Serge Cantero – Il s'en passe de belles au Mexique! A moins que ce ne soit en Suisse, on ne sait pas forcément... Le lecteur qui se plonge dans "Le Dit des Egarés", deuxième roman de l'artiste et écrivain Serge Cantero, va en effet s'aventurer dans un grand voyage onirique d'une durée de sept jours fous. Quitte à se perdre. Le voilà prévenu!
"Le Dit des Egarés" mange en effet à tous les râteliers: tantôt il s'agit d'un récit ésotérique, tantôt il a le goût d'un roman policier inabouti, tantôt on a affaire à des pages aux accents érotiques ou sensuels marqués – une belle constante. Et surtout, la part du rêve, dirigé ou libre, est énorme. Ce rêve peut aussi être le fruit d'un trip ou d'une ivresse prononcée.
Le lecteur suit ici le personnage de Gaston Recréé, de sa compagne Monique et de leur amie Raquel, notoirement lesbienne, dans un voyage de sept jours au Mexique. Sur place, Gaston retrouve une connaissance de jeunesse, Karl, qui lui a légué une mystérieuse boîte contenant une histoire dont Recréé a tiré un livre. C'est l'occasion de replonger dans le passé, pour les deux hommes, autour d'une figure de médecin utopique, ancien Nazi, le professeur Hermann Waldherr. De quoi perdre encore un peu plus le lecteur entre deux périodes, au gré d'un fil rouge dessiné en pointillé.
Le passé et le présent s'entremêlent en effet dans "Le Dit des Egarés"... comme le rêve se mêle au réel, ou fait irruption au détour d'une de ces sept longues séquences qui sont autant de chapitres. L'auteur se promène avec aisance entre ces univers présentés comme poreux, où le rêve peut être guidé par un chaman, le chaman lui-même pouvant être un enfant curieusement savant pour son âge. Et si l'on pense que l'auteur n'exclut pas la possibilité d'une transcendance, force est de constater que "Le Dit des Egarés" part tous azimuts... quitte à ce que les lecteurs soient les "égarés" du titre.
Généreux, trop peut-être? Le lecteur pourra s'épuiser, déconcerté, à retracer toutes les pistes que l'auteur dissémine à l'envi, sans les suivre forcément jusqu'au bout dans leurs moindres détails, dans ce roman atypique qui ose même le grand voyage dans le temps. Mais "Le Dit des Egarés" conserve une part de solidité, grâce à une langue claire où alternent les longs paragraphes presque étouffants et les dialogues, aisés et même parfois truculents, si l'on pense à cet étrange touriste belge un peu lourdaud, ou à cet improbable hôtelier mexicain qui cause vaudois...
Serge Cantero, Le Dit des Egarés, Vevey, Hélice Hélas, 2017.
Le site de Serge Cantero, celui des éditions Hélice Hélas.
Défi Rentrée littéraire 2018.
Egalement commenté par Francis Richard.
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