jeudi 30 décembre 2021

Dominique Strauss-Kahn, porc ou homme?

Marcela Iacub – Est-il homme ou porc, le quasi-candidat socialiste à l'élection présidentielle française de 2012? L'écrivaine Marcela Iacub développe cette dichotomie aux apparences quelque peu schizophrènes dans "Belle et Bête". 

L'argument? "Belle et Bête" relate la relation intime qu'a vécue la narratrice avec Dominique Strauss-Kahn. Le point de vue est celui de cette narratrice, qui utilise le tutoiement pour indiquer qu'avant tout, ces pages s'adressent à l'amant de quelque temps, celui dont elle a pris la défense dans un opus précédent, "Une société de violeurs?". 

Ainsi, le lecteur, voyeur malgré lui, se retrouve embarqué dans une intimité qui ne le concerne guère a priori par une écrivaine qui, pour échapper à une relation étrange et complexe et épingler l'amant, a fini par recourir à l'écriture. Tout réside dès lors dans la manière de penser une relation, puis de l'écrire.

Le motif du porc est ainsi omniprésent dans "Belle et Bête". Mais "Balance ton porc", slogan délateur tristement univoque, n'est pas encore passé par là! Il est dès lors intéressant de relever que c'est le côté porc qui, justement, séduit la narratrice: telle est la part animale de l'amant, une part qui fouit, qui ne calcule pas. Mais aussi qui se réserve, alors que dans un premier temps, l'amante voudrait plus même si elle accepte, mais c'est complexe, de jouer le rôle de truie.

Le porc est également irresponsable, et c'est au prix de cette animalisation que l'amant trouve grâce auprès de la narratrice. Mais alors que l'homme est indissociable du porc en début de roman, soudain l'auteure les détache – c'est le chapitre sept, qui marque le début du déclin d'une relation où, soudain, l'homme prend le pas sur la bête dans le regard que la narratrice lui accorde.

Dès lors, le cochon devenu avant tout homme devient aussi dérisoire que n'importe quel représentant masculin de l'espèce humaine auquel on signifie une rupture: il veut continuer quand même, fait des promesses pour retenir celle qui part. Mais est-ce possible après la violence? L'auteure renvoie dès lors de Dominique Strauss-Kahn l'image d'un homme prisonnier de liens divers, dont ceux de l'argent, par le biais de sa riche épouse, et du clientélisme. Dès lors, émerge l'image du chien, toujours en laisse, jamais libre. 

En se laissant aller avec une femme de chambre au Sofitel de New York, du coup, l'homme politique a-t-il voulu se libérer de ses chaînes, quitte à payer un prix symbolique fort qui inclut de sortir de l'Histoire, de perdre la fortune de son épouse, dont il dispose, de finir sa vie dans une carrière anonyme et lucrative de consultant? La question est posée.

"Belle et Bête" a fait scandale à sa sortie, la justice ayant imposé à l'éditeur de publier un avis de condamnation avec chaque exemplaire. Ouvrage personnel d'une auteure qui explore minutieusement les méandres d'une relation étrange, à la fois fascinante et répulsive, pas si sexuelles qu'on ne pourrait le penser, "Belle et Bête" fait suite à "Une société de violeurs?", qu'il peut être bon de lire au préalable. 

Le lecteur sort de sa lecture épaté par une écriture précise voire vertigineuse. Mais voilà: fût-ce à travers les mots, faut-il se forcer à regarder un homme aimé malgré tout, malgré ce qu'on sait? Faut-il voir évoluer une relation impossible, vouée à l'échec car finalement plus humaine qu'animale? Il est permis au lecteur de se demander, au-delà de l'indéniable beauté de l'écriture, ce qu'il fait et voit là.

Marcela Iacub, Belle et Bête, Paris, Stock, 2010.

Le site des éditions Stock.

mercredi 29 décembre 2021

Noël blanc: onze écrivains pour un souvenir merveilleux

Collectif – "Si la neige ne revenait pas", c'est un recueil de onze nouvelles né d'un concours organisé en 2019 par les éditions Montsalvens, selon un calendrier serré. Elles sont reliées entre elles par les thèmes conjugués de Noël et de la neige, ainsi que par leur ancrage dans le canton de Fribourg, en Suisse – voire en Gruyères, terre de contes et de légendes s'il en est.

Les ambiances installées dans ces textes sont celles du conte de Noël. En ouverture de recueil, c'est même une mise en abîme de la soirée de contes qui est proposée au lecteur avec "Sans blanc" de Jean Prétôt. L'idée de mettre en scène des animaux sous-tend "Le sapin de Noël des animaux" de Willy Boder, qui opte pour un récit qui s'adresse aussi à l'enfance. Quant aux miracles de Noël, ils interviennent dans "Symphonie en noir et blanc" de Christine Bays.  

