mercredi 29 novembre 2017

Douze nouvelles en rouge

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Pascale Pujol – Les règles: voilà un sujet peu évident à appréhender – entre autres pour le lecteur que je suis, qui par la force des choses n'en ferai jamais l'expérience intime. L'écrivaine Pascale Pujol choisit dans "Sanguines" d'en parler sous la forme de nouvelles. Cela lui permet d'en rendre compte, sans tabous mais d'une manière apaisée, entre réalité et imaginaires.


La part de mystère des règles est intégrée dans "Sanguines". Cela, de la manière la plus concrète qui soit, par le biais de la jeune fille qui ne sait trop ce qui lui arrive, même si elle réalise confusément, peu à peu, que "ça y est", dans "Le Passage". Bien sûr, ça tombe mal... Ce mystère confine à quelque chose d'ésotérique, suggéré par la nouvelle qui ouvre le recueil ("Magie rouge") et par celle qui le clôt ("Sortilège"), et d'autres titres, tels "L'alignement des planètes", le suggèrent aussi.  Enfin, le nombre de douze nouvelles ne va pas sans rappeler les douze lunes de l'année – une autre forme de cycle, cosmique celui-ci.

Si l'auteure évoque ce sujet sans tabous, certains de ses personnages vivent avec celui-ci: tout n'est pas facile à dire. Il y a de ça dans "Le Passage", au travers du personnage de cette mère qui ne sait s'il faut parler de ces choses à sa fille alors qu'elle les apprend ailleurs (et accessoirement du père qui, en fin de nouvelle, ne saura rien de tout cela), ou de l'impossibilité détournée d'en parler, même au sein du couple, dans "Vernis à ongles".

D'un tel sujet, il est également permis de sourire, et certaines nouvelles y invitent, en particulier celle qui, indirectement, suggère son titre au recueil: "Technique mixte". Il s'agit d'une plongée astucieusement troussée dans le monde des arts, dont le fin mot de l'affaire est certes attendu. L'écriture peut se faire carrément rosse, en particulier dans "La coupe est pleine", caricature d'un conseil d'administration exclusivement composé d'hommes dissertant sur un nouveau produit lié au cycle menstruel.

C'est que la manière dont les hommes considèrent celui-ci, si intime qu'il soit, est également présente dans le recueil. Choqués, curieux, saisis d'un désir dont ils sont les premiers surpris ("Lady-Net"), exclus ("Vernis à ongles") ou au contraire intéressés presque de force ("Magie rouge"), l'auteure les observe lorsqu'ils doivent faire face aux manifestations du cycle menstruel: sang, tampons usagés, etc.

Dépourvu de tout didactisme ou moralisme malvenus, "Sanguines" est un recueil qui se lit bien, en ce sens qu'il est servi par une plume agréable et fluide qui aborde la question des règles d'une manière dépassionnée. L'intimité, voire l'érotisme, sont présents, sans jamais tomber dans le scabreux, tout comme la vie quotidienne telle qu'elle va, y compris certains jours.

Pascale Pujol, Sanguines, Louvain-la-Neuve, Quadrature, 2017.

Egalement commenté par Emilie Di Matteo.


Le site des éditions Quadrature.

2 commentaires:

  1. Intéressant d'avoir le regard d'un homme sur ce texte :-)

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    1. Merci d'être passée lire ce billet!

      Je viendrai volontiers visiter ton blog à mon tour.

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