dimanche 1 avril 2018

Un polar sur Pérolles, avec quelque chose d'allusif

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Michel Niquille – Je me souviens que Michel Niquille m'a donné une occasion d'écrire un sonnet lozérien. Genre rare, rapide et jouissif! C'était dans le cadre heureux du Salon du Bois de Bulle, en 2015. Voici la bête! Lire ce texte fut un beau moment, illustré par Mélanie Rouiller. Depuis, Michel Niquille, passionné du bois, a aussi trouvé sa place dans le monde des poètes fribourgeois, devenant même membre, en 2017, de la Société fribourgeoise des écrivains. Auteur, il est allé plus loin: il édite ses premières oeuvres, au nom de sa "Collection poing noir".  Qu'on le sache: dans "Poker d'as sur Pérolles", première roman de cette collection, tout se passe dans la bonne ville de Fribourg, en ces années 1990 où l'on lisait le défunt "Nouveau Quotidien".

"Poker d'as sur Pérolles" a les allures d'une généreuse nouvelle plus que celle d'un roman, on le dira d'emblée: le lecteur se sentira même en présence d'un ouvrage construit comme l'un de ces bons tours que la littérature française a offerts au temps de la Renaissance. On sourit facilement "Poker d'as sur Pérolles", mais au fil de la lecture, il arrive que les ellipses soient rapides, trop rapides...

... reste que l'écrivain parvient à mettre en scène des personnages habilement construits. On sourit aux cinq bonshommes qui se réunissent dans un bar fribourgeois, tout comme l'on apprécie la personnalité de Jean-Rodolphe Purro qui, sur la base de quelques mots entendus, s'applique à mener la (courte) enquête. L'auteur évoque le restaurant du "Mon Chez Moi", un établissement qui existe réellement, tout près du "Mirabeau", où Aline Descloux, la narratrice de "La Vie d'une trentenaire", alias Jasmine Piccand, a ses habitudes. C'est là, au "Mon chez moi", tout au fond du boulevard de Pérolles, que tout se passe: l'auteur donne à ce restaurant a priori une ambiance interlope. Habile enfin, l'auteur laisse au lecteur le choix de savoir qui est vraiment le gentil d'une histoire où des petits malins se trouvent attrapés par plus malins qu'eux.

"Poker d'as sur Pérolles" est en somme un jeu de poker menteur, rapide et efficace, quitte à paraître peu trop allusif dans certains tournants de l'intrigue. Le lecteur goûte l'ambiance des parties, rapidement esquissée certes, mais avec justesse. Il goûte aussi les personnages mis en scène, auxquels l'auteur donne des surnoms pertinents et astucieux. Face à Jean-Rodolphe Purro, un personnage caméléon qui mériterait autre chose que le suicide, on apprécie ainsi le Curaillon, l'Elégant, Benêt, Big Ben et la Fouine – des surnoms évocateurs. C'est une bande de personnages colorés qui montre que la petite ville de Fribourg recèle aussi des gens peu recommandables. Le lecteur goûte leurs surnoms, pertinents, qui sonnent juste et s'avèrent ouverts à quelque chose de plus.

En effet, tout roule sagement dans "Poker d'as sur Péroles", et l'écriture de l'auteur est impeccable, rapide voire canaille comme il se doit dans un livre à la vocation policière. Michel Niquille, on l'a aimé aussi dans "Marie Petite Culotte", l'une ces nouvelles du recueil "Fribourg(s)" édité par la Société fribourgeoise des écrivains.  A chaque fois, l'écriture est rapide, allusive et agréable; on appréciera à présent qu'elle soit plus profonde, et que l'auteur, après le format de la nouvelle policière, ait l'audace du vrai roman.

Michel Niquille, Poker d'as sur Pérolles, Bulle, Editions de la Trême, 2017.

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