La neige, quant à elle, fait parler d'elle dans chaque nouvelle. Dans "Nê et les Neiges Eternelles du Vanil Noir", Veronica Cambria va jusqu'à se mettre dans la peau d'une poignée de flocons pour créer une nouvelle aventureuse. A contrario, l'absence même de la neige, éventuellement compensée par des artifices ("Une tradition familiale" de Ketsia Hasler), est un marqueur thématique d'actualité. Dans plusieurs nouvelles, elle apparaît en effet comme le symbole du changement climatique en cours. 

Les thèmes abordés sont le plus souvent attendus: la famille bien sûr, l'enfance aussi, ou la crèche inspirée des récits bibliques. Ils empruntent aussi à l'actualité régionale, par exemple par le biais de la raréfaction de la neige dans les stations alpines de moyenne montagne avec "La boule à neige" d'Ariane Francey-Spicher, qui utilise le motif touristique de la boule à neige pour mettre la Gruyère sous cloche, un peu à la façon de "Dome" de Stephen King. Ces options thématiques inscrivent les textes de "Si la neige ne revenait pas" dans une longue tradition que le postfacier Jean Rime retrace en un texte de vulgarisation scientifique généreux et informé, "Si les contes à Noël toujours reviennent". Tous les auteurs du recueil s'avèrent ainsi dignes héritiers de Charles Dickens et de son "A Christmas Carol".

Il est à relever que "Houppelande Blues" d'Olivier Chapuis, lauréat du concours, prend joyeusement à contrepied les figures obligées du genre en suggérant l'obsolescence du Père Noël, incarné par un sportif contrarié et déguisé, soudain supplanté par Dark Vador dans un grand magasin de la ville de Bulle. Mais si Noël y paraît réduit à un pur moment mercantile, la fin de ce texte grinçant suggère la possibilité d'un miracle – fruit de l'intervention d'un enfant.

Rêveurs ou méditatifs ("24 décembre 2047" de Stéphane G. Bourban, en particulier), exceptionnellement désenchantés, les récits de "Si la neige ne revenait pas" revisitent ainsi le genre du conte de Noël dans une ambiance classique et aimable. Souvent aussi, ils donnent des pistes pour envisager des fêtes de fin d'année qui, réchauffement climatique oblige, pourraient faire à terme du manteau blanc de la neige un souvenir merveilleux.

Collectif, Si la neige ne revenait pas, Bulle, Editions Montsalvens, 2019.

Le site des Éditions Montsalvens.

mardi 28 décembre 2021

Hérauts d'Erasmus et légions d'Hadès: aux débuts de la saga de Cendrine Bertani

Cendrine Bertani – En se lançant dans l'écriture d'une saga en six volumes, l'écrivaine Cendrine Bertani s'offre un terrain de jeu à la mesure de ses ambitions, parfaitement en phase avec ses passions. "Les Légions d'Hadès" met en effet en valeur la Grèce antique, époque qui captive cette enseignante de lettres classiques, tout en créant des liens avec la Grèce actuelle. Et en mettant en scène cinq jeunes adultes, étudiants à Athènes dans le cadre d'Erasmus, elle se donne l'occasion d'évoquer sa foi dans la jeunesse d'aujourd'hui.

L'intrigue du premier tome des "Légions d'Hadès", sous-titré "Le réveil", s'avère complexe. Elle mêle en effet les ressorts du roman policier et ceux du voyage dans le temps – non sans lorgner vers la bit-lit. Le lecteur va par ailleurs goûter aux joies de la vie antique, et en particulier de sa mythologie. Entre Antiquité et époque contemporaine, c'est une continuité qui se dessine puisque les légions éponymes ne sont rien d'autre qu'une secte païenne bifide, issue du fond des âges et qui fait parler d'elle dans l'Athènes du début du vingt et unième siècle, marquée par des crises économiques et sociales successives. 

Secte? Tout commence lorsque Milos, l'un des cinq jeunes compères que l'auteure met en lumière, apprend que son père archéologue a été assassiné. Sait-il des choses compromettantes? Il sera question d'un manuscrit religieux mystérieux, mais aussi d'un texte inédit de Platon. Et pour ce qui concerne la secte, l'auteure fait la jonction entre le néo-paganisme et l'extrême-droite, dont certaines branches rejettent même le christianisme. Le lien est pertinent: s'il est permis de penser au mysticisme païen du nazisme, force est surtout de se souvenir d'Aube Dorée, parti politique grec fortement marqué à droite, que l'auteure suggère sans jamais le citer nommément.

