Olivier Larizza – "Il prit sa plume"... quel incipit serait plus évident que celui de "L'Exil"? Recueil de poèmes écrits durant la première décennie du vingt et unième siècle par le poète Olivier Larizza entre Strasbourg, Paris et Port-au-Prince, ce livre aux accents personnels est un écho de ce que l'auteur a vécu du côté de la Martinique. Un auteur qui écrit à la troisième personne: est-ce que le poète qui s'exprime est bien Olivier Larizza, ou faut-il concéder que "il" n'est autre chose qu'un avatar, ou la part que le poète veut bien révéler à son lectorat?
"Perdu", tel est le titre du premier poème du recueil. Et le lecteur a de quoi se perdre dans "L'Exil": il est invité à se plonger en apnée dans des poèmes vigoureux qui se lisent d'un souffle. Les ponctuations y sont rares, seules des majuscules indiquent qu'on change de phrase, structurant des textes où même les renvois et enjambements surprennent et déstabilisent.
Est-on en présence d'une nouvelle musique ou juste d'une prose tranchée en vers de longueurs inégales, apparemment au hasard? Déstabilisé, le lecteur ne peut que s'étonner. Cela, d'autant plus s'il se montre attentif à ces caractéristiques qu'on prête à la poésie, et que l'auteur remet en question à plaisir: les rimes résonnent un peu au hasard, pas toujours avec la justesse que l'on voudrait, et la fin d'un vers peut tomber au beau milieu d'un mot. Jazz, déconstruction de la musique classique du vers français? Après le "Cahier d'un retour au pays natal" d'Aimé Césaire, présent par allusions dans "L'Exil" (p. 33, "retour au pays natal", par exemple), l'auteur ose une nouvelle tentative de faire naître une nouvelle musique poétique. Une tentative judicieuse, à défaut d'être toujours impeccablement convaincante: les temps sont nouveaux... appelant de nouvelles manières de dire.
"L'Exil", premier tome de ce que l'écrivain annonce comme une trilogie poétique, recueille des poèmes écrits par le poète du côté de la Martinique, en ce début de vingt et unième siècle. On relève rapidement que les thèmes abordés sont classiques, des thèmes de toujours, à commencer par la compagne lointaine, celle à qui l'on n'a pas osé dire "je t'aime". La description des choses vues, le désenchantement face à un lointain qui devient décevant lorsqu'on le voit de près (comme un Joachim du Bellay évoquant sa déception de Rome dans "Les Regrets"), la déception face aux humains aussi (ces Martiniquais peu intéressés par la poésie, ah là là...), ne sauraient manquer à ces cahiers d'un exil lointain. Enfin, il y a l'actualité, décrite de façon le plus souvent nette, mais parfois aussi trop allusive: il aura suffi de quelques années pour que certains événements évoqués ne disent plus rien au lecteur.
C'est donc une musique neuve, personnelle, qu'Olivier Larizza propose à son lectorat, et c'est là qu'il fait œuvre de poète. Une musique qui ne craint pas le hiatus ("Larizza Olivier", cité en page 53 avec un hiatus entre le nom et le prénom, alors que "Olivier Larizza" apparaîtrait plus fluide), ni la prise de distance. Une musique qui désarçonne aussi, et ressemble par moments, il faut l'accepter, à une prose segmentée en vers au gré d'un apparent hasard. Musique malmenée, musique rénovée? Le poète prend le pari. Et pour faire bon poids, il offre en postface une réflexion pessimiste sur le statut actuel de la poésie. Un genre à rénover en ce siècle tout neuf? Chiche!
Olivier Larizza, L'exil, Paris, Andersen, 2017.
Le site d'Olivier Larizza, celui de l'éditeur.
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