mardi 22 décembre 2020

La vie ou la mort, à la puissance quatre

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Marc-Antoine Schibler – Né en 1989, le jeune écrivain fribourgeois Marc-Antoine Schibler est connu pour sa série de science-fiction "Tony Forkins" – c'était dans les années 2010, et ça s'adressait à un lectorat jeune. Paru en 2011, son petit dernier, fort de ses 80 pages, s'avère plus ramassé que la saga en plusieurs volumes qui l'a précédé. Plus adulte aussi! Reste la densité et le travail littéraire: "Au Bal des raisons" révèle un ouvrage prometteur autour d'un personnage, Zach Leman, veuf dans des conditions terribles, et de la symbolique du chiffre quatre.

Quatre? "Mari d'une épouse assassinée, ma vie, je l'ai perdue en même temps qu'elle.", indique la première phrase du prologue, qui sert d'incipit au roman. Celui-ci balance dès lors entre quatre raisons de vivre et quatre raisons de mourir, autour d'une lettre d'adieu chargée de sens, infiniment plus lourde que le papier qui la supporte. Et que l'auteur place comme par hasard sur une chaise à quatre pieds. Des pieds qui ont des initiales...

Ces initiales évoquent les quatre rencontres que Zach va faire en une folle journée, et qui le convaincront que la vie doit être vécue vaille que vaille, même si l'être cher est parti. Ces personnages sont pour le moins divers, surprenants pour le coup: une jeune femme à la beauté magnétique, un policier, une femme d'affaires milliardaire et un homme de foi. 

Chacun donnera à Zach une leçon de vie, l'espace d'une course en taxi, d'une mini garde à vue ou même d'une tentative de suicide sur une falaise. Habile astuce de l'auteur: ces leçons de vie résonnent à fond avec la lettre d'adieu de Zach, que le lecteur découvre dans son entièreté en fin de roman. Et le plus souvent, on est en mouvement: les véhicules, avion, voiture ou panier à salade, suggèrent la vie qui roule.

Alors oui, la journée de Zach s'avère chargée! Sa localisation est incertaine, Paris sans doute, mais un Paris où l'on dirait "huitante" (p. 9), et les mots ne sont pas toujours les plus exacts. Quant à Zach, sa bipolarité est-elle réelle, pathologique, ou le fait d'un auteur qui peine parfois à le cerner? Le flou persiste. Reste qu'il permet à l'auteur d'exceller dans l'organisation de scènes de rencontres tendues, où les réactions des uns et des autres ne cessent de déconcerter. 

Et au terme du récit, nous avons un personnage qui aura fait quelque peu le deuil le plus difficile qui soit, celui d'une compagne assassinée dont il n'a jamais revu le corps. Quatre personnes l'y auront définitivement aidé, à leur manière, rendant à Zach une certaine foi en l'humanité et, peut-être, en la transcendance. Cette transcendance qui résonne avec ce qu'il y a de plus terrien: les quatre éléments, eau, air, terre et feu, qui sous-tendent les quatre rencontres de Zach.

Marc-Antoine Schibler, Au Bal des raisons, Saint-Denis, Edilivre, 2011.

Le site des éditions Edilivre.

2 commentaires:

  1. Belle chronique ! cela pourrait peut-être me plaire.
    Merci pour la découverte.
    Bonne journée

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    1. C'est un texte court, mais d'un talent prometteur en effet. A découvrir! La plus grande partie de l'oeuvre de Marc-Antoine Schibler est cependant sa série jeunesse "Tony Forkins".
      Je te souhaite un joyeux Noël!

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