Pour le côté réaliste, les personnages mis en scène par l'écrivaine lui permettent d'éclairer, sans lourdeur excessive, des questions d'actualité. Il sera ainsi question de racisme au travers de Miguel, le métis de l'équipe, le temps d'une tentative d'entrée dans une boîte de nuit. Mais aussi de rapports entre hommes et femmes et de drague déplacée – l'auteure met en effet en scène deux jeunes étudiantes belles chacune à leur manière, Dorothée la rousse française et Graciella la belle Italienne. 

Mais "Les Légions d'Hadès" dévoile aussi une équipe de policiers grecs, ce qui ouvre la voie à la description de mécanismes machistes ou de problèmes sociaux tels que l'alcoolisme au travail. Force est d'ailleurs de relever qu'au fil des 535 pages du livre, l'auteure réussit à faire évoluer le petit monde des enquêteurs athéniens d'aujourd'hui vers une attitude plus détendue, avant tout par le dialogue. L'histoire d'amour entre Georgia, enquêtrice compétente mais peu profilée, et Eugène le légiste taiseux et bigle, est à ce titre exemplaire – à noter, en passant, que la romancière évite le stéréotype du légiste à l'humour macabre, ce qui n'est pas désagréable.

Il est aussi question de voyages dans le temps dans "Les Légions d'Hadès: le réveil". Les étudiants Erasmus vont en effet être plongés dans l'Athènes de Périclès, avec ses ombres et ses lumières. L'auteure s'amuse à créer des scènes cocasses où le choc des époques s'exprime. Un smartphone peut ainsi s'avérer précieux, de même que quelques connaissances en optique ou en médecine venues du futur – qui aurait pu penser qu'un fromage bleu peut soigner une personne souffrante? Réciproquement, l'auteure restitue très bien des personnages antiques qui expliquent par les interventions des dieux tout ce qui leur arrive, en bien ou en mal. Il est permis, par moments, de penser au personnage principal, historique, du roman "Le retour de Phidias" de Julien Burgonde, pour le coup.

Ce monde antique, l'auteure le reconstruit avec la passion qui est la sienne, mais aussi avec une volonté de trouver le juste milieu entre le réalisme froidement technique et l'envie de recréer un monde qui vit encore dans les mémoires. Fort justement, les statues et les bâtiments sont ainsi vivement colorés. Les choix des noms eux-mêmes sont astucieux, à l'instar des compères Phobos et Deimos, acolytes (devrais-je dire satellites?) d'un brigand syrien baptisés du nom des deux lunes de la planète Mars – le brigand lui-même s'appelant Dakrus, un prénom qui évoque les larmes. Plus largement, la société athénienne est dessinée avec ses castes rigides, esclaves, hommes libres ou étrangers. Enfin, la romancière saisit l'antique Athènes dans une période délicate qui fait écho au temps de crise du début du vingt et unième siècle. 

Il y a certes quelques concessions lexicales à l'exactitude froidement historique, acceptées à des fins de lisibilité. Ainsi, l'auteure ose indiquer que certains personnages portent des dreadlocks, qu'une d'eux est barmaid, et utiliser quelques noms latins (donc barbares pour les Grecs antiques) pour désigner certaines réalités d'époque: savait-on ce qu'était un jentaculum ou un tablinum au temps de Périclès, et utilisait-on ces mots-là à Athènes? Tout au plus peut-on regretter que l'auteure n'ait pas placé un dessin pour que le lecteur peu familier du grec ancien puisse se faire une idée de ce qu'est un esprit rude ou un esprit doux sur les deux alphas qui symbolisent la secte des Légions d'Hadès.

Mettant en scène de manière originale des contextes peu habituels en littérature de genre, le premier tome des "Légions d'Hadès" se présente comme une généreuse entrée en matière: sur plus de cinq cent pages, la romancière installe tout un univers et conclut sur une quantité non négligeable de questions. Qu'adviendra-t-il des étudiants Erasmus perdus dans l'époque de Périclès? Qui a tué le père de Milos? Qui est le Néo-Légionnaire? Entre les époques, l'enquête ne fait que commencer et le lecteur a de quoi se réjouir.

Cendrine Bertani, Les Légions d'Hadès: le réveil, Pully, Eaux Troubles, 2020.

Le blog de Cendrine Bertani, le site des éditions Eaux Troubles.

