Jean-Marie Reber – On peut faire plein de choses le soir de la Saint-Valentin. Être assassinée n'est sans doute pas la plus joyeuse, surtout lorsqu'on se promet de passer du bon temps avec son (ou ses) amoureux. C'est pourtant ce qui est arrivé à Sylvie et Chloé, les deux victimes même pas majeures autour desquelles tourne le roman policier "Les meurtres de la Saint-Valentin" de Jean-Marie Reber. Et c'est l'inspecteur Fernand Dubois, quinquagénaire marié et père de deux jumeaux, les "jujus", qui va mener l'enquête...
En début de roman surtout, l'écrivain a le chic pour dessiner l'imaginaire de la Saint-Valentin: il y a ceux qui ne la fêtent pas, ceux (et surtout celles) qui ont de grandes attentes. Et aussi ce qui peut se passer en famille: des enfants qui poussent leurs parents à marquer le coup – et des policiers obligés d'abréger des festivités qui auraient pu être fort sympathiques ma foi. Il y a des fleurs dans ce roman, une bague de fiançailles aussi. Et plus largement, au fil des pages, des réflexions sur l'amour en général, sur ses faux-semblants intéressés, et sur des ressentis troubles qu'on avoue difficilement.
Qu'on ne se méprenne pas: il n'y a pas une goutte d'eau de rose dans "Les meurtres de la Saint-Valentin". L'auteur conduit une intrigue policière classique et rigoureuse, pilotée par un Fernand Dubois habile psychologue, cultivé, pragmatique voire ferme. Les personnages impliqués, voire suspects? Il y en a bien quelques-uns, et la passion peut être leur mobile. L'auteur excelle à créer des profils variés: un Don Juan à l'italienne ou sa femme, un adolescent boutonneux, un Yougoslave à flingues et à chien. Il recrée leurs interrogatoires successifs, formels ou non, en ayant le souci de les rendre réalistes: une vieille dame déboussolée ne répondra pas de la même manière qu'un bellâtre sûr de lui mais qui a quelque chose à cacher. Des gardes à vue? L'inspecteur les décrète de façon stratégique.
Quant aux victimes, le lecteur va aussi en apprendre de belles sur elles, en particulier sur Sylvie. L'auteur excite la curiosité en mettant en évidence, par exemple, le fait que Sylvie, lycéenne, s'affiche avec des vêtements et accessoires largement au-dessus de ses moyens: on la sent dégourdie, voire vénale, au fil des pages. Et dans le tandem d'amies qu'elle constitue avec Chloé, c'est elle qui mène le bal. Même pour faire des trucs pas avouables?
Les deux premiers chapitres exposent en détail les dernières heures de Sylvie et de Chloé – un chapitre chacune. L'auteur profite de ces pages pour créer deux scènes d'exposition réussies: le lecteur a toutes les cartes en main pour voir, savoir, deviner comment l'intrigue va évoluer, loin de toute surprise bancale. Et en fin de roman, l'auteur a l'habileté de faire des funérailles de Sylvie et Chloé le lieu où sont venus les suspect mis hors de cause, comme un rappel: souviens-toi, tu l'as cru coupable! Le pied-de-nez au lecteur qui s'est laissé avoir par les fausses pistes est impeccable.
On referme "Les meurtres de la Saint-Valentin", polar neuchâtelois sans se l'avouer, en gardant le souvenir d'un roman faussement tranquille, qui monte peu à peu en tension et accroche au gré de dialogues ciselés et rythmés tout en s'intéressant de près aux âmes toujours un peu grises de ses personnages.
Jean-Marie Reber, Les meurtres de la Saint-Valentin, Hauterive, Editions Attinger, 2015.
Le site des éditions Attinger.
Egalement lu par Francis Richard.
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