vendredi 19 novembre 2021

Catherine Gaillard-Sarron, l'amour toujours recommencé

Catherine Gaillard-Sarron – L'amour est d'autant plus beau lorsqu'il est l'œuvre de toute une vie, et qu'il permet de venir à bout des épreuves les plus ardues. En offrant à ses lecteurs "Le refuge essentiel", l'écrivaine Catherine Gaillard-Sarron dévoile vingt ans de poésie, reflets de quatre décennies d'un amour sans faille à Claude, son mari, source permanente d'inspiration autant que de sentiments. Y a-t-il pour lui un mot masculin pour dire "égérie" ou "muse", d'ailleurs?

"Le refuge essentiel" s'inscrit dans la droite ligne des recueils que la poétesse a écrits pour explorer par les mots et par le genre poétique ses sentiments. Ce recueil reprend des poèmes antérieurs, retravaillés à l'occasion. Quant aux vers inédits, ils s'apparentent à une continuation, évocatrice en particulier de cet amour qui survit aux années, et dont l'écrivaine s'émerveille.

Francs et sincères, naïfs en ce sens qu'ils sont le vecteur d'un ressenti toujours neuf et frais, les vers de la poétesse s'avèrent porteurs de sensations immédiates que le lecteur partage aisément. Ils fonctionnent sur une base néoclassique, créant un gris typographique familier fait de strophes. La forme suggère ainsi, autant que les mots, la solidité d'un amour confiant sur lequel on peut construire - l'ambiance est à la valeur sûre, en particulier dans la première partie du recueil, "La Terre de l'Aimé". 

Et lorsque la versification se fait plus libre, c'est que ce qui doit être dit doit également paraître plus passionné. Elle ose dès lors une ponctuation plus hardie, riche en points d'exclamation par exemple, pour porter une musique qui s'arrête soudain d'être rassurante. 

La rythmique voulue par la poétesse résulte aussi de ces vers répétés comme une ritournelle qui structurent plus d'un poème. Il y a plus: le lecteur est entraîné dans sa lecture par plusieurs motifs récurrents, précisément les yeux du mari muse, aux couleurs changeantes au gré des poèmes et donc des ambiances, ou ses mains, maintes fois décrites dans une tonalité amoureuse, qu'elles portent l'alliance ou qu'elles caressent – ce sont celles du mari et de l'amant.

Chaque partie du recueil "Le refuge essentiel" évoque l'un des aspects finement choisis, vécus, d'une vie amoureuse présentée comme évidemment épanouie. L'érotisme en fait partie, et ce sera le jeu de "Epa(nui)ssement", marqué par quelques trouvailles verbales qui, créatives, reflètent la créativité dont l'amour physique peut être porteur. Il y a une part de doute dans "Attention fragile", qui évoque les frottements inhérents à la vie à deux. Quant à l'épreuve, elle est l'apanage de "Tremblement de cœur", souvenir du cancer de l'homme. Le soutien est difficile, l'hospitalisation impose la distance: tout d'un coup, tout est remis en question. 

Et poème après poème, l'auteure décline en un recueil plus que généreux un amour à la fois constant et sans cesse recommencé. S'il y a un jeu sur les focalisations, si certains poèmes disent "il" plutôt que "tu" parce que celle qui raconte prend le temps de se retirer pour mieux savourer, et si l'auteure ose parfois une tonalité ludique, l'ensemble laisse surtout au lecteur l'impression réussie que l'auteure évoque un amour considéré comme un sentiment de toujours, hors du temps, lien immarcescible entre l'humble humanité et quelque chose qui la dépasse, cosmique ou divin. 

Catherine Gaillard-Sarron, Le refuge essentiel, Chamblon, Catherine Gaillard-Sarron, 2021.

Le site de Catherine Gaillard-Sarron.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Allez-y, lâchez-vous!