Lu par FrédériqueLivresque78, Sonia (interview).

dimanche 26 décembre 2021

Dimanche poétique 520: Stéphane Mallarmé

Rêve antique

Elle est dans l'atrium la blonde Lycoris 
Sous un flot parfumé mollement renversée. 
Comme un saule jauni s'épand sous la rosée, 
Ses cheveux sur son sein pleuvent longs et fleuris.

Dans les roseaux, vis-tu, sur un fleuve bleuâtre, 
Le soir, glisser le front de la pâle Phoebé ? 
- Elle dort dans son bain et sa gorge d'albâtre, 
Comme la lune, argente un flot du ciel tombé.

Son doigt qui sur l'eau calme effeuillait une rose 
Comme une urne odorante offre un calice vert : 
Descends, ô brune Hébé ! verse de ta main rose 
Ce vin qui fait qu'un coeur brûle, à tout coeur ouvert.

Elle est dans l'atrium la blonde Lycoris
Sous un flot parfumé mollement renversée :
Comme ton arc d'argent, Diane aux forêts lancée, 
Se détend son beau corps sous ses amants choisis.

Stéphane Mallarmé (1842-1898). Source: Bonjour Poésie.

samedi 25 décembre 2021

Joyeux Noël!

Chères visiteuses, chers visiteurs, de passage ou fidèles à ce blog, je vous souhaite à toutes et à tous une belle et sainte fête de Noël! Qu'elle soit empreinte pour vous de joie et de bons moments entre proches. A bientôt!

Source de l'image: Je Pense.org.

mercredi 22 décembre 2021

Robots et vivre-ensemble: scènes de vie par Robert Yessouroun

Robert Yessouroun – Le vivre-ensemble avec les robots, ça vous dit quelque chose? C'est l'idée que Robert Yessouroun, écrivain belge spécialisé dans la science-fiction, développe en profondeur dans les dix nouvelles qui composent le recueil "Les voleurs d'absurde". Il y a quelques fausses notes de part et d'autre de cette symbiose... et c'est d'elles que part chaque texte.

L'écrivain met ses lecteurs à l'aise en installant le plus souvent ses intrigues dans des univers familiers, géographiquement et même du point de vue temporel. On se retrouve à Bruxelles, à Londres, à Genève aussi, dans une configuration assez semblable à celle que le lecteur d'aujourd'hui a connue avant le Covid-19. En somme, la seule différence, mais elle est de taille, c'est qu'il y a soudain des robots qui s'y baladent, et agissent, même.

Chacune des nouvelles des "Voleurs d'absurde" saisit les robots à ce moment où, dépassant leur statut de simple mécanique au service des humains, ils deviennent des êtres capables de ressentir, de réfléchir, d'apprendre – d'être des égaux des humains, en définitive, "émotifs et autonomes" pour reprendre les deux adjectifs mentionnés dans l'avertissement. Cela permet à l'auteur de mettre à l'épreuve les trois lois de la robotique d'Asimov, mais aussi d'installer des situations intéressantes de cohabitation.

Cette cohabitation s'avère polymorphe. On peut la voir comme une domination pétrie de bons sentiments dans "La maison envahissante", mettant en scène une domotique quasi totalitaire tenant sous son emprise, par sa capacité décisionnelle, un locataire portugais si indécis qu'il a deux maîtresses et ne sait laquelle privilégier – autant dire que le reste de sa vie, fait de choix, est un calvaire... 

Il y a aussi ce robot immatériel, "What-If" One, qui cherche à faire mumuse avec le monde grâce aux réseaux informatiques qu'il contrôle, comme un enfant ivre de sa toute-puissance sur le monde le ferait avec une boîte de Lego dans "Sauvegarde et sauve-qui-peut": est-il possible de laisser sans contrôle la puissance de l'intelligence artificielle, émotive qui plus est, mais nettement immature? C'est par un dialogue aux accents éducatifs que l'affaire se résoudra, dans un contexte un brin futuriste où certaines villes volent et peuvent s'écraser du côté de la Bérézina. 

L'ancrage dans le terroir des cités qui servent de décor aux nouvelles est assumé. De Genève en particulier, on découvre les recoins du Victoria Hall, mais aussi les vignobles de Dardagny puisque, dans la tragique nouvelle "L'Appel de la vigne", un robot œnologue devient le parangon d'une opposition entre robots hédonistes, chargés de simplifier la vie des humains pour qu'ils puissent se divertir, et robots coaches, programmés pour faire travailler l'homme en vue de sa propre amélioration. Et Dieu sait qu'il y a toujours de quoi progresser dans le domaine du bon vin!

