samedi 1 octobre 2022

Qui veut la peau des artistes de France? Une enquête de Saint-Etienne à Paris

Catherine Balaÿ – Qui veut la peau des artistes les plus sincères et prometteurs de France? La talentueuse femme de théâtre stéphanoise Estelle Querdiguian est de celles-ci. Sa disparition soudaine à la tête de l'affiche d'une pièce sur Gerge Sand dans laquelle elle s'est particulièrement investie met la puce à l'oreille de ses amies: il lui est arrivé quelque chose. C'est ainsi que débute "L'appel des catacombes", le sixième livre de Catherine Balaÿ que les éditions Abribus, basées à Saint-Etienne, publient. 

Le décor? Tout commence à Saint-Etienne, dont la romancière esquisse quelques contours. Surtout, elle donne à voir un milieu artistique vivant dans lequel gravitent entre autres des jeunes femmes que le lecteur reconnaît aisément à travers quelques caractéristiques, plus ou moins exploitées au fil de l'action: Lou, un peu forte, Anne, son indéfectible alliée, Sylvie, la sculptrice fascinée par le corps féminin, et Claudia, métisse dans une situation de handicap qui la fait bégayer. 

Cela, sans oublier Gégé, un gars exubérant qui repère les vedettes à Paris (c'est vrai: arpentez Paris et vous avez des chances de croiser des gens que vous avez vus à la télé!), ni sa chienne Allumette, qui aura aussi un rôle décisif dans l'enquête. On peut voir ces personnages comme les cinquième et sixième Beatles de l'équipe.

Saint-Etienne, Paris? Peu à peu se dessinent les contours d'une "Organisation" mystérieuse, fausse agence qui fait la pluie et le beau temps dans les milieux artistiques français, en mode secte. L'auteure souligne parfaitement ce qui se passe: cette organisation joue sur la soif de succès et de reconnaissance des artistes pour les embrigader, avant de les détruire à force de les faire agir à contre-emploi. En particulier, l'auteure dessine très justement les mécanismes de l'emprise, en allant à l'essentiel: flatterie, mise à l'écart, culte jaloux du secret, aliénation des personnes prises au piège. Fait marquant: les changements de prénom exigés par l'Organisation contribuent à la dépersonnalisation des artistes, ce qui les casse.

Certes, certains éléments mis en place au début de "L'appel des catacombes" auraient mérité d'être approfondis: on ne verra pas Yann, l'ex-compagnon de Lou, pourtant installé à Paris, auquel elle écrit des lettres énamourées de Saint-Etienne – était-ce dès lors indispensable de le mentionner dès le début du roman, et de créer une attente chez le lecteur? L'on ne saura en outre pas grand-chose de la compagne de Sylvie, Nadia, reléguée en périphérie. Mais il n'empêche: en plus d'être un roman policier sympathique qui s'adresse à tous les publics, même les plus jeunes, "L'appel des catacombes" est aussi une belle histoire d'amitié et de solidarité, vécue dans un milieu alternatif. 

Son intrigue est construite sur la complémentarité des aptitudes, permettant à chacune (et à chacun) des personnages d'apporter sa contribution à une enquête qui, comme le titre le suggère à sa manière, explore les sous-sols de Notre-Dame de Paris à partir d'un confessionnal à double fond. Et la police, au travers des agents parisiens Lambert et Poulain, apporte le cadre formel qui permet à l'enquête d'aboutir, tout en entrouvrant la porte, tout doucement, à la possibilité d'un nouveau départ amoureux pour Lou.

Catherine Balaÿ, L'appel des catacombes, Saint-Etienne, Abribus, 2017. Illustrations de Nicolas Dalle Fratte.



4 commentaires:

  1. Le fait que ça commence à Saint-Etienne automatiquement, ça titille ma curiosité mais pas autant que cette "Organisation" mystérieuse que tu évoques. Merci pour cette découverte que je vais voir si je trouve à la médiathèque.

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  2. Merci de ton commentaire, Audrey! C'est à découvrir en effet - l'essentiel de l'intrigue se déroule certes à Paris, entre les sous-sols de Notre-Dame et les logements des "beaux quartiers", mais le début est à Saint-Etienne, et l'action va jusqu'en Corse, via Nice.
    Je te souhaite une bonne journée!

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