femme du narrateur, Zoé. On peut regretter, en tant que lecteur, qu'il n'y ait pas un supplément de pression sur les personnages, d'autant plus que la narration s'inscrit dans les temps difficiles de l'Allemagne de l'Est: cela aurait apporté un supplément de tension dramatique.

De façon convenue, "Akron" se construit comme un roman chronologique, sans surprises, sans travail sur le rythme, relatant en somme la biographie platement linéaire du personnage de Gerry. Une biographie que l'auteur ne parvient pas à rendre intéressante, et c'est bien dommage: avec un personnage tendu entre cinéma et littérature, qui fait le grand écart entre l'Europe cultureuse et l'Amérique industrieuse, il y avait largement de quoi faire. "Akron" est par ailleurs desservi par un style scolaire et par une construction sans surprise, finalement ennuyeuse.

Et puis, il y a ces choses qui paraissent signifiantes, qui sont même mises en exergue, alors qu'elles ne disent rien du tout: il est permis de se demander pourquoi l'auteur a souligné le fait que Gerry est né le jour du Jeudi noir de 1929, alors que cela ne joue aucun rôle significatif plus loin dans ce roman. De même, le fait que le père du narrateur, ouvrier américain monté en graine, ait été un raciste convaincu (c'est l'époque qui veut ça – et au moins, on avait là un personnage sincère...) constituait un boulevard pour un récit. Ce boulevard, l'auteur l'indique, mais l'emprunte peu.

Cela, sans oublier les villes de Paris et de Berlin – sans parler d'Akron, ville de l'Ohio forte de près de 200 000 habitants quand même. Celles-ci sont toujours regardées de façon finalement superficielle, pas même touristique. On ne voit pas grand-chose de ces villes, ni des lieux décrits: tout se passe comme si l'auteur s'empressait de se réfugier dans l'abstrait des lieux investis. Résultat: le lecteur, qui aurait voulu vivre la pression de la Stasi ou la joie de vivre nocturne de Paris voit que ces cités sont interchangeables. On passera sur le fait que dans "Akron", les bordels parisiens semblent avoir survécu à la loi Marthe Richard de 1946...

Au fil des pages, on pense à Frédéric Moreau, personnage clé de "L'Education sentimentale". Cela, à cette différence près que Gustave Flaubert a su rendre son personnage captivant, si médiocre qu'il ait été. "Akron", pour sa part, sur la base d'un personnage du même genre, ne réussit qu'à ennuyer. Ce n'est pas que le personnage de Gerry n'ait pas eu les atouts en main; on déteste d'autant plus ce personnage que justement, en fin de roman, il se retrouve "pomme avec le bour", inapte à réaliser le moindre de ses rêves alors que toutes les chances étaient de son côté. Or, personne ne s'attache aux perdants, surtout s'ils ne prennent pas la peine, avec leurs armes, de mener au moins une belle intrigue...

Jérôme Plattner, Akron, Sainte-Croix, Mon Village, 2018.

Le site des éditions Mon Village.

vendredi 17 août 2018

Quand la mythique Europe lâche une beuse...

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Pierre Yves Lador – Un beau livre de divagations sur les vaches et l'Europe, tout ça: voilà ce que propose Pierre Yves Lador dans son dernier roman, "Poussière demain". Demain pousse hier: oui, les jours passent, et monter à l'alpage pour passer quelques jours à donner un sens aux bouses des vaches constitue le quotidien de trois personnages, deux jeunes femmes et un jeune homme, unis par des liens troubles, païens pour ainsi dire, à la fois fraternels, amicaux et amoureux, entre lesquels l'auteur louvoie avec aisance.


On le comprend rapidement: l'histoire de ces trois gaillards partis étudier les bouses de vache n'est qu'un prétexte, pas très épais en fait. Le lecteur croise des lutins qui sont des réincarnations de personnalités, ou des visiteurs tels que ce Turc qui apparaît comme une caricature d'Erdogan, ou tel Polonais, ou tel Serbe. A chaque fois, ces rencontres introduisent des dialogues à teneur philosophique où l'on croise verbalement le fer, avec des arguments originaux. Bien sûr, il existe dans "Poussière demain" un fil rouge plus fort: la vache.

