lundi 17 juin 2024

"Wuttotem": le surhomme, déjà?

Vigo Albtraum – Ils sont réguliers, ceux qui concoctent mois après mois les publications de la série "Damned": la livraison de juin est parue, portant le numéro 17. "Wuttotem", court roman d'horreur signé Vigo Albtraum, embarque son lectorat dans la Forêt-Noire, à la toute fin de la Seconde guerre mondiale. Du gâteau? Voire: les Allemands, à l'agonie, semblent avoir trouvé une combine qui pourrait retourner la situation à leur avantage.

Tout commence trois ou quatre décennies avant, au Tibet, avec la découverte, par un explorateur allemand, d'un objet mystérieux capable de léviter et, accessoirement, de renforcer le physique de n'importe quel être vivant entrant en son contact. Les héritiers récupèrent le secret... et hop: voilà qu'une équipe d'alliés parfaitement multiculturelle et spécialisée dans le sabotage, les Strong Bones se trouve en présence de cette arme secrète, qui a déjà fait quelques dégâts: c'est le projet Wuttotem.

Tout au long de "Wuttotem", l'auteur agite une partie de l'imaginaire nazi. On reconnaîtra que si les premiers animaux transformés que les Strong Bones découvrent sont des loups, ce n'est pas étonnant vu la place qu'occupe cet animal dans l'esprit des hordes hitlériennes. La référence au Tibet, quant à elle, renvoie à Heinrich Harrer (que les cinéphiles connaissent: son histoire, c'est celle de "Sept ans au Tibet" de Jean-Jacques Annaud, avec Brad Pitt), même si l'histoire n'est pas tout à fait la même. Et de façon plus fondamentale, enfin, et la couverture est évocatrice, le projet Wuttotem tout entier renvoie à l'image du surhomme, qui résonne aujourd'hui encore: il a tout d'un inquiétant projet transhumaniste avant la lettre.

Et quelle est l'ambiance, alors? Certes, à l'exception des héritiers von Schwarzwald et du prisonnier de service, Bichler, les Allemands ne sont pas très travaillés. Rien d'étonnant: l'histoire est vue du côté des Strong Bones, où évoluent du reste les personnages les plus intéressants. Le lecteur ne peut être qu'amusé par l'obsession alimentaire qui les motive, à commencer par le penchant de l'Italien du groupe pour le café – qu'il n'est pas toujours possible de produire, ne serait-ce qu'en raison de l'impossibilité tactique de faire des feux en plein air. Bien entendu, vu le cadre du récit, la bonne vieille tourte de la Forêt-Noire fait son apparition, comme un élément poétique astucieux.

Traduit par l'énigmatique Helmut Hard Von Dijon, écrit par un écrivain dont le prénom, fluide, s'écrit avec un ou deux "g" (les coquilles font partie du genre, comme le papier "pulp" jauni de rigueur...) et dont le nom de famille signifie "cauchemar" en allemand, "Wuttotem" s'avère un divertissement souverain pour se changer les idées lorsque le voyage en train se fait longuet. Cela, avec quand même un petit fond historique que l'auteur a savamment su faire remonter, à partir d'un imaginaire qui assume pleinement sa part mystique.

Vigo Albtraum, Wuttotem, Lausanne, Nouvelles Editions Humus, 2024.

Le site des Nouvelles Editions Humus.

Encore une précision: il est possible de s'abonner à la collection de romans Damned. Plus d'informations ici.

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