Certaines nouvelles jouent aussi, habilement, avec les points de vue. On pense à "Rien n'est plus étrange que le réel", qui relate en parallèle deux histoires simples et étrangement (dis)semblables. Et avec "Journal d'un robot", l'auteur dessine, et c'est un texte clé, la manière dont un robot acquiert les codes de la vie parmi les hommes, alors qu'il n'en a pas l'expérience dans sa chair, son parcours dépendant, de base, du bon vouloir des humains. 

Dans la même idée mais à un autre bout, le final de "L'Appel de la vigne" suggère que pour les robots, si égaux à leurs créateurs et intégrés à leur société qu'ils puissent paraître, la peine de mort sous forme de débranchement est appelée à persister. Parfait, pourrait-on dire cyniquement: avoir conscience de la possibilité de la mort, c'est aussi apprendre un élément fondateur de la condition humaine.

Alors, entre le robot domotique féru de contrôle et l'humain qui a le dernier mot, qui a le pouvoir dans cette affaire de robots? L'auteur ne tranche pas. Simplement, il propose, en dix nouvelles, autant de situations où le vivre-ensemble entre humains et robots, espèces devenues proches mais dissemblables dans leur essence, la dernière étant créature de l'homme, pour la première fois dans l'histoire capable de le dépasser sans avoir toujours la maturité requise, est mis à l'épreuve. Cela peut paraître sérieux; mais de temps à autre, au détour de phrases claires, l'auteur s'amuse à quelques clins d'œil verbaux et allusions qui ne manquent pas de faire sourire, pour détendre un propos qui s'avère philosophe.

Robert Yessouroun, Les voleurs d'absurde, Vevey, Hélice Hélas, 2018.

Le site des éditions Hélice Hélas.

dimanche 19 décembre 2021

Dimanche poétique 519: Jacques Herman


Ecrire à tout prix

S'il faut écrire à tout prix
A tout prendre j'ai pris
Une résolution sage
Je n'ai depuis longtemps plus l'âge
De perdre mon temps

S'il faut écrire
J'écrirai donc
A l'horloge parlante
Écriture éminemment
Sans risque
Innocente
Et sans danger

Que dirai-je
A cette maîtresse
Nouvelle je n'en sais rien
Du reste à parler franc
Qu'importe
Le flacon pourvu
Qu'on ait l'ivresse

Il est minuit
J'entends frapper
Douze coups réguliers
Dessus ma porte
J'y vois déjà le signe
De lourds secrets d'alcôve
Et qui sait peut-être bien davantage
Tandis que mon voisin jaloux
A ce qu'on dit enrage

Jacques Herman (1948- ). Source: Bonjour Poésie.

vendredi 17 décembre 2021

Will van Gulik: ivre du vin de Mars, et pourquoi pas?

Will van Gulik – "Monsieur Télématique" est né d'une nouvelle rédigée par Will van Gulik, et développée par l'auteur pour en faire une novella d'une quarantaine de pages, publiée aux "nano-éditions" La Puce. Nous voici dans le domaine des récits d'anticipation courts mais qui offrent de la matière pour réfléchir longtemps.

Nous sommes au vingt-cinquième siècle. L'auteur propose à son lectorat de suivre Charles, un quinquagénaire bon vivant qui vit à Genève et peine à supporter le climat: il pleut tout le temps, la faute au changement climatique. Pourquoi ne pas partir sur Mars pour vivre de son travail dans un contexte plus ensoleillé, alors? Dans la logique de "Monsieur Télématique", se faire une place au soleil, c'est changer de planète...

Foin d'ironie: "Monsieur Télématique" porte un regard foncièrement optimiste sur ce que pourrait être l'humanité dans quatre siècles. Le vingt-cinquième siècle de l'écrivain a en effet maîtrisé le dérèglement climatique qui faut aujourd'hui la une des journaux et trouvé un nouvel équilibre. 

Cet équilibre a un prix: il se traduit par un commerce rigoureux de l'empreinte écologique, chiffré par les "Energy Foot Print" (EFP) dont chaque individu dispose, et qui fait que les produits de proximité sont moins chers que ceux qui viennent de loin. Exemple: le café, denrée d'origine lointaine, est un luxe qu'on déguste comme une coupe de champagne rare, alors que le p'tit vin de la côte lémanique, produit de proximité, fait à bon compte les délices de Charles.

Un Charles qui, pour des raisons que l'auteur garde mystérieuses, s'avère séduisant, y compris auprès des jeunes filles. L'auteur fait aussi de lui un trait d'union entre un présent, le nôtre, qui est le passé de ce personnage, et son présent à lui, par exemple en mettant en scène des soirées swing qu'il affectionne, au moins autant que les bagnoles américaines des années 1950. Le lecteur se surprend dès lors à penser à ce qu'il ressentirait si le Moulin à Danses de Lausanne l'invitait soudain à une soirée en boîte consacrée aux danses baroques... Dans "Monsieur Télématique", les personnages assument ce grand écart.

