lundi 18 décembre 2017

Dieu, la philosophie, le pomerol et Jean d'Ormesson

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Jean d'Ormesson – Jean d'Ormesson est parti pour un monde meilleur, au début de ce mois de décembre. Il était temps pour moi de retrouver sa voix, et il se trouve que j'avais, depuis trop longtemps, un de ses livres dans ma pile à lire: "La Création du monde", dédicacé par l'écrivain lors d'une Fête du Livre de Saint-Etienne dont il était le parrain. Voici donc quelques impressions de ma récente lecture de cet opus, qui date de 2006 déjà.

Pour mémoire: l'histoire est celle de quatre amis, personnalités fort différentes, qui se retrouvent quelque part en Méditerranée pour huit jours de vacances mêlant les plaisirs de la bonne chère (le pomerol et les cigares) et de l'esprit. Ces derniers s'avèrent prépondérants dans "La Création du monde", puisque l'un des convives a emmené avec lui un manuscrit qu'il entend faire lire à ses compagnons. Il y est question de la rencontre entre Dieu et un être humain très ordinaire dont le nom rappelle le Juif errant: Simon Laquedem.

"La Création du monde" est donc construit comme un roman enchâssé dans un autre. Roman, vraiment? L'action est minimale, l'essentiel passe dans des dialogues à forte teneur philosophiques. Dans leurs dialogues, Dieu et Simon se prennent au sérieux, Simon buvant les paroles de son divin interlocuteur. Touche-à-tout, la philosophie véhiculée apparaît assez simple, assez basique, un brin pesante, et peut donner l'impression de tourner un peu en rond. Fort heureusement, en contrepoint, les rapides commentaires critiques des lecteurs de ce manuscrit donnent à ce dialogue le recul et la respiration nécessaires.

Qui est le Dieu mis en scène? Bien malin qui saura le dire, l'auteur suggérant ainsi le caractère insaisissable d'une telle personne, qui a parlé à Moïse, Abraham, mais aussi à Mahomet, puis justement à Simon, nouveau prophète pressenti. Reste que le point de vue reste plutôt chrétien, comme le suggèrent plusieurs allusions à la Bible que nous connaissons: les jardins du Moyen-Orient, certes présentés comme plutôt musulmans, font figure d'Eden, et quelques citations sont sorties des psaumes ("Parle, parle, Seigneur, ton serviteur écoute").

Quelques coquetteries complètent le tout, enfin, comme la mention de ce personnage nommé Edgar, sans D à la fin, ou l'idée, récurrente en littérature pour qui s'y hasarde, que Dieu se manifeste toujours près de chez soi: si Jésus est revenu à Genève pour l'écrivain genevois Mark Levental (dans l'amusant et iconoclaste "Les Maux du Prophète"), il fait une apparition aux Buttes-Chaumont pour Jean d'Ormesson le Parisien. 

Big Bang, temps qui passe, rêves, culture et conscience humaine, infiniment grand contre infiniment petit: l'écrivain revient, dans cette "Création du monde" en sept jours plus un, sur quelques thèmes qui lui sont chers. Cela lui donne prétexte à les commenter, dans un état d'esprit ambivalent: si tout cela est abordé de façon fort grave par Dieu, n'est-ce malgré tout rien d'autre qu'une bonne blague, qu'on fait passer avec un bon rire et un verre de pomerol? Allez savoir...

Jean d'Ormesson, La Création du monde, Paris, Robert Laffont, 2006.

Egalement lu par MajanissaTioufout.


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