La vache? L'auteur la voit comme l'animal emblématique de l'Europe, et convoque la mythologie gréco-romaine pour appuyer son propos. Europe séduite par Zeus, c'est un mythe connu (la pièce grecque de deux euros en porte la mémoire, soit dit en passant), point d'ancrage du livre. Du coup, un simple modzon apparaît ainsi comme le point de départ d'une réflexion sur la culture européenne et ses racines. Cette question culturelle est posée de façon inquiète ("Quo vadis?", a-t-on envie de demander), soulevant l'aspect de la sécurité culturelle face au mercantilisme ou aux idées à la mode telles que le véganisme. D'autant plus inquiète que l'auteur voit le continent comme un lieu peu soucieux de ces racines, vendu au libéralisme économique et ouvert à tous les vents, acceptant presque avec enthousiasme de perdre son âme.

Le narrateur est de ceux dont l'esprit bat la campagne, assumant en un jeu serré un langage bien à lui. Les phrases de "Poussière demain" sont longues souvent, comme autant de tentatives désespérées d'embrasser l'infini. Quant aux mots, ils assument leur côté terroir, enraciné (je vous parlais des racines, tiens...) dans son terroir, usant sans complexe de vaudoiseries – d'ailleurs, dans ce beau pays, on dit "beuse" et pas "bouse", et on arrive à trouver à cette matière quelque chose de divinatoire. On pourrait certes répliquer, avec un sourire, que les personnages n'ont pas envisagé l'hypothèse du loto-bouse, un jeu à la coule... Mais est-ce si grave pour nos chercheurs?

Reste que l'écrivain, en un stupéfiant grand écart stylistique, fait résonner ces mots typiquement vaudois avec le génie universel d'une érudition à l'épreuve des balles, joueuse à l'occasion, par exemple lorsqu'il s'agit de revisiter telle ou telle étymologie pour mettre en évidence la richesse, l'épaisseur d'un mot. Cela, sans parler des néologismes inattendus, ni de la musique des mots, ni du sourire qui naît au détour de telle ou telle expression. Ainsi naît une musique, mieux: une poésie.

De Pierre Yves Lador, on attend à chaque fois quelque chose de copieux, on s'attend même à avoir les dents du fond qui baignent. Et là, le lecteur n'est pas déçu: "Poussière demain" est d'une richesse jouissive. C'est un épatant réseau littéraire que l'auteur tisse ici, comme Arachné tissa jadis ses toiles d'araignées, qui hantent aujourd'hui encore les chalets d'alpage. L'auteur a d'ailleurs piégé dans sa toile quelques auteurs amis, sans doute enthousiastes d'être ainsi saisis: on pense à Marilyn Stellini, à Catherine Santschi ou à Stéphane Bovon, pour ne citer qu'eux. Juste un truc d'ailleurs: il paraît même que le fantôme de Jean d'Ormesson hante "Poussière demain"...

Tout ça pour dire qu'à l'alpage, on se délecte, connecté qu'on est à l'infiniment terrien d'une bouse de vache comme à l'infiniment cosmique de la place de l'humain sur terre et dans l'univers!

Pierre Yves Lador, Poussière demain, Dole, Olivier Morattel Editeur, 2018.

En prime, un lien vers le site qui cause vaudois: Topio.ch.

jeudi 16 août 2018

Six personnages en quête d'un supplément d'âme, une nuit à Beyrouth

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Diane Mazloum – Beyrouth, un soir de coupe du monde de football en 2010: on joue Allemagne-Ghana. Le match est anecdotique, c'est un match de poule, mais il teinte l'ambiance. Sur ce fond, six personnages jeunes vivent leur vie cette nuit-là, entrecroisant leurs destins d'êtres humains doués de sentiments. C'est l'histoire de "Beyrouth, la nuit", premier roman de Diane Mazloum.

La première séquence met en scène Marylou. Son copain est parti avec une autre, une danseuse russe désireuse de faire carrière, alors que son nouveau compagnon aimerait plutôt la fixer et fonder un foyer. Particularité: cette danseuse apparaît sur des annonces contre le cancer du sein. Le ton est donné: on s'aime, on se quitte, mais les amours vous hantent toujours. Quant aux mentalités, elles s'entrechoquent dans une ville qui est un personnage à part entière de ce roman.


Beyrouth, entre passé marquant et modernité hors sol
Connaît-on bien Beyrouth, en effet? L'écrivaine en donne une vision approfondie et impressionniste. Elle souligne les marques de l'histoire, par exemple les carcasses d'immeubles ruinés par les bombardements et les bâtiments coloniaux qui subsistent. Les noms des rues sont cités également, rappelant, parce qu'elles portent les noms de gens illustres, les personnalités qui ont marqué le passé de la ville. Des gens pas forcément libanais, Weygand par exemple...