En développant une idylle avec le personnage d'Amanda, cyborguette malgré elle (greffée des bras et des jambes, elle a perdu ses membres dans une expérience foirée et scandaleuse de téléportation), l'écrivain définit les contours d'un possible nouveau "racisme" (contre les cyborgs – mais "cyborg" n'est pas une race, d'où les guillemets), mais aussi de nouvelles ouvertures à l'autre. Sans aller jusqu'au militantisme, il n'hésite pas à glisser quelques phrases sur les réticences des uns et des autres, également à l'encontre des homosexuels, vues comme indécrottables.

Et la vie sur Mars, alors? L'auteur structure les trois chapitres en fonction des objets astraux hantés par le récit. Et la belle vie semble être sur Mars. C'est celle d'une petite colonie qui, dans un cadre rendu propice par l'effort humain, développe peu à peu ses habitudes, connaît ses tensions parfois héritées de la vie terrienne, et fait ses expériences: en plantant la vigne, par exemple, elle perpétue la possibilité de déguster un breuvage indissociable de l'humanité depuis que des Géorgiens s'y sont essayés, il y a quelques millénaires. Pourquoi arrêter? Pour faire saliver son lecteur, l'auteur va jusqu'à imaginer le goût que pourrait avoir un vin martien, fruit d'une vigne martienne. 

Et entre Amanda et Charles, ça va matcher comme on dit, et en annonçant qu'elle arrête provisoirement le vin (un référent, décidément!), Amanda indique qu'un petit Martien tout ce qu'il y a d'humain est en route. A partir de là, il est certes permis de se demander ce que le dernier chapitre, dont l'action se déroule sur la Lune en présence d'un personnage au genre incertain qui goûte de nouveaux psychotropes, apporte quelque chose de substantiel à un propos déjà riche, si ce n'est, curieusement, des coquilles supplémentaires. 

Le plus savoureux, mais aussi le plus profond de "Monsieur Télématique" réside en effet dans ses deux premiers chapitres, posés en opposition légitime: une Terre où l'humanité continue à vivre en maîtrisant son destin et une planète Mars promesse d'un avenir meilleur, où l'être humain peut continuer à vivre sans trop s'aliéner. C'est là que l'écriture, certes rapide comme dans une nouvelle, sait aussi se faire porteuse d'idées qui donnent à penser. Et qui interrogent: la colonisation de Mars apparaît comme la suite logique de la conquête de nouveaux territoires, pratiquée depuis toujours par l'humain pour le meilleur et pour le pire, de quelque civilisation qu'il soit. Sauf que sur Mars, parfaite page blanche d'une possible nouvelle humanité, ça ne dérange personne.

Will van Gulik, Monsieur Télématique, Genève, La Puce, 2018.

Le site des éditions La Puce.


jeudi 16 décembre 2021

Joseph Kessel, des gamins dans une insurrection à Barcelone

Joseph Kessel – "Une balle perdue" est un court roman de Joseph Kessel. Ecrit en 1935, il fait référence à une insurrection indépendantiste catalane survenue une année plus tôt. Celle-ci s'inscrit dans la longue histoire tortueuse des rapports entre la Catalogne et l'Espagne, qui résonne aujourd'hui encore. Paru isolément dans la série Folio à deux euros, il a paru initialement dans un recueil intitulé "Pour l'honneur" aux éditions Plon (1964).

Pour accrocher son lectorat, l'écrivain installe l'intéressant personnage d'Alejandro, très jeune homme auquel on est tenté d'accrocher l'étiquette de "chaste fol" jusque-là réservée à Parsifal. C'est un cireur de chaussures apparemment toujours de bonne humeur, vivant de peu, qui se considère comme anarchiste. Il est certes permis de voir dans ce positionnement une manière de ne pas choisir son camp. Mais voilà: la vie va se charger de faire des choix pour Alejandro, à sa place, à l'occasion d'une insurrection. 

Autour de lui, l'écrivain place en effet le personnage de Vicente, son meilleur ami, un étudiant fort en gueule, au verbe séduisant. Face à lui, l'auteur installe Alejandro dans un conflit de loyautés qui va l'obliger à choisir son camp, dans une dynamique narrative tragique. La force de l'amitié suffira à engager Alejandro dans une direction qu'il n'aurait peut-être pas choisie en toute connaissance de cause, et qui va le transformer. 

