vendredi 1 juillet 2022

Musique des mots et de l'amour, par une musicienne nommée Audrey Vigoureux

Audrey Vigoureux – Audrey Vigoureux est connue comme pianiste de concert. Sa pratique de la musique trouve un prolongement judicieux dans son recueil poétique "Apnée surveillée", publié il y a quelque temps chez BSN Press.

Si la couverture du recueil, signée Axelle Snakkers, paraît abstraite, faite de lignes droites et d'un disque parfaitement géométrique, ce n'est pas pour rien: les premiers textes du recueil, furtifs, optent pour une écriture qu'on pourrait qualifier de non figurative – la sévérité du poème 1 a de quoi surprendre. 

Peu à peu, cependant, l'écriture se dégèle, et le lecteur apprivoise l'harmonie des trente poèmes d'"Apnée surveillée". Comme les couleurs, les mots et leurs sonorités s'entrechoquent, intriguent, résonnent pour faire courir l'imagination du lecteur.

Talent majeur de la poétesse, la musique trouve sa place parmi les thèmes abordés de façon plus ou moins franche par le recueil, en particulier avec le texte 8, merveilleuse réflexion sur l'écart de seconde, tentative réussie de mettre des mots sur un écart tonal qu'on dit dissonant, mille fois joué.

La musique, cependant, c'est plus qu'un thème dans "Apnée surveillée". Le lecteur l'entend presque à chaque parole, tant il est vrai que la poétesse fait s'entrechoquer avec succès des mots qui n'auraient rien à se dire a priori, mais qu'une proximité sonore suffit à rapprocher.

Cette musique, c'est bien sûr aussi celle des rythmes, de la versification libre que la poétesse conçoit de la façon la plus exigeante qui soit. Le lecteur lira ainsi rapidement les poèmes aux vers les plus courts, à la fois immédiats et porteurs de réflexion à plus long terme – au moins le temps de vivre avec ce recueil. 

Il goûtera aussi ces moments où la respiration se fait longue, où l'apnée se libère quelque peu – ceux où l'auteure se met à parler d'amour, d'intimité, d'une manière allusive ou concrète, forte en tout cas. Et où l'on touche alors, mais sans y basculer, aux confins de la prose poétique.

"Pour que tu restes": c'est sur ces mots que la poétesse prend congé de son lectorat. Des mots adressés à un amoureux? C'est en tout cas une invitation à la fidélité envers cette poésie à la musique ciselée, entre murmures et cris ("Vous êtes des imbéciles!", poème 4), sans cesse réinventée. Alors oui: on reste.

Audrey Vigoureux, Apnée surveillée, Lausanne, BSN Press, 2022.

Le site de BSN Press.

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