mercredi 5 février 2025

"On écrit vraiment pour ne pas mourir": au sujet de Corinna Bille

Gilberte Favre – Compagne de route de l'écrivaine suisse Corinna Bille, Gilberte Favre apparaît comme une personnalité des plus autorisées pour évoquer au plus près la vie de l'auteure de "Théoda". Les passionnés l'auront lue dans le collectif "Cippe à Corinna Bille", où elle évoque la fortune de l'œuvre de l'auteure valaisanne au Liban. Mais Gilberte Favre a aussi consacré un livre biographique entier à Corinna Bille. Son titre? "Corinna Bille, le vrai conte de sa vie".

Des racines familiales jusqu'à sa mort, la relation du parcours de Corinna Bille apparaît des plus classiques: on suit l'écrivaine valaisanne d'un bout à l'autre de sa vie, et au-delà. A ce récit classique, la biographe confère ce petit plus qui résulte d'une fréquentation amicale de son sujet: la description d'un caractère, d'une musique de vie. 

A lire Gilberte Favre, en effet, le lecteur perçoit de Corinna Bille, Stéphanie de son nom de baptême, Fifon comme la surnommaient ses proches, le portrait d'une écrivaine foncièrement joyeuse, déterminée à suivre jusqu'au bout une vocation née, comme une exigence vitale, à la lecture du roman "Manhattan Transfer" de John Dos Passos. Chez les Bille, la vie apparaît joyeuse, peut-être aussi parce qu'aisée: le Paradou, demeure familiale, a des airs de château.

La vie et l'œuvre ne font qu'une chez Corinna Bille, qui écrivait notoirement à flux continus ("Pourvu qu'une histoire ne me vienne pas en ce moment!", se disait-elle lorsqu'elle était occupée à des tâches domestiques), poursuivant ses idées dès lors qu'elles se faisaient jour, ne serait-ce que pour une nouvelle. Ainsi, la biographe retrace en parallèle la vie de Corinna Bille, la genèse et la publicité de ses écrits, des écrits où, par la force des choses, les inédits s'accumulent. 

Elle rappelle aussi que la percée est venue fort tard, malgré un parcours ponctué de succès notables tels que son premier roman "Théoda" ou des publications parfois confidentielles, publiées sous forme de cadeau d'entreprise ou dans des revues, çà et là, occasionnellement destinées à l'enfance. C'est l'occasion d'évoquer les années de galère, vécues avec son mari, ami et allié littéraire: Maurice Chappaz – second mari, soit dit en passant, après l'acteur français Vital Geymond. Il faudra l'impulsion d'un Bertil Galland, éditeur romand qui a compté, pour qu'enfin, on la considère à Paris, jusque chez Gallimard.

Il y a aussi à dire au sujet des voyages de Corinna Bille, en Afrique pour des raisons familiales comme en Russie, par fascination: un peu plus d'un mois avant son décès d'un cancer, l'auteure des "Invités de Moscou" hantait encore le Transsibérien. 

Nourri de photos rares, évocatrices de la vie personnelle de Corinna Bille, "Corinna Bille, le vrai conte de sa vie" relate d'une manière à la fois riche et synthétique ce que fut l'une des toutes grandes écrivaines suisses d'expression française. Cela, sans oublier la fortune de son œuvre, dont certains titres sont régulièrement réédités depuis son décès. C'est mérité, foi de lecteur: leur caractère intemporel, à la fois universel et ancré dans un terroir unique que l'auteure connaît intimement, y est sans doute pour quelques chose.

Gilberte Favre, Corinna Bille, le vrai conte de sa vie, Lausanne, Editions 24 Heures, 1981/Vevey, L'Aire Bleue, 2012.

Le site des éditions de l'Aire.

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