L'écrivain utilise les caractéristiques physiques de son personnage pour dire son évolution. Il y a bien évidemment cette tête un peu grosse qui apparaît comme un leitmotiv: si elle est grosse, est-elle intelligente pour autant? Alejandro comprend qu'il change malgré lui, qu'il sort de son commode état d'innocence. Une seule phrase suffit à l'auteur pour observer ce glissement: "Un sourire amer et dur qui n'était plus le sien passa sur les lèvres confiantes d'Alejandro." 

Ainsi, et comme dans "Le Lion", du même auteur, où Patricia vit brutalement la mort de son lion favori, Alejandro est brusquement sorti d'un état d'innocence propre à l'enfance. Mais contrairement à Patricia qui va vivre sa vie, Alejandro ne connaîtra pas longtemps sa vie d'innocence perdue. 

En mettant en scène des adolescents exaltés, dans les mains desquels on a placé des fusils et qui se battent bille en tête pour une cause qui les dépasse, l'auteur suggère l'inanité de ces conflits où des humains s'entretuent pour des causes qu'ils considèrent comme pourtant extrêmement légitimes. Une impression renforcée par le côté parfaitement local, ramassé, de l'intrigue: tout se passe sur une place de Barcelone. Vaut-il vraiment la peine de mourir pour ce qui n'est guère plus qu'une bagarre de cour de récré? La question est posée. 

Il est permis de juger aussi qu'il s'agit d'une affaire d'hommes, historique en apparence mais dérisoire en vrai. Mais les sentiments amoureux s'en mêlent aussi, au travers d'Helen, l'inaccessible personnage féminin dont Alejandro se retrouve épris. Tout en elle indique qu'elle est hors de l'action: son prénom à consonance anglaise indique qu'elle est une étrangère, pure spectatrice, le verre à la main, d'une insurrection qu'elle peut juger folklorique et qu'elle ne peut comprendre, moins encore qu'Alejandro. La balustrade du balcon où elle apparaît parfois, en une vision rare et espérée, symbolise cette limite. Seule une balle "perdue" permettra de rapprocher le soupirant moribond de la jeune femme aimée et qui n'en sait rien – mais dans un autre monde.

Faisant encore résonner la guitare de Juan le joueur de flamenco au statut précaire, l'écrivain indique la tendresse avec laquelle il dessine les petites gens, même lorsqu'elles se laissent embarquer, au gré de l'engrenage des fidélités, dans des affaires qui les dépassent. Se fondant sur un fait historique oublié dans l'ombre de la guerre d'Espagne qui vient, l'auteur dessine la puissance des emportements humains et singulièrement masculins, dans un style sobre qui rend ceux-ci encore plus éclatants.

Joseph Kessel, Une balle perdue, Folio, 2009/Plon, 1964.

Lu dans le cadre du défi "Cette année sera classique" avec Délivrer des livres et Vivre Livre.



lundi 13 décembre 2021

Jean-Yves Dubath, parce que les meilleures orgies romaines ont aussi une fin

Jean-Yves Dubath – "Comme Carthage", c'est l'histoire d'un meurtre annoncé. C'est aussi la chronique des parties fines qu'organise Edgar en son logis de la rue Luszner à Paris. Une fois de plus, Jean-Yves Dubath nous emmène dans son monde, à la fois ciselé, poétique jusqu'au bout, et aussi dense qu'une forêt impénétrable. Il fut exigeant jusque dans les geôles, le voici embarquant son lecteur dans une course d'endurance tortueuse lors de laquelle les corps masculins sont à l'honneur.

Quelques mots sur les lieux principaux de l'intrigue, d'abord: tout commence à la rue Del Sarte, dans le dix-huitième arrondissement de Paris. Une voie qui existe vraiment, au contraire de la rue Luszner: en transférant l'essentiel de l'action de l'une à l'autre, parce qu'Edgar déménage, l'auteur suggère qu'on passe du réel à la fiction. Cela, sans perdre totalement pied: le narrateur aime à s'égarer dans les animaleries du quai de la Mégisserie, à Paris toujours. Cela dit, après ce Paris oscillant entre réel et fiction, où tout peut arriver, la dernière phrase a un goût de retour sur terre particulièrement rude: "Pour ma sécurité, cependant, je pense qu'il est préférable de rentrer en Suisse. En attendant de bien m'établir, l'Hôtel des Trois Couronnes, à Vevey, fera l'affaire."