Ce passé marquant fait écho à la modernité creuse, hors sol, que vivent les jeunes gens mis en scène par l'écrivaine: téléphones portables, téléviseurs à écran plat, rien ne saurait manquer. Les lumières de la ville n'ont pas toujours un sens évident... Enfin, l'auteure montre Beyrouth comme un carrefour des cultures, avec cette image forte des cloches qui sonnent en même temps que le chant du muezzin.

Des personnages de caractère
Amours et solitudes: un tel cocktail exige de la part de l'écrivaine une écriture qui met tous le sens en éveil. Et c'est gagné: on décrit ce que l'on voit, mais aussi ce que l'on sent, avec par exemple ces flacons de parfum cassés dans le lavabo d'un hôtel. On se caresse aussi; et l'on se dégoûte du petit-déjeuner copieux préparé par la bonne, ou alors on boit des verres. La musique est présente aussi, avec quelques tubes internationaux comme "Alabama Song" dans la version de David Bowie: ces airs trottent longtemps dans la tête du lecteur.

Quant aux interactions entre les personnages, elles sont celles qui peuvent intervenir entre des personnages aux caractères forts, donnant l'impression constante d'une guerre amoureuse. Cette surenchère de vannes et de trucs de drague peine à masquer la solitude, qui affleure cependant, par exemple lorsque tel personnage ne sait plus à qui téléphoner pour sortir ou lorsqu'un dialogue met à nu l'impossibilité d'un amour pourtant sincère. La romancière passe de l'un à l'autre au gré de chapitres courts, ce qui confère de la force et du rythme à "Beyrouth, la nuit". Et puis, il y a cette artiste, Nara, morte dans le feu d'un crash aérien: a-t-elle été la dernière amante d'un autre des personnages en présence?

Porté par une écriture d'apparence sobre mais chargée de sensualité en fait, "Beyrouth, la nuit" est ainsi le portrait d'une certaine jeunesse, brossé au travers de six personnages en quête d'un supplément d'âme. Cette jeunesse est parfaitement ancrée dans la modernité mais peine à trouver ses marques, dans un contexte d'apparente libéralité citadine: ni les portables, ni le football (vécu par procuration: le Liban n'était pas en phase finale des championnats du monde de football en 2010) ne peuvent masquer une certaine vacuité de vie. Tout cela, au cœur d'une cité meurtrie à laquelle l'écrivaine offre une ambiance convaincante au cœur d'une nuit d'été.

Diane Mazloum, Beyrouth, la nuit, Paris, Le Livre de Poche, 2015. Première publication Paris, Stock,  2014.

Le site du Livre de Poche, celui des éditions Stock.

Défi des Mille: un bon gros Stephen King chez Lili Galipette!

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Le Défi des Mille n'est pas mort, et Lili Galipette s'en souvient encore! Merci à elle! Elle a publié tout dernièrement un chouette billet sur "Le Fléau", vaste ouvrage signé Stephen King, soit 1475 pages en version numérique. Je vous invite à découvrir son billet ici:


Stephen King, Le Fléau.

Merci pour cette participation et à bientôt!

dimanche 12 août 2018

Dimanche poétique 362: Yvan Perrenoud

Idée de Celsmoon.

Le point

En somme, que fais-je continuellement,
si ce n'est le point?
Je pense à une tache
Je l'ai avalée
sans l'avoir comprise
Vois cette écriture,
ces mots diformes!
Elle s'en sort ainsi
digérée, libérée
Dieu, faites...
Qui suis-je
Qui suis-je si je ne suis
un point 
en train
perpétuellement
de faire le point

Yvan Perrenoud, Diable Temps, Yvan Perrenoud, 1991.

vendredi 10 août 2018

Quand la physique quantique et les médias américains rencontrent la chick lit

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Sarah Mlynowski – Voilà un roman de chick lit un brin particulier: "Moi & Moi, vice-versa" commence par la demande en mariage. Le romantisme de cet instant est tout relatif: cela se passe au Texas, dans la benne d'une camionnette. Force est de relever que ce premier moment du roman est bien sage et sirupeux, et ne manque pas de sagement mentionner les noms des amoureux, Gabby et Cam, dès la première phrase. On relève que ce premier chapitre pose une question importante en la matière: ne pas dire non, est-ce dire oui – et vice versa? Mais foin d'états d'âme: par la suite, l'écrivaine canadienne sait se rattraper. Et ça pétille à fond!


