lundi 27 février 2023

"'S'échapper" de Martine Duquesne: deuil, fuite et retour à soi-même

Martine Duquesne – Faire son deuil, revenir à une vie normale, peu à peu, après quelques errements. Ne pas céder à la tentation de la fuite. Tel est le parcours que suit Max, le personnage principal du deuxième roman de Martine Duquesne, intitulé "S'échapper". 

Max? C'est le narrateur, et c'est aussi un enseignant d'un certain âge, actif dans la région de Lyon. La perte de son amie le chagrine. Avec finesse, l'auteure explore plus particulièrement, dès le début de son roman, la question qu'on peut se poser après une telle tragédie: "Ai-je tout fait pour la sauver?" Et c'est en détail qu'elle repasse le film des derniers temps de Lina, la compagne, atteinte d'un cancer, ainsi que les présences et absences de son compagnon. Cela, dès un certain 13 novembre 2015, qui apparaît comme un coup de semonce.

Avec ou sans compagne, la vie de Max n'a rien de simple. Elle en recrée certaines galères d'enseignant, en particulier les rapports parfois difficiles avec la hiérarchie, et sait pousser son personnage de Max dans ses derniers retranchements dans ce contexte-là aussi. Doit-il se faire aider par un psy ou peut-il s'en sortir tout seul? A-t-il fait du mal au recteur? Pour ne rien simplifier, l'alcool s'en mêle, sous la forme d'une consommation irréfléchie et compulsive.

Formellement, toute la première partie, sinueuse, reflète la complexité dramatique du personnage de Max. Les chapitres sont courts, fulgurants même, et alternent introspection et narration de vie. L'auteure y glisse encore le point de vue de Lina, consigné sous la forme de lettres recueillies dans un carnet que Max découvre après son décès. Au risque de déconcerter le lecteur parfois, ce tourbillon de points de vue et d'actions reflète la tempête qui se passe dans la tête de Max.

En comparaison, la deuxième partie apparaît linéaire, reposante pour le lecteur également. Elle peut paraître banale puisqu'elle relate un voyage organisé que Max effectue avec une vingtaine de personnes dans l'Ouest américain. Ce voyage, Max l'a cependant voulu comme une manière de s'en sortir, de quitter son inconfortable zone de confort. Et le fait qu'il soit raconté d'une façon directe, comme sur de (bons) rails, donne à cette seconde partie un air d'optimisme. A telle enseigne, la porte reste ouverte, qu'un nouvel amour, naissant de deux solitudes, pourrait se faire jour.

Ce n'est pas sans risque, cependant: à plus d'une reprise, Max va être tenté de fuir sans laisser d'adresse. Il comprend cependant peu à peu qu'aucune fuite ne lui permettra de s'échapper de son passé, ni de ses ombres, ni de ses lumières. Ce récit d'un homme courageux, marqué par le destin, est porté par une écriture familière dont le lecteur apprécie la rapidité, qui modère pleinement le poids que pourrait apporter un sujet aussi grave.

Martine Duquesne, S'échapper, Lausanne, Favre, 2023.

Le site des éditions Favre.

2 commentaires:

  1. Le contexte professionnel du protagoniste me parle, du moins en partie, et je serais assez curieuse de découvrir son cheminement intérieur...

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    1. Bonsoir Audrey, c'est à essayer en effet! Le parcours du personnage principal est finement tracé, entre ressenti intérieur et impacts extérieurs.
      Merci d'être passée et d'avoir laissé un commentaire!

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