vendredi 6 novembre 2020

Des e-mails pour construire des ponts entre Genève et Kinshasa

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Max Lobe (éd.) – Aujourd'hui, il y a du courrier! Et même du courrier international: "Genève-Kin 2020" est un projet de correspondance mis sur pied par l'écrivain camerounais et genevois Max Lobe en vue de faire dialoguer deux écrivains suisses et deux écrivains camerounais. La recette? Des échanges d'e-mail deux à deux, dirigés par quelques propositions de questions posées par Max Lobe lui-même. Nous avons donc face à face Lolvé Tillmanns et Missy M. Bangala d'une part, et Anne-Sophie Subilia et Richard Ali A Mutu d'autre part. 

Sur ce coup-ci, les échanges interviennent entre la Suisse et la République démocratique du Congo. Et l'instigateur laisse entendre qu'il y aura d'autres tandems à l'avenir. Ces dialogues épistolaires ont été créés dans le cadre du projet Genev'Africa, qui vise à jeter des ponts entre des auteurs suisses et africains, et la Fête du livre de Kinshasa et le Salon du livre Genève apparaissent, au fil des lettres, comme des jalons structurants: on s'est rencontré à Kinshasa, mais pas à Genève hélas – la faute au coronavirus, qui hante ces lettres écrites entre 2019 et 2020.

Les lettres des deux tandems sont réparties en deux sections qui occupent "Genève-Kin 2020" à parts à peu près égales. Max Lobe choisit de guider les deux tandems en leur soufflant des questions un peu différentes, ce qui offre à ces deux séries d'échange un caractère à la fois contrasté et complémentaire, plongé dans l'air du temps.

Ainsi, on est plus sociétal dans la série d'e-mails que se sont échangé Missy M. Bangala et Lolvé Tillmanns. L'ambiance est à la sororité, et rapidement, les questions de genre s'insèrent dans le dialogue, par exemple lorsqu'il est question du caractère politique du corps de la femme. Les mots de Lolvé Tillmanns et ceux de Miss M. Bangala ne sont pas les mêmes, Lolvé Tillmanns apparaît cérébrale face à une Miss M. Bangala plus intuitive, mais force est de relever une convergence en la matière: oui, le corps de la femme est politique. Il sera aussi question d'identité, celle qu'on assume et celle qu'on plaque sur la personne mais dans laquelle on ne se reconnaît pas.

En contrepoint, l'échange entre Anne-Sophie Subilia et Richard Ali A Mutu se positionne très vite sur le terrain des ambiances. On pourra dès lors le trouver plus précisément littéraire, plus proche de l'art du poète. Richard Ali A Mutu développe ainsi son rapport aux bruits de la ville de Kinshasa, et se montre curieux de ceux de Lausanne – qu'Anne-Sophie Subilia présente comme un village, ce qui va faire débat. Il y a aussi de l'émotion dans leurs e-mails, entre les enfants nés ou à naître et le caractère solaire des mots d'un Richard Ali A Mutu qui sait aussi se faire séducteur mine de rien.

Ces échanges épistolaires ont couru sur une courte durée (quelques mois), mais les lettres, toujours longues, sincères et détaillées, constituent un témoignage de riche valeur. Les correspondances se sont-elles prolongées au-delà du projet, les contacts seront-ils pérennes? Gageons que oui. Lancées d'emblée sur le ton de l'amitié profonde et fraternelle, elles sont le fait d'auteurs ouverts sur le monde qui se révèlent en profondeur en l'espace d'une grosse poignée de mots – ce que la quatrième de couverture surnomme "la belle palabre politico-culturelle entre Sud et Nord".

Max Lobe (éd.), Genève-Kin 2020, Lausanne, BSN Press, 2020. Avec la participation d'Anne-Sophie Subilia, Lolvé Tillmanns, Missy M. Bangala et Richard Ali A Mutu.

Le site du projet Genev'Africa

Et pour changer, en lieu et place de la couverture du livre, je vous mets la photo des auteures et auteurs de "Genèève-Kin 2020". De gauche à droite: Lolvé Tillmanns, Missy M. Bangala, Max Lobe, Anne-Sophie Subilia, Richard Ali A Mutu. Source de la photo: Genev'Africa.

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