"Moi & Moi, vice-versa" est un roman qui se fonde sur la difficulté qu'il peut y avoir à faire des choix dans la vie, ressentie par tout un chacun un jour ou l'autre. En l'espèce, l'enjeu oscille entre l'amour et la carrière, sachant que pour Gabby, les deux sont un rêve: Cam est l'homme de sa vie, mais il a les deux pieds au Texas et ne veut pas d'un amour à distance, et le job des rêves de Gabby, glamour et bien payé, se trouve plutôt du côté de New York. Et là, l'écrivaine introduit une astuce bien originale: dans un esprit fantastique, elle dessine la double vie de Gabby, passant de son existence de productrice TV à New York à ses préparatifs de mariage au Texas. Et pour donner à cette astuce un petit côté fantastique, l'écrivaine va jusqu'à décrire les malaises de Gabby lorsqu'elle passe d'une vie à l'autre. 

On s'y attend: l'écrivaine décrit dans "Moi & Moi, vice-versa" les inconvénients de ces deux vies parallèles. Du côté du métier de productrice, ceux-ci relèvent des difficultés inhérentes à tout emploi d'un certain niveau – et aussi du harcèlement sexuel, c'est un peu attendu – et sont modérés par les succès engrangés par Gabby, qui a du flair pour trouver ce dont on va parler dans les médias; on retrouve dans "Moi & Moi, vice versa" l'univers des médias que l'écrivaine a déjà dessiné dans "Télémania". 

Le lecteur rigole beaucoup plus lorsqu'il côtoie la Gabby contrainte de préparer son mariage, en composant avec sa famille (très absente) et sa belle-famille (très présente): cela, d'autant plus que Cam est, euh, très famille. C'est le lieu des répliques qui claquent, et aussi des pressions insupportables! Et mine de rien, tout cela est narré dans une dynamique de compétition entre Gabby et sa belle-mère ("Alice, deux. Moi, toujours zéro.", p. 154). Fort justement, les pages consacrées aux préparatifs du mariage en grande pompe suggèrent qu'en somme, le mariage n'est pas l'affaire, ni la fête des mariés. Ceux-ci se contenteraient en effet d'un consentement prononcé dans l'intimité, les pieds dans le sable, sur une plage aux îles Fidji.

Le lecteur croit aux personnages mis en scène par l'écrivaine: ils sont classiques, mais solidement construits, sans doute dans le but précis de susciter quelques éclats dont le lectorat va se délecter. Si Gabby paraît hésitante, elle a quand même son caractère, de même que Cam, avocat bien installé, dominateur presque sans le faire exprès, du simple fait de sa situation. Les personnages secondaires eux-mêmes ont aussi une personnalité prononcée. On pense à la colocataire fantasque de Gabby à New York, ou à Brad, le magnifique bout de viande masculin ("Miam.", songe Gabby lorsqu'elle le voit la première fois), mis sur la touche en raison d'une propension excessive à picoler. 

Autour de Gabby, les hommes tourbillonnent donc, et chacun a ses atouts et ses défauts. Cela dit, le lecteur n'est pas dupe: il comprend dès l'incipit quel couple sera constitué en fin de récit. Dès lors, l'agrément de la lecture de "Moi & Moi, vice-versa" réside dans la manière dont les deux cœurs, celui de Gabby et celui de Gab, vont se retrouver après un fort moment de gêne. Cela, dans un contexte parfaitement américain où certains détails peuvent surprendre le lecteur européen: d'une part, il faut penser à l'emprunt pour la maison avant même d'avoir échangé les consentements, ce qui paraît aller vite en besogne. Et puis franchement, qui boirait un Lafite-Rothschild avec son foie gras? Plutôt un bon sauternes, mais enfin, à chacun ses goûts!

Travail ou amour, faut-il vraiment choisir? La réponse, optimiste, est en fin de livre... L'idée de dessiner des vies parallèles est astucieux; le lecteur peut penser à des choses comme le film "Sliding Doors" de Peter Howitt. Mais de préférence, il se laissera embarquer dans le mouvement vivace de "Moi & Moi, vice-versa". C'est un roman de chick lit astucieusement construit, porté par de beaux personnages, où l'auteure sait aussi faire montre de finesse dans le contexte d'une narration rapide et dynamique où les amours côtoient, l'air de rien, la physique quantique et les univers parallèles. Il faut ce qu'il faut, hein!

