Sophie Sciboz – C'est un livre court, mais qui rappellera à tout un chacun la période délicate du premier confinement imposé à la suite de la prolifération de ce qu'on n'appelait pas encore alors le covid-19. L'expérience que relate Sophie Sciboz dans "La quarantaine de Virginie" est celle de tout le monde en Suisse. Elle résonne cependant chez une poignée de personnages, observés par une Virginie fictive, et c'est ce qui lui confère un caractère spécifique.
"La quarantaine de Virginie" rassemble tous les épisodes d'un feuilleton publié en ligne dès le début du confinement suisse, le 13 mars 2020, soit 50 textes qui reflètent autant de journées. Pour leur donner corps, l'écrivaine les adresse à un amant fictif dont elle est séparée par la force des choses. Chacun de ces épisodes, d'une longueur assez homogène d'environ une page d'un petit livre, prend dès lors la forme d'une lettre adressée à "Mon amour, mon amant,".
Dès lors, chacun de ces épisodes alterne adresses sensuelles à l'amant séparé et observations sur la vie quotidienne. Ces observations sur une écume des jours qu'il a fallu réinventer, nous les avons toutes et tous connues, peu ou prou: la vie scolaire des enfants chamboulée, la famille vivant soudain constamment sous le même toit, le télétravail généralisé, et même Alain Berset qui s'invite dans les foyers, par télévision interposée.
Dès lors, l'amant épistolier, personnage hors champ qui ne se manifeste guère au fil des pages, apparaît comme une adresse qui constitue aussi un bol d'air. Quelques lignes, dans chaque lettre, évoquent la difficulté de l'éloignement et de la vie des sens mise entre parenthèses. Et quid de la vie de couple de la narratrice, Virginie? Elle paraît battre de l'aile au début du roman, mais le coronavirus va aussi rebattre les cartes de ce côté, soudant et séparant à la fois: n'oublions pas que le virus a emporté quelques âmes. L'auteure en fait son miel pour faire monter la tension dramatique çà et là.
Enfin, l'écrivaine met en scène une épistolière non dénuée de sensibilité écologiste, ce qui la rapproche de son amant, et désireuse de croire que l'épisode du premier confinement va déboucher sur un monde meilleur. Encore une croyance déçue, certes; mais tout au long de billets marqués par des actes d'aimable solidarité de proximité (par exemple lorsqu'il s'agit de faire quelques achats pour les voisins), la romancière rappelle ainsi qu'une telle évolution aurait pu être possible.
"La quarantaine de Virginie" va fortement résonner avec ceux qui ont vécu leur premier confinement comme une parenthèse particulière, avec la motivation propre à ceux qui veulent s'en sortir et font globalement confiance à ceux qui sont en position de décideurs – quitte à regretter qu'ils ne soient pas plus contraignants parfois. Cet ouvrage ne développe guère les controverses nées d'une information officielle parfois aussi défaillante que péremptoire sur le virus: c'est sur la vie d'une femme et de sa famille, quasiment assignée à résidence du jour au lendemain, et sur son accoutumance progressive à une nouvelle réalité, qu'il se concentre. Et c'est ce qui le rend attachant.
Sophie Sciboz, La quarantaine de Virginie, Yverdon-les-Bains, Un point g tout, 2024.
Le site de Sophie Sciboz, celui des éditions Un point g tout.
Lu par Bad Geekette, Rebecca.
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