lundi 26 septembre 2022

Le café chaud, un carburant pour voyager dans le temps

Toshikazu Kawaguchi – "Tant que le café est encore chaud" est un roman qui connaît un engouement certain. Signé Toshikazu Kawaguchi, ce huis clos se tient dans un tout petit établissement public où, paraît, il est possible de voyager vers le passé, moyennant de respecter un certain nombre de règles bizarres et d'accepter de n'y être que pour un fugace instant: ça fonctionne tant que le café qu'on sert à la personne est encore chaud.

Quatre femmes vont vivre l'expérience, correspondant aux quatre chapitres du roman. A chaque fois, l'idée est de vivre ou de revivre un événement qu'elles auraient voulu différent: une rupture amoureuse, la destinée d'un couple atteint par la maladie, la relation d'une mère avec sa fille ou celle de deux sœurs dont l'une se sent obligée de tenir le restaurant élégant de leurs parents devenus âgés. Autant de ressentis profondément humains qui pourront parler à tout un chacun: la description de ces petits drames personnels, dont on aurait souhaité qu'ils se passent autrement, se distingue à chaque fois par sa tendresse.

Alors oui: le voyage dans le passé n'a aucun impact apparent sur le présent, contrairement à ce qui se pratique dans la science-fiction. Cela dit, l'auteur use du ressort de l'incertitude, cher au genre fantastique, pour suggérer que si rien ne change dans le déroulé des choses ni dans leur avenir, un tel voyage dans le temps peut être salutaire pour avoir un regard personnel neuf, épuré de tout malentendu parfois, sur sa vie passée et présente. Dès lors, le lecteur s'interroge avec certains personnages: ce voyage dans le temps est-il vraiment possible et bénéfique, ou n'est-il qu'une légende urbaine sans intérêt?

Pour ajouter une touche d'étrange au minuscule décor de cet établissement nommé Funiculi Funicula, l'auteur ne manque pas de faire usage de descriptions propres à placer ce bar à café hors du temps, comme il paraît hors de l'espace, caché entre d'autres tiers lieux plus étendus. On pense à la caisse enregistreuse antédiluvienne, à l'ancienneté du lieu lui-même, mais aussi au fait qu'il n'y a pas de réseau pour les téléphones portables, ni de climatiseur. L'auteur relève cependant la présence de trois horloges. Celles-ci ne donnent cependant pas toutes la même heure...

La cafetière à siphon de l'établissement est elle-même présentée comme le lieu pittoresque où survient la mystérieuse alchimie qui permet de fabriquer du café – un café d'Ethiopie bien typé que le patron privilégie, à l'exclusion de toute autre spécialité. Partant ainsi d'une boisson familière, l'écrivain japonais Toshikazu Kawaguchi crée une fable romanesque plaisante, aux accents feel-good, qui aborde les joies et les peines des unes et des autres dans un esprit optimiste où la douceur finit par dominer l'amertume. Comme avec un bon café.

Toshikazu Kawaguchi, Tant que le café est encore chaud, Paris, Albin Michel, 2021, traduction du japonais par Miyako Slocombe.

Le site des éditions Albin Michel.

8 commentaires:

  1. Très bel avis qui exprime à merveille les raisons pour lesquelles j'ai adoré ce roman. J'aime beaucoup la manière dont ce café semble hors du temps, d'autant que tu as raison, les descriptions le rappellent avec une certaine délicatesse d'ailleurs. Quant à ta conclusion, elle est parfaite !

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    1. Merci de ton message, Audrey! :-) J'ai effectivement apprécié cette ambiance hors du temps qui rend le lieu sympathique - une sorte de cocon où l'on se trouve bien, malgré les hauts et les bas de la vie. Et cela, sans que ça ne tombe trop dans la mièvrerie.
      Bonne fin de semaine à toi!

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  2. Une lecture agréable, mais pas inoubliable.

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    1. En effet - le temps me le dira!
      Bon week-end à toi! :-)

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  3. Merci pour cette découverte, c'est avec plaisir que je l'ajoute à ma wishlit, je pense qu'il va beaucoup me plaire :)

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    1. C'est un roman sympathique en effet! Je t'en souhaite une bonne lecture. Merci pour ton commentaire!

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  4. Moi qui me rue habituellement sur les romans japonais, je n'ai pour l'instant pas craqué pour celui-ci. Le côté feel-good sans doute me retient, quoique le feel-good japonais ne soit pas déplaisant...

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    1. Salut à toi! Oui, ce roman a connu un gros succès apparemment, et ce fut une découverte pour moi, faite un peu par hasard. Ce livre a une certaine profondeur, derrière son apparente légèreté "feel-good". Au départ, c'était une pièce de théâtre paraît-il
      Bon week-end à toi!

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