jeudi 9 janvier 2025

Douglas Kennedy, un tour du monde en mode financier

Douglas Kennedy – L'argent fait tourner le monde, dit-on. S'embarquant sur les continents du monde, Douglas Kennedy va un pas plus loin avec "Combien?": c'est un tour du monde des hautes sphères de la finance qu'il offre à son lectorat. Il y a de l'humour dans ce roman de voyage atypique, mais il y a surtout de l'humanité.

Pour ce qui est de la structure du roman, l'auteur s'est en effet laissé balader par les relations humaines et les on-dit entendus dans un bar ou ailleurs. Chaque chapitre de "Combien'?" recèle ainsi le portrait d'au moins un homme ou d'une femme réellement rencontré, actif dans le domaine de la haute finance, du trading: collègues buvant un verre après le service, jeunes traders de pays émergents ou nouveaux dans le monde du capitalisme. Il convient de relever que "Combien?" fait la synthèse de choses vues peu après la chute du mur de Berlin et que certaines des pages de ce livre en gardent la mémoire.

Les portraits dessinés par l'auteur sont toujours en demi-teinte: gagner beaucoup d'argent n'est, contrairement à ce que l'on peut penser, pas toujours évident à vivre, et les galères ne sont pas toujours si différentes de celles des classes moyennes ou populaires. En particulier, le métier de trader a une date limite dans la vie d'un humain, comme c'est le cas pour un sportif. Certains essaient de perdurer à l'aide de l'alcool, d'autres bénéficient de circonstances particulièrement bénéfiques, mais il arrive que le couperet tombe, de façon inattendue voire ingrate: toute perte de performance sera sanctionnée. La condition féminine est aussi abordée, entre premières femmes devenues brillantes traders presque par chance et responsables méfiants face à ces nouvelles actrices sur le marché.

Et le métier roi de la finance, celui de trader, s'avère divers d'un pays à l'autre alors que l'auteur de "Combien?" fait son tour du monde. Aux Etats-Unis, l'auteur le voit comme la cristallisation d'un matérialisme inquiet. En Algérie, il s'entretient avec un trader de la bourse atypique de Casablanca (ouverte une demi-heure par jour, et huit transactions sont le bout du monde pendant cette fenêtre) qui relève que les criées à la corbeille ne sont rien d'autre qu'une formalisation du marchandage de rue auquel l'écrivain a fait face lorsqu'il est arrivé au Maroc. On s'intéresse également au destin de ce vieil homme qui, financier dans sa jeunesse hongroise, revient aux manettes après la période communiste qu'a traversée son pays. Et enfin, il y a les objectifs de carrière des traders australiens: vivre tranquillement en animant un commerce de bons vins ou de trucs sympas.

L'argent fait donc tourner les traders, et Douglas Kennedy les suit avec un certain souci de représentativité, de New York à Casablanca en passant par Londres, Budapest, Singapour ou Sydney. Ce faisant, il montre que le métier de trader, comme d'autres, échappe à toute standardisation et assume son côté culturel: le métier n'est pas pratiqué de la même manière partout sur la planète, et chaque professionnel, si riche qu'il ait pu devenir, a ses intérêts et ses ambitions, mais aussi ses désillusions et ses craintes. Et s'il fallait retenir une chose de cette lecture à la fois drôle et profonde, toujours attrayante, c'est que les traders sont des humains comme tout le monde, motivés par les mêmes causes.

Douglas Kennedy, Combien?, Paris, Belfond, 2012/Pocket, 2013. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Bernard Cohen.

Le site de Douglas Kennedy, celui des éditions Belfond, celui des éditions Pocket.

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