mercredi 18 octobre 2017

La tendre guerre, en lente gradation...

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Emily Blaine – Abby Harper, attachée de presse, devra-t-elle s'occuper de la carrière de l'acteur le plus ingérable de Hollywood, Garrett McIntyre, et plus si entente? La fin du roman "Les filles bien ne tombent pas amoureuses des mauvais garçons" est prévisible, car telle est la loi du genre de la romance. Dès lors, l'intérêt de cet opus, signé Emily Blaine, réside dans la manière dont les choses vont se goupiller entre deux personnages qui, dotés chacun d'une solide carapace, sont amenés à se faire une tendre guerre, comme cela se fait depuis que le monde est monde...


Du point de vue formel, le lecteur attentif observera une astuce intéressante, qui consiste à découper le livre en chapitres d'une part, en journées dûment datées d'autre part. Il en résulte un rythme syncopé d'un bel effet et permet de structurer des chapitres plutôt longs, où la tentation du cliffhanger est souvent présente pour relancer l'intérêt. Côté écriture, on peut regretter un style pas toujours aussi pétillant qu'attendu, où affleurent des tics de langage (utilisation fréquente du verbe "contrer", utilisation un peu trop facile de l'anaphore). Cela dit, on relève que les dialogues claquent bien et, lorsque ce sont eux qui s'expriment, laissent transparaître une vraie complicité entre les deux personnages principaux. C'est là que s'exprime, en particulier, l'habileté de l'auteure à cerner leurs psychologies respectives, qui ont leurs complexités et défendent leurs territoires respectifs.

Ainsi, il n'est pas évident de cerner Abby Harper, à l'aise dans un monde de mensonges (c'est ainsi qu'apparaît Hollywood dans le roman, de façon attendue), jusqu'à y jouer avec zèle le rôle qu'on attend d'elle: rattraper le coup lorsqu'une actrice finit au poste de police en état d'ivresse manifeste, par exemple. On sent déterminée mais aussi, curieusement, effrayée à l'idée de prendre en main le suivi de la carrière d'un personnage présenté comme hors norme. Peur du dossier McIntyre? Ou fascination pour celui-ci? Le personnage d'Abby Harper assume ses contradictions.

Et Garrett McIntyre, est-il si cauchemardesque? Là aussi, on peut s'interroger: certes, il est sauvage, mais il est aussi présenté comme un homme qui a des manières sous des apparences rudes. En somme, Garrett McIntyre peut être vu comme l'incarnation classique du mec parfait, pour ne pas dire de l'homme objet, à la fois sexy, sauvage pour cacher une fêlure dans sa vie, tendre quand même une fois qu'on a percé la carapace, doté d'une certaine intelligence du cœur: protecteur plutôt que prédateur en somme. Quelles perfections! Cela le distingue des personnages secondaires hommes de ce roman, dessinés de façon schématique comme agressifs ou prédateurs. Cela conduit quand même à s'interroger: mis à part quelques frasques retentissantes qui ont fait les choux gras de la presse people, qu'est-ce que Garrett McIntyre a de si terrible, en définitive? Mis à part qu'il faut aller le chercher avec les dents pour qu'il consente à sortir de sa retraite de Soledad pour un dernier tour de piste...

Il a déjà été question ici d'éléments de structure du roman. J'y reviens brièvement pour noter une des forces de "Les filles bien ne tombent pas amoureuses des mauvais garçons" pour noter la qualité majeure de ce livre: sa capacité à mener une gradation tout en finesse, sur 284 pages, reflet de la montée de sentiments tendres, déstabilisants puis peu à peu irrésistibles, entre les deux personnages. Fort à propos, en particulier, c'est vers la fin de ce roman que les personnages couchent ensemble, pour une première fois. Et comme l'auteure ne compte pas s'arrêter en si bon chemin, elle propose, sous forme d'extra pas indispensable mais croustillant, une ultime scène volée: "Sex Scene Don't Read", avertit la romancière... ce qui va aiguiser les convoitises pour un dernier tour de piste.

Emily Blaine, Les filles bien ne tombent pas amoureuses des mauvais garçons, Paris, Harlequin, 2017.
Le site de la romancière, celui de l'éditeur.



2 commentaires:

  1. J'aime beaucoup cette chronique qui donne un bel aperçu du roman. Lu il y a longtemps, j'en garde un bon souvenir, le genre de lecture qu'on lit vite, qu'on recherche pour se détendre.

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    1. Merci pour le retour! Il m'a peut-être manqué quelque chose pour le trouver absolument excellent, mais c'est effectivement un roman bien mené et agréable à lire entre deux livres plus cossus.

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