mercredi 2 mai 2018

Sourire ou inquiétude mêlés à la puissance 35

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Cornélia de Preux – Trente-cinq nouvelles pour un court recueil, voilà autant de hors-d'œuvres rapides et enlevés! C'est justement dans leur nouvelle collection "Hors-d'œuvre" que les éditions Plaisir de lire ont publié "La fin des haricots", dernier ouvrage de l'écrivaine Cornélia de Preux. Le lecteur est cependant guidé dans ce foisonnement: les textes sont groupés en six parties dont les titres sont à chaque fois un programme: ils indiquent le thème ou l'atmosphère de ce qui va suivre.

"Les aigres-douces" ouvrent le recueil sur des climats en demi-teinte. Derrière la naïveté apparente de la première nouvelle de cette section, "Coup de balai", se cache le drame humain de l'expulsion d'une famille d'étrangers en situation irrégulière. Pour le lecteur, le côté dramatique naît de la tension entre ce que devine l'adulte et ce que voit un enfant qui s'émerveille en découvrant brièvement la Suisse. L'auteure va encore plus loin dans les ambiances sombres dans la section "Les Crépusculaires". On y relève "Réouverture", évocation du drame du Bataclan, où l'auteure fait littéralement éclater son style pour dire les vies et les corps brisés, comme si la phrase classique ne suffisait plus.

Mais "La fin des haricots", ce ne sont pas que des ambiances sombres! Il y a un certain humour, noir ou pas, dans la partie "Les gourmandes", qui tourne autour de la nourriture. On sourira en particulier à la nouvelle "La sauce gribiche", belle évocation de la nourriture, où se profile peut-être un certain Jacques Chirac, certes jamais nommé. C'est dans cette section que se trouve aussi la nouvelle qui donne son titre au recueil; l'auteure donne à cette expression courante un sens qui pourrait être radical.

A ces "Gourmandes" semblent répondre "Les Végétales", qui placent les végétaux au centre de l'intrigue. Ceux-ci permettent à l'auteure de proposer une réflexion inquiète sur la biodiversité ("Pas du tout", autour de la marguerite devenue rarissime sur Terre) ou une fable attendrissante et poétique mettant en présence une citrouille et un haricot ("Noces de cocagne"). 

Quant à la section "Les Existentielles", enfin, elle relate diverses tranches de la vie moderne, parfois de façon glaçante ("Bilan chiffré" – plus épuré, tu meurs!), parfois avec humour ("Zapping", amusante nouvelle à chute qui réinvente le thème du mari cocu). Et grâce à "Monsieur Ismaël", on devine que c'est Raël, ou l'un de ses sectateurs, que l'auteure enferme à l'asile: frottée de science-fiction, la nouvelle restitue l'impression de fascination et de rejet simultanés qu'une secte peut susciter.

Passant du sourire à l'inquiétude, mêlant parfois ces sentiments et d'autres encore, "La fin des haricots" s'avère un recueil de nouvelles sensible, mettant en scène des personnages le plus souvent ordinaires pour dire, souvent, ce qui va ou ne va pas dans le monde où nous vivons. Celui-ci est montré tel qu'il est, tout en douceur; cela dit, au fil de nouvelles qui sont comme des esquisses calmes ou fulgurantes, le lecteur apprécie la variété des points de vue, des climats voire des genres.

Cornélia de Preux, La fin des haricots, Lausanne, Plaisir de lire, 2018.

Le site des éditions Plaisir de lire


2 commentaires:

  1. Un grand merci à Daniel Fattore pour sa recension sensible et attentive. Je suis particulièrement touchée par le retour sur "Réouverture". Oui, MERCI de tout cœur, Daniel !
    Amicalement,
    Cornélia de Preux

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    1. Bonsoir et merci pour ce commentaire! En effet, "Réouverture" se détache dans ce recueil, je ne pouvais donc que la relever. Merci pour les heures de lecture et à bientôt!

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