Sarah Mlynowski, Moi & Moi, vice-versa, Paris, Harlequin, 2007. Traduction par Nadine Ginape-Mercier.

mercredi 8 août 2018

Un amour parfait, alors qu'on ne s'aime guère

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Lolvé Tillmanns – Il y aurait eu de quoi faire toute une saga familiale, mais non: avec "Un amour parfait", son quatrième roman, Lolvé Tillmanns choisit le rythme dense et serré de chapitres courts. Elle y relate le parcours parallèle de deux familles voisines, domiciliées dans des villas chics de Coppet, sur les rives du Léman. Capulets et Montaigus modernes, ces deux familles ne s'estiment guère. Trop semblables, peut-être, avec leurs épouses sans cesse renvoyées à leur modeste extraction et elles-mêmes complexées, névrosées, incapables de tenir leur rang... Du coup, lorsque leurs enfants respectifs, nés le même jour, se trouvent des affinités amicales, cela ne plaît guère.

Dans "Un amour parfait", il faut s'y attendre: les histoires de famille sont compliquées. Formellement, cela se traduit par de constants allers et retours, parfaitement maîtrisés, entre le présent et le passé, un passé qui remonte à la naissance d'Elisabeth et Matthew, les deux enfants voisins. La complexité des histoires familiales éclate aussi dans l'onomastique, mise en place dès le deuxième chapitre, avec un jeu complexe de noms de famille perdus, conservés, repris au gré des changements d'état civil, et de deuxièmes prénoms. Plus particulièrement, le nom de famille "de Boisseau" suggère qu'on cherche à placer quelque chose "sous le boisseau", pour le cacher: des secrets de famille...

C'est du côté des épouses, Francine et Kate, qu'il faut chercher. On les sent rongées par l'ambition, ou prêtes à y céder, en cherchant à se faire épouser par le biais de paternités imposées. En particulier, la manière dont Francine se fait engrosser par un Louis de Boisseau en plein coma éthylique a tout d'un viol au féminin – qui entre en résonance avec une scène de viol conjugal ("Wilhelm grimpa sur elle et l'utilisa comme un récipient tiède et agréablement parfumé", p. 208). Cela dit, si odieux qu'ils puissent être à l'usure, Louis de Boisseau et Patrick McNeil semblent s'en accommoder. Sans doute parce qu'ils sont peu investis, parfois même plus proches de leur bouteille d'alcool (c'est le match cognac contre whisky, encore un antagonisme entre les deux familles) que de leurs épouses – en somme, ils disposent de chemins de fuite.

Au fil des pages se dessine une mise en évidence des soubassements pas toujours glorieux du mariage, vus comme hypocrites plus que passionnément amoureux. Ascension sociale, régularisation, argent, fuite: les unions relatées par "Un amour parfait" sont bâtis sur le sable et le mensonge.

Le couple de jeunes amis, lui, joue sur les complémentarités, l'élément fort et dynamique du tandem étant Elisabeth. Elle est mue par un besoin de perfection encouragé, si l'on peut dire, par une mère fantasque. Dans la cour de récréation, elle protège Matthew contre les agressions de collègues désireux de rouer de coups le rouquin de service, un gamin plutôt passif, bien qu'intelligent et créatif, qui restera traumatisé à vie par ce harcèlement peu pris au sérieux. Pour complaire à leur famille peut-être, tout deux suivront leur voie, chacun de son côté. Mais que faire quand l'amour et l'amitié sont rendus impossibles, d'abord par les parents, puis par une vie déjà bien entamée?

Le livre "Un amour parfait" est certes un titre qui attire les regards et les remarques amusées lorsqu'on le lit dans l'espace public. De manière moins anecdotique, c'est aussi un roman qui sait montrer sans juger, révélant quelques péripéties clés, exemplaires au fil d'une construction pointilliste faite de nombreux chapitres courts agencés avec virtuosité. Il est ponctué de scènes et de mots terribles du quotidien, révélateurs glaçants des faces grises et même noires de chacune et de chacun. 

Lolvé Tillmanns, Un amour parfait, Genève, Cousu Mouche, 2018.

