mardi 11 février 2020

Entre flou et nostalgie, un regard sur le Léman

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Florence Grivel et Julien Burri – En un recueil bref, "Lacunes" allie trente et un poèmes de Julien Burri et une brassée d'aquarelles de Florence Grivel. L'image et le texte se répondent ainsi pour une évocation poétique et nostalgique du lac Léman.


Les poèmes de Julien Burri, ce sont de courts éclats de vie taillés avec précision, visuels même, évoquant le lac et les hommes qui l'entourent, qui s'y baignent.  L'un de ces textes évoque la notion très suisse de "costume de bain", indiquant que porter costume, c'est une façon d'être beau et de ne pas paraître pauvre. Un autre poème, c'est l'opposition entre le lac et la mer, et là, les souvenirs affluent, faisant s'entrechoquer la Grande Motte et le Léman.

Ainsi s'élève un monde intimiste, fait de mots simples, qui évoque un passé personnel, pétri de souvenirs d'enfance, qui suscite la nostalgie – pour le dire, le poète aime l'imparfait. Si le poète prend parfois le temps de développer une vision en une dizaine de vers libres, ses poèmes ont aussi souvent la fulgurance du haïku. Fulgurance démultipliée par le choix de dire les choses en mots concrets. Et le flou des images du passé s'entrechoque avec des éléments aussi précis que le prix du pédalo, avec ou sans toboggan.

Flou et précision s'allient aussi dans les aquarelles de Florence Grivel. On pourrait les croire informes, mais non: il suffit de prendre un moment, pas bien long même, sur regarder chacune de ces aquarelles avec attention. Avec enchantement, on y voit alors apparaître le lac, les montagnes qu'on observe depuis la rive nord du Léman, ou alors la nature ou les eaux irisées du lac. On n'est pas dans la ligne claire pour autant, bien entendu, mais plutôt dans un flou qui éveille l'imaginaire, franchement, à coups de couleurs chaudes ou à base de violets. Brouillant les marges de façon plus sûre qu'un papier blanc pur, le papier grisé sur lequel les aquarelles sont reproduites contribue encore au flou évocateur qu'elles portent.

Ce flou artistique répond au flou qui entoure les flashes que constituent les poèmes de Julien Burri, et leur confère un environnement propice à faire galoper, mine de rien, l'imagination du lecteur. Ainsi, alors que les aquarelles se font floues, les poèmes se font dessins pour dire, en une soixantaine de pages, ce cher Léman, d'hiver ou propice aux baignades – avec la jalousie, peut-être, d'eaux plus étendues et plus salées, plus vives en somme, découvertes dans l'enfance.

Florence Grivel et Julien Burri, Lacunes, Lausanne, BSN Press, 2019.

Le site des éditions BSN Press.



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