Clarissa Rivière – Après "Le Village des soumises", l'écrivaine Clarissa Rivière poursuit son exploration littéraire du petit monde du BDSM, toujours sur un mode joyeux et festif. Tout commence de manière classique dans "Chemins de soumission", son dernier roman, et l'auteure en convient volontiers: deux filles dans la vingtaine, étudiantes de leur état, frappent à la porte d'un manoir perdu, un soir de pluie. Un homme leur ouvre la porte...
Avec Nadia et Emilie, la romancière met en scène deux jeunes amies de tempéraments divers et complémentaires qui vont découvrir, au fil des pages, l'univers un peu à part des dominants et des soumis, ainsi que de la complexité des codes qui régissent les adeptes de la pratique BDSM. A ce titre, le lecteur se trouve en présence d'un roman d'apprentissage où un maître de plaisir, Nicolas, le châtelain, joue le rôle d'initiateur et de révélateur: Nadia et Emilie trouveront leur chemin sous sa (plus ou moins) douce férule, en faisant tomber quelques limites au passage.
Placé en position de voyeur, le lecteur en apprend lui aussi sur cette manière de se donner du plaisir, seul, à deux ou en groupe. L'impression renvoyée est celle d'une grande liberté, mais aussi d'une manière de faire les choses codifiée où chacun joue un rôle, librement consenti et pas forcément fixe, en fonction de son tempérament: Nadia se plaît dans son rôle de soumise, Emilie domine ou se soumet selon ses humeurs, et il y a même un certain Poutou, adorable soumis qui se complaît dans un rôle de chien; on l'imagine aisément dans sa tenue de cuir.
Il est permis de voir, au début du moins, dans Nicolas une sorte de phallocrate paternaliste commandant à deux filles sous emprise. C'est une fausse première impression: "Chemins de soumission" évite l'écueil en mettant en évidence des personnages de femmes dominatrices ou simplement déterminées (nous avons parlé d'Emilie, mais il y aura aussi Krys, qui ne rigole pas avec ses accessoires, et sa secrétaire qui essaie de mettre le grappin dessus), qui sauront corriger Nicolas lui-même lorsqu'il va trop loin, et le pousser jusqu'à ses propres limites dans un rituel de punition à la fois grave et ludique.
L'auteure excelle à dessiner les ressorts psychologiques qui composent les rapports subtils de domination et de soumission entre personnages. Cela, tout en insistant sur le fait que tout, chaque acte subi ou donné, est librement consenti.
En développant son intrigue dans un manoir, la romancière installe une ambiance attendue, faite de pénombre invitante, de vieux tableaux et de la chaleur appréciée d'un feu de bois, déjà promesse de sensualité. Dans un souci constant du détail, soucieuse d'évoquer et de flatter tous les sens, elle sait faire évoluer de manière excitante et captivante une intrigue inventive et bien troussée où l'érotisme est partout, littéralement à chaque phrase, portée par des personnages constamment sur le gril, qui jouent sans fausse note la partition des soumis et des dominants.
Clarissa Rivière, Chemins de soumission, Milly-la-Forêt, Tabou Editions, 2025.
Le blog de Clarissa Rivière (16 ans et plus), le site de Tabou Editions.