Le site de Lolvé Tillmanns, celui des éditions Cousu Mouche.


mardi 7 août 2018

Mystères flamboyants à l'indienne, autour d'un prix Nobel de médecine

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Amitav Ghosh – C'est sans doute la saison des moustiques pour plus d'un d'entre vous, amies et amis lecteurs. Une bonne raison de revenir au roman "Le Chromosome de Calcutta", thriller étrange, voire halluciné, signé de l'écrivain indien Amitav Ghosh. Sa force? Le propos explore les zones d'ombre de la vie de Ronald Ross, prix Nobel de médecine en 1902 pour ses recherches sur le paludisme, véhiculé par ces étranges bébêtes assoiffées de sang qui zonzonnent la nuit.

Il est aisé, en effet, de développer, à partir des doutes que soulève une recherche menée au bout du monde par un chercheur peu versé dans son domaine, une belle théorie du complot, une chouette vérité alternative – de celles qui font les bons romans. Mais n'anticipons pas: si celle-ci voit le jour, c'est parce qu'un terne employé d'une terne entreprise, Antar, repense malgré lui à l'un de ses anciens collègues, l'exubérant Murugan, à l'occasion d'un terne travail de saisie.

Ce personnage, Murugan, finit par occuper une bonne partie de l'espace du roman. Il est permis de s'agacer face à sa personnalité volontiers intrusive, que ce soit face à de jeunes filles travaillant dans la presse indienne ou face à Antar, qui ne demande pas mieux que de poursuivre sa vie tranquille, et d'arriver à la retraite sans encombre. Si le propos paraît sérieux, cela dit, Murugan est certainement le personnage qui lui donne ses plus éclatantes couleurs. L'auteur lui confère une faconde de tous les instants et un ton péremptoire, empreint de vigueur: dans un orchestre, il serait la trompette solo, jouée fortissimo.

C'est lui qui porte une vérité alternative, peut-être, au sujet de Ronald Ross, qu'on a un peu oublié aujourd'hui. Oubli profitable, puisqu'il ouvre la porte à toutes les histoires possibles. Et justement, Ronald Ross a la sienne, qui suggère que le prix Nobel de médecine de 1902 n'a pas tout à fait mérité sa distinction. Du coup, Murugan s'est donné pour mission de faire la lumière sur la question du paludisme en Inde. D'où l'hypothèse d'un chromosome de Calcutta, née au cours d'une vie d'étude hallucinée où le colon, face à des indigènes relégués au rang de servants alors qu'ils en savent plus que lui sur la réalité du terrain, n'est pas forcément le plus malin.

Murugan, c'est aussi Morgan, prononcé à l'anglaise. Il est donc permis de voir en ce personnage de chercheur amateur passionné un trait d'union entre l'Inde et l'Angleterre, ancienne puissance coloniale. Ses mauvaises manières, soulignées à plus d'une occasion, n'ont rien de celles d'un lord anglais. Intéressé cependant à un ressortissant de la prude Albion, il est permis de voir en lui un Janus, ayant un pied dans une réalité et un autre dans l'autre. Quitte à ce qu'il en ait un troisième dans le domaine fantastique: "Le Chromosome de Calcutta", thriller atypique, va jusque-là.

On s'interroge parfois sur le caractère historique de plus d'une scène du roman, oui, et l'écrivain surfe avec brio sur les zones grises de l'histoire. Cela dit, d'autres épisodes, bien imaginés, plongent dans la réalité la plus crue de la vie indienne, quitte à ce que cela apparaisse comme grotesque, comique ou agaçant au lecteur – ou même les trois à la fois. On pense par exemple à la comédie qui tourne autour du poisson que la journaliste Urmila doit acheter pour nourrir un invité et sa famille: sa mère fait pression sur elle, alors qu'elle a un agenda bien rempli, et que tout le monde dans la famille pourrait faire un saut chez le poissonnier à sa place. Bel exemple d'un pénible chantage affectif en famille, soigneusement retracé!

Entre la réalité étonnante et parfois sordide de la vie en Inde et l'éther d'un imaginaire qui va chercher loin, en passant par l'intrusion d'un mystérieux écrivain célèbre qui a aussi son mot à dire, tout se tient dans "Le Chromosome de Calcutta", même si les personnages apparaissent comme parfaitement disparates. Les ambiances changent, du plus terne au plus flamboyant, pour offrir au lecteur un thriller sinueux qui, plus que par son rythme trépidant (quoique...), se distingue avant tout par ses ambiances et ses contrastes.

Amitav Ghosh, Le Chromosome de Calcutta, Paris, Points, 2007. Première édition: Seuil, 1998. Traduction de l'anglais par Christiane Besse.

Le site des éditions du Seuil, celui de Points.