vendredi 4 octobre 2024

Loup Belliard, la lumière au bout de l'indicible

Loup Belliard – Qu'il est long, le chemin vers le bonheur! Dans un roman à la fois court et dense intitulé "La Grange", l'écrivaine Loup Belliard dessine le rapprochement de deux êtres que la vie n'a pas épargnés. Les couleurs sont sombres, mais le meilleur viendra... peut-être.

Roman? Cultivant un certain flou, "La Grange" a plutôt des airs de conte. Son histoire est pour ainsi dire intemporelle. Elle se déroule dans un village jamais nommé, à une époque qu'on serait bien en peine de fixer – le vingtième siècle, peut-être. C'est ainsi que le propos, fort, atteint à l'universel.

Ce décor de grange, du reste, éveille tout un imaginaire chez le lecteur. Que de granges ont abrité, tant dans les livres que dans la vie, des affaires aussi inavouables que des suicides ou des viols. Ici, c'est d'un meurtre qu'il sera question: Louis, enfant, a tué son père. Il sera acquitté de cet acte, au prix d'une réprobation sociale qui le poursuivra jusqu'à l'âge adulte. Et le noir de ses yeux résonne quelque part avec l'obscurité de la grange.

Face à lui, il y a Adèle, également victime d'actes que l'on cache, à telle enseigne qu'elle aspire à ce que son père, instituteur respecté au village, se montre indifférent à elle. Ces peines qui marquent pour la vie, l'auteure les révèle progressivement, à la manière d'un secret qu'on peine à exprimer. L'image poétique y contribue, apportant toute sa force évocatrice: "Elle n'avait rien dit à personne, bien entendu, de ces visites dans le noir qui avaient peu à peu réduit l'intérieur de son être à un tas de porcelaine cassée.", dit ainsi la romancière d'Adèle malmenée. Malmenée, mais désirante, une fois jeune femme de sortie au bal.

"La Grange" relate le rapprochement à la fois difficile et évident entre ces deux personnages voués à la solitude, victimes des mêmes ignominies dans leur enfance: terrible point commun pour rapprocher deux possibles amants! Les mots "Moi aussi" éclatent ainsi en page 63, écrits en lettres immenses. Cette affirmation pourrait même les éloigner, mais la vie est opiniâtre et a raison des mots, rares entre les deux personnages.

Partir d'une campagne où la vie semble toute déterminée sera peut-être une opportunité de salut, dans une ville où le passé s'oublie dans l'anonymat d'une vie modeste. Ainsi, si les ambiances de "La Grange" sont généralement sombres, marquées par l'envie de dire l'indicible, le terrible, c'est bien sur la promesse d'une lumière au bout du tunnel que ce court ouvrage se conclut.

Loup Belliard, La Grange, Caluire-et-Cuire, Sous le Sceau du Tabellion, 2023. Préface d'Anne Ferron.

Le site des éditions Sous le Sceau du Tabellion.

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