lundi 11 février 2019

De la mer Egée à Lausanne, dans le sillage d'un vaisseau fantôme

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Gilles de Montmollin – Tous en mer! Entre collègues de bureaux, ça pourrait même être sympathique. Voire... Dans son premier roman, "Le bateau qui naviguait tout seul", Gilles de Montmollin développe une intrigue de thriller où l'on trouve, déjà, les ingrédients qui font le charme de ses livres suivants: la navigation comme lieu d'évasion, un trésor à découvrir, des (trop) jolies filles et un gars qui se laisse un peu avoir. Ce gars, c'est le narrateur, Vincent. Et la croisière entre collègues, qui a certes ses surprises, n'est qu'un début...


Du râteau au bateau fantôme
"J'ai la boule. Non, pas les boules. LA boule." Boule au ventre, typique d'un moment de souci: dès le début, l'écrivain suggère que quelque chose ne va pas à bord du bateau loué conjointement par une dizaine de collègues en goguette dans les Cyclades. Il vient de se prendre un râteau...

Cette affaire est annonciatrice d'un malaise plus grave, dès lors que l'équipée tombe sur un voilier désert, vaisseau fantôme errant en pleine mer Egée. Il faut le ramener, et c'est la mission que se donnent Vincent et la sévère Pauline... et dès lors, rien ne va plus.

Poursuites et tensions latentes
L'auteur embarque son lectorat dans un récit à suspense qui fonctionne comme au cinéma, avec des courses-poursuites périlleuses en bateau et même en voiture: Vincent et Pauline auront fort à faire pour semer des poursuivants qui se retrouvent sur leur chemin plus souvent qu'à leur tour. Et là, Pauline se montre encore plus hardie que Vincent, allant jusqu'à semer une Mercedes tunée (noire, forcément) avec un cabriolet Fiat: dans "Le bateau qui naviguait tout seul", l'art du pilotage en mer et sur route se décline au féminin.

Ces moments intenses font pendant à des moments où la surveillance, plus statique, ne se relâche pas pour autant: on repère par exemple un rocker un peu louche dans un restaurant de Lausanne. Cela, sans oublier Francine, qui tend à se déshabiller un peu trop vite pour être honnête. Que veulent ces guetteurs? Pauline et Vincent ont-ils bien fait de ramener le voilier fantôme au port le plus proche? L'ambiance reste alors tendue.

Où l'on cause "BUTIC"
Et puis, il y a l'univers de l'entreprise qui occupe Vincent, BUTIC (une boîte de bureautique, un nom qu'on aimerait prononcer "boutique"...), un lieu de pression supplémentaire. C'est l'occasion pour l'auteur de décrire un monde cruel de requins, où les hiérarchies, présentées comme des Olympes peuplés de chefs qu'on vénère qu'on vénère tels des dieux, servent à peser sur le personnel subalterne, même s'il a raison.

L'auteur suggère quelques magouilles, par exemple un marché public avec l'Etat de Genève, mais sans forcément les approfondir – cela donne déjà une idée de l'ambiance qui prévaut en interne. Pour le décor, l'auteur donne à voir deux lieux divers: les bâtiments minables de BUTIC, opposés à ceux de l'entreprise américaine qui va les racheter (USOC – doit-on prononcer "you suck!", à l'anglaise?). Autant dire que pour s'imposer dans ce monde, il faut un certain courage. A moins qu'un licenciement ne soit la meilleure chose qui puisse arriver à un collaborateur expérimenté et encore jeune?

Les sentiments en prime
On comprend assez vite l'intrigue amoureuse qui s'ébauche entre Vincent et Pauline, dessinée de manière résolue sur la base d'une complicité croissante: rires, piques amicales, moments partagés sous des prétextes aussi quelconques qu'une bouteille de sancerre partagée, rien n'y manque. Au fil des pages, les situations extrêmes rapprochent ces êtres finalement ordinaires (il est chef de produit, elle est comptable) que l'adversité oblige à se surpasser. 

Et comme "Le bateau qui naviguait tout seul" est un roman d'aventures, porté par quelques gros coups de chance pour accélérer une intrigue solide, le ton est à l'avenant: le langage est direct, percutant, ne recule pas devant quelques tours d'oralité pour aller plus vite dans la narration, qui gagne ainsi en dynamisme. Telle est la voix de Vincent, le narrateur.

Gilles de Montmollin, Le bateau qui naviguait tout seul, Sainte-Croix, Mon Village, 2007.

Le site de Gilles de Montmollin, celui des éditions Mon Village.


Lu par La Livrophile.

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