Angéla Morelli – En relisant la dédicace qu'Angéla Morelli m'a faite à la Fête du Livre de Saint-Etienne, cuvée 2018, dans mon exemplaire de "La rencontre idéale (ou presque)", il me revient le souvenir des mémorables "Harlequinades", défis poilants entre blogueurs et blogueuses littéraires consistant à rédiger des pastiches de quatrièmes de couverture (comme celle-ci) que les éditions Harlequin auraient pu produire... ou pas. Depuis, d'instigatrice des Harlequinades, Angéla Morelli est devenue écrivain. Et c'est avec délice que je me suis enfin plongé dans "La rencontre idéale (ou presque)".
Dans le genre de l'attaque "in médias res" qui ferre le lecteur d'emblée, le début de ce roman est réussi: l'auteure met d'emblée en scène le personnage féminin, Louise, qui va porter son histoire. Ce sera une Parisienne perdue dans une campagne qu'elle a fantasmée et qu'elle découvre, avec ce qu'elle a d'agréable mais aussi de peu commode, notamment quand on porte des chaussures délicates.
Louise ressemble à une poupée Barbie, en ce sens qu'elle a plein de fringues dans ses valises et qu'elle sait tout faire. L'histoire de la chaussure gâchée et des genoux écorchés lorsqu'elle arrive en Baie de Somme apparaît dès lors comme un faux pas vite oublié: on la verra cuisiner avec une apparente assurance, prêter adroitement main-forte à l'entrepreneur chargé de réparer la ferme où elle loge pendant un mois – une période pendant laquelle elle s'est promis de ne pas céder aux appétits de la chair, comme elle le fait trop facilement à Paris. Littéralement, les hommes, pour elle, c'est "ken", avec ou sans majuscule.
Reste qu'à la campagne aussi, les trobogosses, ça existe. L'auteure installe une tension sentimentale en mettant en évidence deux personnages masculins: Joffrey, un apiculteur néo-rural plutôt sociable et craquant, et Arnaud, l'entrepreneur justement, qui traverse une mauvaise passe qui le rend difficile à dégeler. S'échiner à briser la glace ou céder à l'immédiateté d'une rencontre torride? L'auteure excelle à décrire les états d'âme d'une Louise dont le cœur balance. Pour ajouter un peu de pression, elle met en avant l'argument du qu'en-dira-t-on, particulièrement efficace lorsqu'on est une Parisienne qui se met au vert dans un village de 22 habitants.
"La rencontre idéale (ou presque)" laisse certes quelques portes ouvertes dans son intrigue, entre autres en ce qui concerne ce que deviendra l'apprenti d'Arnaud (qui a du potentiel, pourtant), ou l'origine des moyens dont dispose Gisèle, simple enseignante aux penchants ésotériques, pour posséder une ferme qu'elle peut rénover à grands frais en son absence – sous la supervision de Louise. Porté entre autres par des images culottées, ce court mais chouette roman fait cependant tout ce qu'on attend de lui: amuser et divertir en toute légèreté grâce à une écriture pétillante qui raconte plus d'une péripétie improbable et accrocheuse.
Angéla Morelli, La rencontre idéale (ou presque), Paris, Harlequin.
Le site des éditions Harlequin.