samedi 4 janvier 2025
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vendredi 3 janvier 2025
"Post mortem": faux tableaux et vrais cadavres
Olivier Tournut – Le millésime 2025 du Prix du Quai des Orfèvres est indéniablement bon. Avec "Post mortem", le primo-romancier Olivier Tournut offre à son lectorat une intrigue policière qui conduit son lectorat dans les tréfonds mortels du marché de l'art... et dans les hautes sphères de la politique française. Tout commence à Montmartre...
D'emblée, le lecteur est frappé par le souci constant du détail qui caractérise l'écriture de "Post mortem": l'observation des immeubles de Montmartre où le drame se noue est fine même si le bâtiment décrit est fictif: il n'y a pas de 91 bis, rue Caulaincourt, mais il y a bien un 91, qui pourrait avoir servi de modèle à l'auteur.
Cette finesse d'observation, l'auteur l'applique également lorsqu'il s'agit de décrire les interactions entre les agents qui entourent Le Peletier, la capitaine d'une enquête atypique. Celles-ci se situent régulièrement dans la confrontation et mettent en scène une équipe de police fonctionnelle mais tendue, constamment à la merci des intérêts des uns et des autres, qu'ils soient professionnels, privés ou même sentimentaux.
Le jeu de pressions orchestré par l'écrivain dans "Post mortem" questionne, par la voie de la fiction, la liberté de fonctionnement de la police parisienne dès lors qu'une personnalité, en l'occurrence un ministre et, a fortiori, son ex-épouse, est en jeu. Qu'on ajoute à cela certains intérêts financiers liés à la création de faux: ce dispositif ne peut que captiver.
Paris est bien présente naturellement et, en mode "œuf de Colomb" (c'est simple, mais il fallait y penser!) irrigue un aspect qu'on n'attendrait pas forcément ici: l'onomastique. Chaque personnage du roman ou presque, en effet, porte le nom d'une voie ou d'une station de métro de la ville, à commencer par les faussaires, Riquet et Duvernet.
Cela, sans omettre les rôles clés de l'enquête, deux femmes au bord de la crise de nerfs: Le Peletier et Charon. Là, l'auteur emprunte à Pierre Charron, à une lettre près: si le théologien Pierre Charron a sa rue à Paris, rendue célèbre par Renaud ("Les Charognards"), Pierre Charon, homme politique français, est titulaire de la médaille d'honneur de la Police nationale. Mais il n'a pas de voie à son nom...
Quant au monde des faussaires, enfin, c'est avec soin qu'il est abordé, et ça sonne vrai: l'auteur paraît connaître les combines des fabricants de faux les plus habiles, celles qui vont même tromper les spécialistes, quitte à donner quelques idées à des artistes du pinceau.
Il est intéressant de relever, enfin, la temporalité un brin floue du roman: celle-ci tranche avec le réalisme foncier d'une intrigue travaillée et fouillée quant à ses fondements. Elle se situe cependant durant les mois qui ont présidé au passage du 36, Quai des orfèvres à l'autre 36, celui de la rue du Bastion, soit vers la fin 2017. S'ils ne sont pas prégnants dans une intrigue qui privilégie l'idée de montrer la police en action, ces décors furtivement cités suffisent à créer une certaine nostalgie pour l'"ancien" 36, celui qui fait face au quai des Grands-Augustins et qui restera, face à l'histoire, le siège de la police parisienne.
Voilà: entre le monde de l'art et celui de la police, l'écrivain Olivier Tournut offre avec "Post mortem" un roman rigoureux qui sait captiver grâce à son sens aigu de l'observation, indispensable pour qu'une intrigue aussi complexe ne se perde jamais.
Olivier Tournut, Post mortem, Paris, Fayard, 2024.
Le site des éditions Fayard.
Et vous, vous en connaissez d'autres, des livres intitulés "Post mortem"? Je viens d'en lire trois pendant les fêtes, qui dit mieux?