mardi 12 juin 2018

Des sourires et des chocs avec le poète des supermarchés

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Thierry Girandon – "La malle à folies", "L'âme à la folie": on a envie de s'amuser avec le titre du quatrième livre de l'écrivain stéphanois Thierry Girandon, qui est aussi un recueil de nouvelles intitulé "La Malafolie". La Malafolie, c'est, dans l'une des douze histoires du livre, un de ces quartiers peu profilés où se jouent les destins de quelques anonymes, humbles et si ordinaires, que l'auteur dépeint avec un regard lucide, précis, entre sourires et tristesse.


C'est qu'il en faut du courage pour être un personnage dans une nouvelle de "La Malafolie"! Tout commence avec "En panne", qui met en scène une caissière qui tente tant bien que mal de cacher son alcoolisme. L'alcool, on le retrouve aussi dans "Sel fin", qui met en scène Hugo, à la fois solitaire et soucieux d'avoir une vie sociale. L'alcool, comme le tabac d'ailleurs, petits plaisirs ou petits fléaux, hantent ce recueil. Quant aux personnages, on les entend dialoguer entre eux, mais parfois, c'est comme s'ils ne se comprenaient pas, ce qui donne lieu à des échanges surréalistes. Surréalistes comme ces bestioles qui hantent "Pigeonné", ce qui donne à l'auteur l'occasion de jouer sur les mots autant que sur le vivre-ensemble appliqué aux espèces du règne animal, être humain inclus.

Les lieux? Il y a les bars, certes. Mais il y a aussi les supermarchés, dont l'auteur exploite les facettes, jusqu'à devenir le poète de ces grands centres commerciaux qu'on dirait froids a priori. "En panne" montre ainsi le côté lieu de travail de ce type de structure, pas forcément folichon, où le personnel discute le bout de gras selon les affinités. On y drague, de préférence du côté des yaourts, et s'il le faut, on embarque celle qu'on veut courtiser à bord du caddie pour un grand voyage: c'est le propos de "Drague", un texte émerveillé. Et enfin, il y a l'intimité des logements, où l'on amène une conquête d'un soir, par exemple dans "Sel fin", et où l'on ramène les courses, comme dans "Ailettes".

Côté écriture, on retrouve le Thierry Girandon tel qu'en lui-même, parlant cash et sans fioritures, avec le chic pour trouver l'image qui fait mouche, suscitant le sourire du lecteur – dans toutes ses nuances, du plus sincèrement amusé au plus grinçant. L'auteur ne s'embarrasse pas non plus de manières pour dire les choses de la vie et du corps, les pulsions sexuelles, les émotions fugaces et profondes qu'elles suscitent. Et au final, le lecteur se retrouve à dévorer un très beau moment de poésie urbaine, empreint de tendresse même quand la vie fait mal.

Thierry Girandon, La Malafolie, Lyon, Utopia, 2016.


Le site des éditions Utopia.

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