samedi 25 février 2023

Balade et résonances sentimentales en demi-teinte à travers Berlin

Sébastien Berlendis – C'est à une balade lacustre du côté de Berlin que l'écrivain lyonnais Sébastien Berlendis invite son lectorat avec "Seize lacs et une seule mer". La mer, ce sera la Baltique, bien sûr, avec ses hôtels surannés qui font écho à ceux de La Bourboule. Quant aux lacs, on en perd le compte: ils se répartissent entre la ville de Berlin et, par le biais des souvenirs, la France.

Philosophe et photographe, l'écrivain intègre le cinéma dans son roman. En effet, tout débute pour le narrateur par la découverte, sur un marché aux puces, d'une série de six films énigmatiques, tournés en Super-8 sur les rives des lacs de Berlin, où apparaît une certaine Inna Helm. Leur visionnement inspire à l'auteur l'envie d'aller voir ce qu'il en est aujourd'hui sur place – et, pourquoi pas, d'en savoir plus sur Inna Helm elle-même. 

Mais si légitime qu'elle soit, cette piste s'avère lâche, d'autant plus que mine de rien, le narrateur va développer sa propre relation avec un personnage féminin, la Syrienne Leyla, qui va l'emmener sur sa propre voie sentimentale, voire – c'est dit avec pudeur – érotique. Telle une odyssée lacustre et sentimentale, le parcours de vie impulsé par les bobines de films en Super-8 va amener le narrateur à se souvenir de son passé, marqué par une lointaine Louise.

L'écriture de "Seize lacs et une seule mer" s'avère sobre et sage, et s'attache à dépeindre un Berlin en teintes douces. Personnage à part entière du roman, la capitale allemande est vue comme une ville qui se souvient de la Seconde guerre mondiale et du temps du communisme, entre autres par le biais de l'imposante Karl-Marx-Allee. 

Cela dit, la jeunesse s'y égaille comme partout ailleurs, relève l'auteur: les garçons cherchent à se faire remarquer des filles, qui déambulent, faussement innocentes. Le plus souvent visuel, l'auteur ne recule pas devant les descriptions, glissant dans son propos une ambiance discrètement mais constamment sensuelle ou évoquant tel bar où les jeunes se croisent et se frôlent.

Paragraphe après paragraphe, dans une écriture sans dialogues ou presque, si sobre qu'elle renonce aux points d'interrogation qui concluent en principe les phrases interrogatives, l'écrivain relate dans le bref ouvrage que constitue "Seize lacs et une seule mer" un univers amical et sentimental en teintes pastel, tout en sérénité rêveuse. De même, c'est de façon à la fois concrète et discrète, soutenue en contrepoint par quelques clins d'œil musicaux et cinématographiques, que l'écrivain évoque Berlin et ses "strandbad" (lieux de baignade lacustres) dans ce récit.

Sébastien Berlendis, Seize lacs et une seule mer, Arles, Actes Sud, 2021.

Le site des éditions Actes Sud.

Lu par Jacques Plaine, Jérôme Delclos.


2 commentaires:

  1. Comme toujours un très bel avis ! Je rencontre peu le procédé dans mes lectures mais j'apprécie toujours quand une ville se détache assez pour être considérée comme un personnage à part entière...

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    1. Merci pour ton commentaire sympa, Audrey! :-) En effet, c'est aussi un des éléments appréciables dans ce court roman: la ville s'en dégage, l'auteur réussit à en dessiner les diverses ambiances, d'un lac à l'autre mais pas seulement.
      Bon dimanche à toi!

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