samedi 2 juin 2018

Paris, ils sont cinq garçons à en parler longuement...

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Jean-Yves Dubath – "La Causerie parisienne", c'est un dialogue entre cinq amis qui partagent leurs souvenirs, dans un lieu qu'on suppose parisien. Pour Jean-Yves Dubath, c'est l'occasion d'entrecroiser les histoires et de revenir aux jeux de dialogues de "La Causerie Fassbinder". D'ailleurs, dans les deux livres, les personnages sont les mêmes.


Longue, cette conversation! Une fois de plus, l'auteur se montre exigeant avec ses personnages, fort diserts, comme avec ses lecteurs. Cette longueur reflète les longues soirées passées à boire des coups dans les bistrots parisiens du temps de la jeunesse des personnages. Des coups que l'on commande sur un ton de conspirateur. Mais le conspirateur, dans l'histoire, n'est-ce pas le lecteur, convié par l'auteur à suivre indiscrètement le torrent de souvenirs tressés par Alex, Olive, Lucien, Didier et Gabriel? Des personnages résumés à leur parole, qui paraissent certes peu caractérisés, parlant de manière soignée, presque trop, ce qui rend une identification difficile pour le lecteur...

Il en résulte une prose foisonnante, qui paraît aller un peu dans tous les sens en début de livre, au gré de ce que raconte chacun, dans ce souci désespéré de tout dire, jusqu'aux moindres détails: si Marguerite Duras est omniprésente dans "La Causerie parisienne", c'est aussi à Nathalie Sarraute et à l'exactitude vertigineuse de ses tropismes qu'on songe aussi. Mais peu à peu naissent les histoires, construites en anamorphoses littéraires au fil des répliques.

Ces histoires donnent aussi à voir, avec acuité, Paris et sa région (Plaisir, Neauphle-le-Château), dans l'idée que Paris est une fête. On pense au chahut organisé par des supporters irlandais en liesse du côté de la Place Blanche, à la demeure de Marguerite Duras, ou à tel bar, telle rue du côté de Saint-Germain-l'Auxerrois: cuites mémorables, délires échevelés, voitures renversées, musiques recomposées. Paris, c'est aussi les vedettes et les acteurs culturels de tout poil (Duras, mais aussi Pierre Alechinski, Gérard Manset, Luke de la chanson "San Francisco" de Maxime Leforestier, et d'autres encore), et les femmes, en particulier la très belle et énigmatique Berthine Chabrier.

En contrepoint émergent d'autres lieux. Berlin est présent également, hanté par l'ombre de Rainer Werner Fassbinder, mais aussi par les souvenirs de telle Berlinale. A l'instar de Paris, Berlin fait figure de lieu où se concentrent l'écume des jours, les mondanités, les vedettes qu'on oubliera peut-être un jour: la "hype", comme qui dirait. Par opposition, c'est du côté du Val de Bagnes (que l'auteur écrit sans S, suggérant peut-être qu'il n'y a qu'un seul Val de Bagnes et qu'on n'a pas à le mettre ainsi au pluriel...) que se trouvent les allusions à ce que le monde peut avoir d'immémorial: les croix sur les sommets, les vaches d'Hérens (très belle évocation aux pages 158). Reste que l'auteur suggère que ces lieux peuvent dialoguer, par exemple en créant un jeu d'écho entre la Volkswagen qui circule dans la campagne valaisanne et les voitures mises à mal à la Place Blanche.

Cinq voix qui dévident un grand nombre d'histoires avec la relative lenteur de paragraphes compacts ponctués par des répliques plus courtes qui rythment un récit très construit: "La Causerie parisienne", c'est ça. Cela foisonne, cela déroute: décidément, Jean-Yves Dubath nous gâte.

Jean-Yves Dubath, La Causerie parisienne, Vevey, Hélice Hélas, 2018.

Le site des éditions Hélice Hélas.

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