lundi 25 novembre 2019

Et si "Massacre à la tronçonneuse" était un roman...?

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Olivier Bruneau – De l'horreur, du sexe et un soupçon d'humour: voilà les ingrédients tout simples qu'Olivier Bruneau manœuvre à merveille dans "Dirty Sexy Valley". Facile d'écrire un tel roman? Pas sûr: l'enjeu est de recréer une ambiance à la fois parodique, façon "Scream" ou le grand Quentin Tarantino, et accrocheuse, pour ne pas dire envoûtante, et de donner l'impression de dépasser les bornes. Parce que sachez-le, amis lecteurs: loin de toute forme de ce politiquement correct qui encrasse l'échange d'idées aujourd'hui, l'ouvrage d'Olivier Bruneau apparaît parfaitement décomplexé. Et rend dignement hommage à tous ces films d'horreur dont on se dit que le pire, c'est qu'on aime ça.


Qu'on imagine: tout converge vers une maison perdue dans la campagne, où une famille vit selon ses violentes habitudes, farouchement défendues. Tout, c'est un couple de randonneurs, mais aussi six amis qui, à un tournant de leurs études, souhaitent vivre un grand moment avant de se séparer, peut-être définitivement. Une partouze bien alcoolisée mais pas tout à fait assumée, par exemple,  pourquoi pas? Tout ce monde va être amené à se côtoyer... pour le pire, surtout, et l'auteur fait preuve d'une rare inventivité en la matière – la première scène de sexe se déroule tête-bêche, à la verticale, Madame étant piégée les jambes en l'air et la tête en bas, c'est dire.

Les personnages mis en scène assument tous un côté caricatural appuyé, fondé sur les fantasmes et stéréotypes de tout le monde. On se souvient évidemment de Marie, archétype de la belle rousse nymphomane, pure (il n'y a qu'à voir le prénom) et un peu coconne, à la peau pâle, qui rêve de se faire tringler par le premier prince charmant qui passe par là... et qui s'avère un geek dégingandé, lui-même pas très gâté en matière d'expérience sexuelle. Le côté horrible du sexe plus ou moins non consenti apparaît aussi au travers des deux lascars qui, avec la bénédiction de leur mère, réduisent les passants au statut d'objets sexuels, manœuvrés à la machine si nécessaire (un gode tronçonneuse...), avec la mort comme seule issue possible. La matriarche? Euh, bel exemple de femme imposant un rapport sexuel non consenti à un homme. Elle a la technique, mais c'est un viol, rien de plus rien de moins. Ambiance...

Et pourquoi ça marche? Il y a des tonnes d'humour là-dedans, révélatrices d'un truc: oui, on a le droit d'user de l'outrance pour rigoler de tout cela. Cela, à condition de prendre le lecteur pour ce qu'il est: une femme ou un homme capable de comprendre qu'on est dans la caricature, le deuxième degré voire plus. Elément important: l'auteur ne juge jamais les actes de ses personnages, se contentant de les voir évoluer et s'amusant, avec un plaisir qu'on devine sadique et amusé, à les faire vivre les pires avanies. Cela, avec un sens consommé du détail: comment le randonneur, évadé de justesse avec sa femme après mille tortures infectes, va-t-il expliquer à sa chérie que son sexe sent le savon et le propre?

Côté sexe, l'auteur joue à fond la carte de l'outrance du porno, n'hésitant pas à décrire des scènes de sexe invraisemblables ou à évoquer des torrents de sperme ou de cyprine symptômes de jouissances extrêmes – en écho au sang qui gicle: rien n'est gratuit, hein! Il en résulte une ambiance survoltée, rendue possible parce que l'écrivain, disons-le, met en scène des personnages qui, pour des raisons diverses, ne pensent qu'à ça: que ce soient de rugueux primitifs vivant à l'écart et exprimant leurs pulsions sans façons ou des étudiants qu'on pourrait croire policés, tous sont pareils, finalement dégueulasses, juste pilotés par leur bite ou leur clito. Et comme on peut mourir dans "Dirty Sexy Valley" (et que c'est justement ce à quoi il faut échapper), on note que l'écrivain revisite sur un ton vicieux et farcesque l'opposition tragique entre Eros et Thanatos.

Avec "Dirty Sexy Valley", l'écrivain Olivier Bruneau réussit à recréer, dans le genre du roman, l'ambiance des films d'horreur de série B hollywoodiens qui savent rire d'eux-mêmes. Imaginative, trash sans problème, scandaleuse presque, l'intrigue tient debout malgré ses outrances et ses délires, et assume même ses invraisemblances et faux raccords. Elle est portée par une plume désinvolte et familière, parfaitement amorale, qui flirte dangereusement avec le graveleux et l'abominable... quitte à franchir la ligne rouge, pépère. Autant dire que ça dépote grave et que ça fait du bien.

Olivier Bruneau, Dirty Sexy Valley, Paris, Le Tripode, 2017.

Le site de l'éditeur.

Lu par Antoine Libraire, Avernale, A vos livresFrédéric Grolleau (mais où a-t-il trouvé les photos!?), Slow Show.

2 commentaires:

  1. Belle chronique qui attise ma curiosité et comme j'aime l'humour et les livres qui sortent de l'ordinaire... je dis pourquoi pas ? merci pour al découverte, j'en prends note.
    Bonne journée !

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    1. C'est un livre d'horreur qui envoie du pâté, c'est vraiment trash par moments. A essayer quand même, en effet!
      Bonne journée à toi!

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