Défi Premier roman.
Quoi de plus captivant que de découvrir une nouvelle plume? C'est par hasard que j'ai découvert l'appel à chroniques de l'écrivaine Suzanne Marty - et j'ai profité de cette opportunité pour faire la connaissance de son écriture. Merci donc à Suzanne Marty pour l'envoi et l'occasion donnée! "La rousse qui croyait au Père Noël" a d'ores et déjà trouvé son lectorat; quand à moi, je m'y suis plongé avec agrément, l'espace de quelques heures en fin de semaine.
"La rousse qui croyait au Père Noël", c'est Flamme, cette presque quadragénaire dont la vie est en pagaille. La narratrice ne s'en cache pas: elle explique ses problèmes, ses soucis et ses espoirs sur les premiers chapitres. Théories de vie, souvenirs, famille, tout y passe! Cela, sans oublier un élément clé: active dans le management, Flamme a choisi de tout plaquer pour devenir comédienne. Elle parle beaucoup d'elle dans ces premiers chapitres, à tel point qu'on aimerait voir agir enfin cette fille parfaitement disponible, qui a même l'élégance de ne pas boire d'alcool. Mais patience: tout démarre avec ses vacances dans un club de vacances balnéaire.
Envoyer un personnage de Paris vers un lieu totalement imaginaire dont le nom, Indinonis, évoque à la fois la Grèce et l'Indonésie, c'est l'expédier du réel vers le rêve, lui ouvrir une parenthèse dont le lecteur espère qu'elle sera exceptionnelle. Le rêve va prendre plusieurs formes pour Flamme: jouer un rôle sérieux devant un public consistant, trouver un homme après dix ans d'abstinence, passer du temps au soleil. Tout est annoncé assez vite; le lecteur se délectera donc à voir comment Flamme va atteindre ces buts.
En sa qualité de personnage principal du roman, Flamme est aussi la figure la plus étudiée. On découvre ainsi une personnalité qui aime parler d'elle, qui ne se met guère en avant (bien qu'elle soit comédienne) et aime observer avant d'agir. L'auteure indique aussi une situation de départ: Flamme n'est guère satisfaite de sa vie, une existence de comédienne qui cachetonne sans arriver à joindre les deux bouts. Ce que la romancière indique au travers de quelques éléments parlants, tels que les vêtements démodés. Le lecteur peut se demander, bien sûr, où Flamme a trouvé l'argent pour partir en vacances...
Le monde du camp de vacances est joliment représenté, avec ses inévitables rituels: balades, sports, animations telles que la danse du ventre. La romancière les évoque de manière classique, chronologiquement. Il aurait été possible d'aller plus loin dans la rigolade dans ce contexte: chacun a vu "Les Bronzés sur la plage", et certains ont lu aussi le roman "Maguy" de Marion Ciblat, et face à ces exemples, Indinonis paraît assez sage. Cela dit, la romancière sait exploiter quelques ressources: les conséquences d'un atelier de danse du ventre, prévoyant une représentation publique, deviennent un running gag bien amusant.
Et bien sûr, ça drague! Les figures masculines de "La rousse qui croyait au Père Noël" sont autant de types, aux allures un brin schématiques: Gabriel le bel animateur musclé, Bruno le quinquagénaire ivrogne, Camille l'homme parfait aux airs de chevalier. L'auteure aurait pu jouer davantage encore le jeu du "entre tous, mon coeur balance", en poursuivant aussi la dramatisation du personnage de Bruno: s'il se montre excessivement entreprenant un soir d'ivresse, on le voit tout doux quelques jours plus tard, sans qu'il n'inspire curieusement la moindre crainte. Dans la même idée, Camille paraît trop parfait, trop gentleman pour être honnête: son seul défaut est-il d'apprécier une vie bien réglée? Et Gabriel, n'est-il que trop jeune?
"La rousse qui croyait au Père Noël" est le premier tome d'une série, et il a le goût léger d'un amuse-bouche ou d'une petite friandise qui appelle la suite. S'il s'avère parfois un peu trop rapide dans l'intrigue, alors que plusieurs moments appellent le développement d'un humour de situation, ce premier roman offre quelques fort jolies trouvailles. Il est servi par une plume alerte qui ne recule pas devant le ton canaille. Le lecteur se délectera du jeu des répliques de Céline, qui file allègrement la métaphore du cheval pour parler des hommes. C'est crédible, et astucieux du point de vue littéraire! Comme quoi, quand les femmes parlent des hommes entre elles, elles ne sont pas toujours meilleures que lorsque les hommes parlent des femmes entre eux...
Suzanne Marty, La rousse qui croyait au Père Noël, Paris, Suzanne Marty, 2016.