lundi 7 octobre 2019

Féminisme entre colère et espoir après le 14 juin

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Collectif – Elles sont une bonne trentaine, les auteures et illustratrices du recueil collectif "Tu es la sœur que je choisis". Il s'agit d'un ouvrage qui regroupe des créations nées en amont de la grève des femmes organisée en Suisse le 14 juin dernier, à l'initiative du journal genevois "Le Courrier". Libres dans leur forme, ces œuvres mettent en lumière, chacune à sa manière, les discriminations et difficultés de vie des femmes en Suisse – et plus généralement, pour certains aspects en tout cas, dans le monde occidental.


Trente écrivaines de toutes générations, c'est aussi une trentaine d'approches. L'humour habille par exemple la nouvelle qui ouvre le livre, "Depuis que je sais me mettre en quatre" d'Annik Mahaim, qui utilise l'image du costume pour illustrer les rôles multiples que la femme moderne doit pouvoir jouer dans la société contemporaine, avec toute la souplesse possible: collaboratrice, mère, fée du logis et même amante. Certaines écritures sont plus revendicatrices, ou fortes, à l'instar du texte "Ils ont usé de moi comme on use de sa force" d'Yvette Théraulaz, ou le vigoureux "J'ai le droit" de Marie-Christine Horn, fondé sur une anaphore obsédante qui donne son titre au texte.

La liberté formelle est le maître mot de ce recueil. Certes, la nouvelle y est particulièrement présente, à l'instar de "Au culot" de Sabine Dormond, qui amène la question religieuse (en l'occurrence catholique) dans l'ouvrage, de manière frontale et souriante – comme en écho à un "Notre Pair" qui, dans la contribution de Marie-Christine Horn, revisite sur un ton "trash" la prière chrétienne la plus connue, ou "Ni reine ni roi", qui revisite le mythe biblique de Salomon et de la Reine de Saba sur un mode égalitaire profitable au monde. Il y a aussi du théâtre, sous forme de fragments inédits dans "La Liste des courses" d'Antoinette Rychner, ou "Dis-le" de Heike Fiedler, qui convoque aussi les paroles de féministes de sensibilités aussi diverses qu'Olympe de Gouges, Françoise Vergès ou Chloé Delaume, entre autres.

La poésie elle-même a sa place. On peut certes rester dubitatif face à "Nous, permaculture" d'Isabelle Sbrissa et ses lettres éparses sur la page. Et c'est sur "Croquis colère divagation", un slam qui claque signé Stag, alias Joëlle Stagoll, que se termine le recueil.

Mettre en évidence les discriminations et les difficultés liées à la condition féminine actuelle d'ici, relever les humiliations, les comportements qu'on n'aimerait plus voir, dont on n'aimerait plus avoir à se plaindre quand on est femme: tout cela cristallise une forme de colère, présente dans les pages de ce recueil résolument engagé et féministe, ce qui lui donne un supplément de force. Mais on y trouve aussi de l'espoir et de l'humour – dans les textes, mais aussi dans les dessins, réalisés dans le plus pur esprit des dessins de presse pour "pousser les murs", au sens le plus littéral pour l'illustration de couverture, signée Albertine.

Collectif, Tu es la sœur que je choisis, Lausanne, Editions d'En Bas/Genève, Editions Le Courrier, 2019. Préface de Sylviane Dupuis.

Le site des Editions d'En Bas, celui du Courrier.

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