mardi 17 mai 2022

Eva Marzi, quand l'écriture se fait nocturne et contemplative

Eva Marzi – Il y a des ambiances nocturnes, intimistes même, dans le premier recueil de poésies d'Eva Marzi. Un ton contemplatif domine "Nuit scribe", offrande poétique au monde de la nature, des mots et de l'éveil aux vers – avec un titre qui suggère aussi que comme plus d'un écrivain, son auteure vole à la nuit ses instants d'écriture.

On ne manquera pas de noter en effet que la toute première partie du recueil, "Les choses interrompues", évoque une forme de réveil. Elle évoque en effet ce moment où l'aube paraît, annonciatrice du soleil. Il est permis de considérer qu'en montrant le soleil qui se lève, l'auteure suggère sa propre aurore au monde de la poésie. Belle entrée en matière!

Cela, d'autant plus qu'en éclats particulièrement brefs, la deuxième partie de ce court recueil interroge justement le rapport de la poétesse aux mots, ceux reçus comme ceux donnés, d'une manière tantôt classique, tantôt imaginée de manière originale pour réinventer un thème littéraire de toujours: "Feu aux joues/Sonnette dans la bouche", écrit la poétesse, lapidaire, en guise de chute.

Oui, les poèmes de "Nuit scribe" sont courts. Parfois, ils ont même le caractère tranchant du haïku bien envoyé. Leur façon sans contrainte s'avère le plus souvent sereine; elle est portée par une écriture en vers libres brefs, dépourvus de toute ponctuation... ou presque: quelques points d'interrogation traversent le recueil, et leur rareté même rappelle au lecteur tout le poids des questionnements – cela, même si les interrogations ont quelque chose de rhétorique, ou d'humblement personnel.

Plus encore: par leur brièveté et leur sobriété, par le choix des images également, les poèmes du recueil arborent une diaphanéité résolue. Ainsi l'auteure cède-t-elle toute sa place, peu à peu, à cette nature qu'elle contemple: le chêne, les sapins noirs, les rochers, tous auront un mot, un vers pour les dire – éventuellement sous forme d'adresse en "tu".

Ils entrent ainsi en résonance avec ces poèmes où intervient le "je", évocateurs eux-mêmes de l'écho que cette nature décrite suscite dans le cœur de la poétesse. Ainsi, l'écrivaine compose avec "Nuit scribe" un ouvrage qui instaure un dialogue entre l'humain et cette nature qu'elle invite à voir avec un regard neuf.

Eva Marzi, Nuit scribe, Genève, Editions d'En Bas, 2022. Préface de Pierre-Alain Tâche.

Le site des éditions d'En Bas.

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