Jean Vuarnet – C'était en 1996: à la suite du dernier "transit vers Sirius" orchestré par l'Ordre du Temple Solaire de sinistre mémoire, Jean Vuarnet (1933-2017) décide de s'exprimer. Il a en effet perdu un fils et son épouse dans le contexte de cette secte. Ecrit avec la complicité de ses deux autres fils et des journalistes Renaud Leblond et Henri Haget, "Ils ont tué ma femme et mon fils" prend la forme d'un réquisitoire contre les sectes, mais aussi d'une confession dans laquelle son auteur, ancien champion olympique devenu patron, relate ce qu'est sa famille, pour le meilleur mais aussi pour le pire. Courageux, il ne manque pas de se remettre en question, en toute honnêteté et dans un souci constant de comprendre.
Pour mémoire, Edith et Patrick Vuarnet, épouse et fils du champion olympique Jean Vuarnet, ont trouvé la mort peu avant Noël 1995 dans une clairière du Vercors nommée "le Puits d'Enfer", dans l'esprit des suicides collectifs ou assassinats qui ont conclu de manière tragique les activités de l'Ordre du Temple Solaire, secte inspirée par les Templiers, pilotée par les gourous Jo Di Mambro et Luc Jouret. Cette ultime tragédie s'est produite environ un an après celles qui ont frappé les villages suisses de Cheiry et Salvan, ainsi que la localité canadienne de Morin Heights, faisant 53 morts.
C'est pourtant avant tout l'histoire d'une famille meurtrie que l'auteur relate, analysant les liens, observant ses membres sans faux-semblants. On voit ainsi l'auteur confesser qu'il a peut-être quelque peu délaissé son épouse, et qu'elle a trouvé ailleurs une manière d'épanouissement fallacieuse. Elle a pris avec elle Patrick, le dernier fils, enfant difficile, velléitaire et pas toujours honorable, d'une fratrie de trois garçons. Cette famille a-t-elle été écrasée par la personnalité de Jean Vuarnet, champion et entrepreneur? La question est posée, même si Jean Vuarnet se déclare loin d'avoir voulu cela. De façon générale, l'auteur dit tout des questionnements parfois durs qui l'ont traversé après le drame du Vercors.
L'Ordre du Temple Solaire et son fonctionnement sont évoqués, sans être constamment au centre de ce que relate l'auteur. On relève que son fils Patrick a été l'amant de Dominique Bellaton – l'auteur ne rappelle cependant pas que Dominique Bellaton a aussi été la mère de l'"enfant cosmique", né en fait des œuvres de Jo Di Mambro. L'auteur suggère aussi que si Edith et Patrick ont été la proie de la secte, c'est parce que, fragiles quelque part du fait de leur vécu (Edith ne savait pas qui était son père), ils étaient également intéressants d'un point de vue matériel. L'Ordre du Temple Solaire a faim d'argent... Enfin, l'auteur rend hommage à Thierry Huguenin, auteur du livre "Le 54e" et membre repenti de la secte, qui lui a permis de comprendre beaucoup de choses en l'espace d'un simple coup de fil.
Il ne sera pas question, dans "Ils ont tué ma femme et mon fils", de l'hypothèse d'une intervention tierce lors du suicide (?) collectif survenu au Puits d'Enfer peu avant Noël 1995, même si celle-ci a été défendue par les Vuarnet. Il sera en revanche beaucoup question des dégâts que la secte a faits à une famille par ailleurs heureuse et prospère, et aussi de l'impact sur l'image d'une entreprise, les médias ne faisant pas toujours dans le détail selon l'auteur. Dès lors, le dernier chapitre de ce témoignage, "Révolte", résonne comme un cri d'alerte face aux méfaits des sectes et des dérives sectaires. Rédigé dans sa première version en 1996, enrichi dans son édition de 2023 par une préface d'Alain Vuarnet, ce livre conserve son actualité, même si le phénomène des sectes est aujourd'hui, espérons-le, mieux cerné.
Jean Vuarnet, Ils ont tué ma femme et mon fils, Paris, Editions Fixot, 1996/Paris, Archipoche, 2023, préface d'Alain Vuarnet.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Allez-y, lâchez-vous!