Jean-Pierre Rochat – Paysan et écrivain suisse, Jean-Pierre Rochat fait partie des belles plumes d'aujourd'hui en Suisse romande: on se souvient du très travaillé "L'écrivain suisse allemand", rude et âpre, capable d'aller à l'essentiel dans un contexte paysan. La musique n'est pas tout à fait la même dans "Roman de gares", mais à nouveau, elle colle parfaitement à son sujet.
L'histoire emprunte, sans doute pour une bonne part, à l'expérience de l'auteur, même si le personnage principal ne porte pas son nom. Contraint de quitter sa ferme, ce dernier ressent un certain blues dans lequel viennent interférer successivement deux histoires d'amour. Celles-ci sont vécues sur le tard, avec des femmes qui, certes d'âge mûr, s'avèrent jeunes aux yeux du narrateur.
L'incipit l'annonce: la mort vient jouer sa partition dans "Roman de gares", en contrepoint à la possibilité d'amours vécues. Rêvée, appelée, elle affleure comme une éventualité admise au fil des pages. Par contraste, le narrateur accueille comme des cadeaux de la vie deux histoires d'amour dont il est le premier surpris: l'une pour une ancienne lectrice, l'autre pour une parfaite inconnue rencontrée dans un train.
L'amour transfigure le narrateur, qui se retrouve à agir parfois comme il ne l'aurait jamais fait en tant que paysan un brin contestataire, pas très copain avec la société de consommation. Le récit sait se faire souriant, espiègle même; il décrit l'intimité de manière à la fois pudique et fortement évocatrice, préservant et soulignant le caractère unique de chacune des deux histoires sentimentales. Ce qui n'empêche pas, ailleurs, d'avoir quelques mots bien sentis envers lui-même ou envers tel aspect de la vie.
Quant au narrateur, on le découvre émerveillé, se sentant presque trop modeste pour vivre ces relations – une modestie que l'on a déjà perçue dans "L'écrivain suisse allemand", qui met en évidence le "droit" qu'aurait, ou non, un paysan à se faire écrivain. Le thème du statut d'écrivain revient dans "Roman de gares", au travers du regard porté sur le narrateur: source d'émotion ancienne mais toujours vive pour l'une, source impossible d'histoires pour l'autre, qui s'étonne que l'écrivain soit si emprunté pour se raconter par oral, au débotté.
Quant au véhicule privilégié dans "Roman de gares", c'est bien sûr le train, qui fait partie de l'ADN des Suisses. Un tel titre joue bien entendu sur les mots: il y aura des trains et des histoires d'amour dans ce livre, narrés avec beaucoup de sincérité et de simplicité poétique, sans jamais céder à la facilité du moindre cliché romantique.
Jean-Pierre Rochat, Roman de gares, Genève, Editions d'Autre part, 2020.
Le site des éditions d'Autre part.
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