vendredi 16 août 2019

"Haut les cœurs", quand Caroline Noel invite à ouvrir l'œil sur soi

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Caroline Noel – Tout peut aller mieux pour peu qu'on soit un peu philosophe: c'est le message que retient le lecteur de "Haut les cœurs", premier roman de l'auteure Caroline Noel, blogueuse à l'enseigne de Carobookine. Cela, même dans un monde présenté comme mouvant, dès la première phrase du livre: "Au moment où je pousse  la porte d'entrée, je suis loin d'imaginer combien cette journée va changer ma vie." Cette porte d'entrée, relevons-le, c'est celle du personnage principal, Chloé, mais aussi celle du lecteur, qui entre dans une intrigue aux couleurs feel-good, tempérées par une certaine et indispensable amertume.

Chloé est hôtesse de l'air, amoureuse des voyages et blogueuse à succès à l'enseigne de Clollidays – ce qu'on appelle une influenceuse, avide de voyages gratuits à l'étranger pour elle et sa famille si c'est possible. Un profil pas facile: on la sent passionnée certes, mais aussi gourmande, capable, comme d'autres influenceurs, d'exiger des voyages gratuits en service de presse, contre un peu de visibilité sur un blog. Reste que le blog de Chloé suscite de l'intérêt: les abonnés ne manquent pas, et la jeune femme a reçu de la part d'un certain Ruitare (dites "Routard"!) une offre d'achat qui mérite d'être considérée. 

Mais les premières pages du roman indiquent aussi un moment plus personnel et plus terrible: en faisant son footing, Chloé se retrouve témoin d'une agression sur une personne tierce, et n'ose pas intervenir. Ce qu'elle va regretter, bien sûr – de quoi instiller ce qu'il faut d'amertume dans tout le début de "Haut les cœurs". Surtout, c'est ce qui fonde l'intrigue de tout le roman: un secret inavoué, mal vécu, s'avère capable de transformer le physique et le mental de Chloé. Cela, jusqu'à l'aveu, difficile, nécessaire, capable de soulager. Mais l'amitié et l'amour en viendront à bout, ainsi que la réalité: évoquant un aspect de ce secret, la romancière indique que Chloé s'est fait un putain de film. Et le lecteur de se souvenir que lorsqu'il s'agit de se faire un film, nous tous, frères humains, méritons dix mille oscars.

L'auteure montre donc Chloé en train de s'enfoncer dans son propre mensonge, mais elle la montre aussi en train de reprendre peu à peu le dessus. Cela, sur une base double et solide: les copines et la famille. L'écrivaine excelle à montrer ce que chacun de ces piliers apportent lorsque la vie devient difficile: des amies qui ne manquent pas de dire ce qui ne va pas, et une famille qui s'impose comme un reflet lorsque quelque chose ne va pas. Quitte à ce que Chloé ne le reconnaisse pas tout de suite, malgré des rappels répétés à loisir: évoluer personnellement, cela commence parfois par le déni, et finit par prendre des sentiers inattendus.

Dans "Haut les cœurs", ces sentiers sont ceux de la recherche du plaisir et du sens au travail: on va se monter une affaire en franchise, à deux, en utilisant ses économies. Tout le monde dans "Haut les cœurs" ambitionne de donner un certain sens à sa vie, qui aille plus loin que celui d'engraisser un patron et de récolter quelques miettes. Les circonstances font que tout le monde s'en sort pour un temps, quitte à fuir parfois: la vente du blog de Chloé, en particulier, finance des voyages, lieux d'évasion. Luxe suprême, Chloé paraît même prendre ses distances avec son employeur, prestigieux a priori puisqu'il s'agit d'une compagnie aérienne. Mais n'est-elle pas elle-même une candidate de choix à la fuite?

On l'a compris: chacun se cherche dans "Haut les cœurs", au cœur de la bien belle ville de Paris, et les personnages sont de jeunes gens pétris d'amitié, à la recherche d'un statut social plus confortable que le leur, en termes symboliques. La romancière fait évoluer son écrit dans une ambiance constante d'optimisme, montrant constamment qu'il est possible de venir à bout de ce que la vie peut amener de plus opiniâtre, au point de vue personnel et social. Cela, en convoquant quelques pensées positives qu'on dit philosophiques, ces pensées qu'on lit au bureau sans trop y penser. Celles-ci sont cependant mises en avant à bon escient pour rappeler que même lorsqu'on est personnellement au plus mal, tout n'est pas fini. Du coup, les amis et la famille, c'est important: le lecteur a face à lui un roman feel-good empreint de sentiments, mais aussi d'un soupçon d'amertume au travers du personnage de Chloé et de ses petites névroses.

Caroline Noel, Haut les cœurs!, Paris, Charleston, 298 pages.

Le blog de Caroline Noel, celui des éditions Charleston.

2 commentaires:

  1. De plus en plus de blogueuses publient leur roman. Toujours pas de second livre pour toi ?

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    1. Bonjour Alex, oui, il y en a un nouveau en vue. Affaire à suivre!

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