vendredi 3 mars 2017

Bonne chère et logis biscornus en Ombrie: le regard de Marlena de Blasi

Le site de l'éditeur.

"Les saucisses ont été mises à rôtir dans le four du boulanger au début de l'après-midi": voilà un de ces (quasi-)incipits riches de sens, qui ouvrent la porte à d'excellents livres. "Un palais à Orvieto" est de ceux-ci, gourmand en diable. Il y sera question de bons petits plats appétissants à l'italienne, certes, et Marlena de Biasi, l'écrivaine, une Américaine installée en Italie, va les chercher jusque dans les villages de l'Italie profonde. 

Mais ce récit est aussi celui d'un couple qui recherche un logement au coeur de l'Ombrie, et attend qu'enfin, cet appartement splendide et biscornu d'Orvieto soit accessible. Un prétexte? Peut-être. Cette attente est un fil rouge révélateur...

Habiter en Italie

... révélateur parce qu'entre autres, il met une Américaine passionnée de cuisine face à des Italiens de tout poil. L'écrivaine n'hésite pas à décrire ses propres traits de caractère, ni à montrer comment ceux-ci se frottent à une culture italienne de valeur reconnue, mais fort différente de la sienne, avec son goût du théâtre qui tranche avec le pragmatisme américain. Cela, sans oublier le regard distant porté par les locaux sur une personne définitivement vue comme étrangère. En coulisse, le compagnon de la narratrice, un banquier italien à la retraite, joue les décodeurs bienveillants...

Acheter l'appartement, passer un contrat avec la famille qui vend à des conditions pas très orthodoxes, attendre que les réparations soient faites, emménager, constituer la liste des invités de la pendaison de crémaillère: avec la quête d'un "palais à Orvieto", l'écrivaine donne à son roman une colonne vertébrale solide, un cheminement sûr et sans errance. Reste que le voyage n'exclut jamais les chemins de traverse.

Elle, c'est le goût

Et ceux-ci s'avèrent goûtus. La phrase révélée en début de billet annonce la couleur: il est question de bonnes choses à manger et à boire dans "Un palais à Orvieto". L'auteure ne manque pas de se mettre en scène en train de faire la cuisine ou de révéler l'existence de bons produits qu'on ne trouve guère qu'en Italie. Cela, sans oublier les fêtes villageoises organisées autour de tel ou tel produit, où l'on mange et l'on danse joyeusement. Un oeil dans l'assiette, l'autre en cuisine, l'auteure met ainsi l'eau à la bouche de ses lecteurs.

Cela n'exclut pas quelques zones d'ombre: les portraits de certains personnages montrent un noble qui exerce un droit de cuissage non consenti, des hommes et des femmes qui tracent leur route dans des environnements pas forcément bienveillants. Ce qui ne les a pas empêchés de grandir, ni de devenir beaux à leur manière.

Rocambolesque et romanesque, empreint d'hédonisme, "Un palais à Orvieto" est une lecture idéale pour cette fin d'hiver. Tout au long des pages de ce récit, qui fait suite à d'autres ouvrages évoquant la vie de l'écrivaine à Venise puis en Toscane, il offre un moment de lecture savoureux dans une région qui, pivot entre le nord et le sud de l'Italie, suggère que déjà, le printemps est là, prometteur de mille fertilités.

Marlena de Biasi, Un palais à Orvieto, Paris, Mercure de France, 2013, traduction de l'anglais par Marie-Pierre Bay et Nicolas Castelnau-Bay.

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