vendredi 13 juillet 2018

24 heures à pleins gaz dans la vie d'un père

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Marie-Christine Horn – En voiture Simone! Ou presque: l'écrivaine Marie-Christine Horn embarque son lecteur à bord d'un véhicule de Formule 3 pour 24 heures trépidantes. Pas forcément pour le bonheur d'Hugo Walter, pilote rangé des voitures soudain contraint de courir après sa fille. "24 heures", ce n'est pas les 24 heures du Mans, mais dans la vie d'un père, ça compte. L'auteure rend avec ce court roman un hommage à son père, qui faisait lui-même la loi dans les épreuves de Formule 3 – la presse de naguère en résonne encore. Et suggère qu'être père, c'est parfois être au taquet comme lorsqu'on est au volant d'une puissante bagnole.


Reprenons... embrayage, Delco, gaz, première. Donc, c'est l'histoire d'un père mécanicien et pilote passionné qui s'inquiète que sa fille ne soit pas rentrée à l'heure dite. Classique: les parents ont tous connu ça, ou le connaîtront un jour. L'auteure installe immédiatement cette inquiétude, dès la première phrase du roman: "Bordel, reprends-toi! C'est sûrement rien de grave." La connivence est immédiate: quel parent n'a été tendu entre la tentation de cette phrase rassurante et l'inquiétude invivable que peut générer son enfant qui ne rentre pas à l'heure dite, qui découche même? Voilà. Et pour ce père qui aime les trucs bien réglés – vie de famille ou moteurs – c'est le début de la sortie de virage.

L'écrivaine développe son histoire à la manière d'une intrigue policière – depuis des romans comme "Tout ce qui est rouge" ou "La Piqûre", on sait qu'elle excelle dans le genre du polar. Là, c'est le père qui mène l'enquête. Au fil des 24 heures du roman, le père va voir que sa fille est en train de vivre sa vie et de prendre son indépendance. Complicités, amourettes, copines, un passage au bar après un concert: cette fille est à l'âge où l'on écrit ses souvenirs pour la vie. 

Tout en (re)découvrant la vie de sa fille, Hugo Walter se souvient de sa propre existence, en écho. Cela vaut un jeu intelligent de flash-back qui ramène le lecteur au temps des courses de voitures populaires, telles que les courses de côte – on pense évidemment à celle de La Roche-La Berra. Existe-t-elle toujours, d'ailleurs? Plus important que cette question: l'auteure donne à voir les coulisses de ce genre de course, qui confronte esprit populaire confinant à l'ivresse mal contrôlée de la part d'un public plutôt bière que whisky et exigence de concentration maximale de la part de concurrents appâtés par la promesse d'une place dans une écurie de Formule 1. Pour faire l'interface, l'auteure pose le personnage de Line, femme au caractère de pitbull, soutien humble et inconditionnel d'Hugo Walter. Cela, quitte à s'éloigner de ce que la société attend d'une femme: amabilité et jolis sourires. 

Facile, dès lors, d'imaginer une histoire d'amour entre Line et Hugo. Trop facile. Mais en vrai, l'amour, c'est compliqué, dit-on. Du coup, l'auteure pose que Hugo ne peut plus avoir d'enfant, à la suite d'un accident qui l'a rendu impuissant. Dès lors, qui est vraiment le père de Marion? Certes pénible, certes peu désirable, l'astuce est dite de façon transparente. Mais en mettant en scène un pilote de course champion et pourtant impuissant, l'auteure met en scène, de façon directe pour ne pas dire éclatante, le fait que toute cuirasse masculine a un défaut. Cela, alors que Marion, la fille d'Hugo, prouve qu'elle sait se débrouiller. L'écrivaine revisite ainsi le motif de l'impuissance sexuelle de l'homme posée en contrepoint minant à la puissance symbolique et sociale: il est permis de penser à "Au-delà de cette limite, votre ticket n'est plus valable" de Romain Gary.

Vingt chapitres sur 88 pages: on l'a compris, ça va vite, comme une course automobile. Faisant avancer un père menant la course de sa vie, le moteur de ce livre est réglé au quart de poil, et la lecture de "24 heures" ne prend pas plus de temps que le visionnement d'une course de Formule 1 le dimanche à la télévision. Simplement, c'est beaucoup mieux: l'écrivaine retrace quelques destins humains auxquels on s'attache vite, entre une fille qui fait sa fugue et un père qui se ronge les sangs. Et puis, dans "24 heures", il y a beaucoup plus de bagnoles qui font rêver, de la Honda Civic familiale  à la Chevron réglée à l'oreille, au millimètre près, en passant par la Porsche de tel personnage. Un monde d'homme, me dira-t-on? Oui. Mais l'auteure montre que les femmes y trouvent aussi leur voie.

Alors quoi? En voiture Simone, franchement! Vroum...

Marie-Christine Horn, 24 heures, Lausanne, BSN Press, 2018.


Le site des éditions BSN Press.



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