lundi 30 juin 2025

Un vent de folie dans les Alpes

temp-Image-HYZa-PD

Alexandre Regad – Président des éditions Encre fraîche depuis 2009, Alexandre Regad vient de publier son premier roman, "Les réprouvées", aux éditions Presses Inverses. Pour l'auteur, c'est là l'aboutissement d'une idée qui l'habite depuis ses années d'études: prolonger par le roman un travail de séminaire sur l'hystérie réalisé en 2004.

"Les réprouvées" est en effet un roman historique qui évoque l'épisode des "Possédées de Morzine", survenu dans les années 1857 dans ce village reculé de France: soudain, les femmes de Morzine (et aussi un homme) semblent devenus fous, comme pris de délire. Tout va être tenté pour y remédier: la religion bien sûr, mais aussi la superstition, le magnétisme, et même la méthode scientifique, avec un Dr Constans dont l'emprise rappelle, avant l'heure, celle du "Knock" de Jules Romains (p. 112 ss). Quelques certitudes et hiérarchies sociales éclatent au passage. Même le Second Empire va vibrer sur ses bases... 

Il convient de relever que l'écrivain valaisan Gabriel Bender s'était déjà attaqué à ce sujet, avec "Les Folles de Morzine", onzième tome de la collection "Gore des Alpes" de livres d'horreur qui font rire, frissonner et réfléchir. Revenant quelques années plus tard sur le même sujet, Alexandre Regad adopte une approche radicalement différente. 

Le lecteur découvre avec "Les réprouvées" un roman à l'écriture âpre, ciselée avec finesse en privilégiant les phrases courtes pour la narration proprement dite, ainsi que pour la description du Morzine d'alors, socialement figé: une localité a priori maudite où l'on n'arrive que par punition (tel l'un des curés qui s'y sont succédé), peuplé de personnages a priori peu sympathiques, si ce n'est peut-être la jeune rousse amnésique et rêveuse que l'on va suivre tout au long du récit et qui donne un visage à celui-ci.

L'ambiance est sombre dans ces lieux où les personnages sont rendus semblables par un travail agricole qui déshumanise. Ces personnages, l'auteur les fait apparaître tour à tour, de deux manières. Il y a d'une part ces monologues intérieurs, souvent ceux de la fille rousse mais parfois aussi d'autres gens qui rappellent ainsi, pour le meilleur et pour le moins bon, leur humanité. Et il y a d'autre part ces courts dialogues qui, de manière lapidaire, jouent un rôle de commentaire à la manière du chœur d'une tragédie antique. 

Alexandre Regad offre à son public un premier roman travaillé, littéraire, sombre aussi, qui, si bref qu'il soit, cultive une certaine lenteur dans la narration. Une lenteur qui épouse, sans doute, celle la vie dans les vallées reculées de montagne au dix-neuvième siècle jusqu'à ce qu'une certaine modernité vienne y apporter quelques remises en question.

Alexandre Regad, Les réprouvées, Prilly, Aux Presses Inverses, 2025.

Le site des éditions Aux Presses Inverses.


2 commentaires:

  1. Je ne connaissais pas cet épisode historique mais je serais curieuse de découvrir comme il a inspiré ici l'auteur !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonsoir Audrey! Oui, c'est porté par une belle écriture, travaillée et qui sait où elle va. Quant à l'épisode, il mérite en effet d'être redécouvert, par le roman... ou en vrai. Bonne fin de semaine à toi!

      Supprimer

Allez-y, lâchez-vous!