Domaine de la fiction élu, la rue Luszner est donc le théâtre des parties fines d'Edgar. Qu'on ne s'y méprenne pas: il n'y aura ni complaisance, ni voyeurisme excessif dans la manière d'écrire qu'adopte l'auteur. D'emblée, le narrateur installe un imaginaire des corps masculins, virils, suscité par les images que peuvent faire naître dans la tête du lecteur (ou de la lectrice) la vision de rugbymen du sud de la France (Béziers, entre autres) – pas besoin de descriptions, dès lors, ou si peu! On verra passer aussi des policiers, des pompiers, en une vaste troupe indistincte et musculeuse d'où émergent quelques personnalités souvent indifférenciées – comme peuvent l'être leurs nudités: "A poil les mecs!", tel est le mot d'ordre, suprêmement égalitaire.

L'esthétique des corps masculins se trouve tout autant magnifiée dans le métier du narrateur, spécialiste de la lutte gréco-romaine et de son esthétique. Il est permis de rapprocher cette vision du corps-à-corps d'un précédent roman de l'écrivain, le très beau "Un homme en lutte suisse", avec lequel la résonance est évidente. Il y aura aussi de l'haltérophilie dans ces pages consacrées au sport musculeux, notamment avec une relation captivante, rythmée même, d'un championnat au chapitre 12.

Championnat? "Comme Carthage" apparaît comme le roman de la sélection des corps masculins. L'auteur l'indique expressément, "Edgar" est l'anagramme de "Garde", ce qui suggère que pour les soirées de la rue Luszner, on garde ou on jette celui qui vient (et celle, aussi), en fonction de critères arbitraires. Le souci d'être "gardé" dans ces parties dont il faut être devient dès lors prioritaire – et résonne avec celui du rugbyman qui redoute de n'être pas sélectionné pour tel match clé. Pour mémoire, Yann Moix se fait refouler (p. 154). Mais qu'en sera-t-il d'Edgar lui-même? Le jeteur pourrait-il être jeté à son tour?

Les femmes apparaissent de façon pointilliste dans cette débauche de corps masculins, peu farouches souvent. Si elles sont une touche de couleur appréciée du lecteur qui trace sa route dans le monde de mecs voulu par l'écrivain, elles sont vite oubliées aussi, même si elles sont appréciées sur le moment: quelques prénoms émergent puis replongent dans les profondeurs de l'esprit du lecteur, sans marquer. Trop de monde... 

... et finalement, c'est le regard aimable porté par le narrateur sur un couple de callopsittes d'une boutique du quai de la Mégisserie que le lecteur retient. Il sourit à ces contrepoints animaliers récurrents, où le narrateur observe un couple de perruches mal mises en valeur par un vendeur qui a cru bon de placer leur cage à côté de celles d'un autre oiseau, plus bruyant et voyant. Curieusement, la narration suggère que c'est avec ces oiseaux (qu'on a déjà vus dans "Des geôles", précédent et exigeant roman de Jean-Yves Dubath) que le narrateur s'attache le plus, croyant trouver dans le comportement de ces petits oiseaux des signes de connivence.

"Delenda Carthago": le mot de Caton l'Ancien claque dans le titre du dernier roman de Jean-Yves Dubath. Quitte à l'épuiser à force de pages copieuses, l'écrivain roman embarque son lecteur dans un chant ample et sonore du corps masculin, puissant et dérisoire, où l'Antiquité trouve toute sa place pour donner un fond à la fois érudit et pertinent: autour d'un sofa doré qui ne manquera pas de rappeler le "Sopha" de Crébillon Fils, "Comme Carthage" n'est-il pas la description lente et minutieuse d'une orgie romaine qui se voudrait sans fin mais qui devra bien trouver son terme?

Jean-Yves Dubath, Comme Carthage, Lausanne, BSN Press, 2021.

Le site des éditions BSN Press.

dimanche 12 décembre 2021

Dimanche poétique 518: Fabre d'Eglantine


Il pleut, il peut bergère...

Il pleut, il pleut bergère
Rentre tes blancs moutons
Allons sous ma chaumière
Bergère, vite allons 
J'entends sous le feuillage
L'eau qui tombe à grand bruit. 
Voici, venir l'orage, 
Voici l'éclair qui luit.

Entends-tu le tonnerre ?
Il roule en approchant.
Prends un abri bergère, 
À ma droite en marchant.
Je vois notre cabane.
Et tiens voici venir 
Ma mère et ma sœur Anne 
Qui vont l'étable ouvrir.

Bonsoir, bonsoir ma mère 
Ma sœur Anne bonsoir 
J'amène ma bergère
Près de nous pour ce soir
Va te sécher, ma mie
Auprès de nos tisons 
Sœur, fais lui compagnie
Entrez petits moutons.

Soignons bien, oh ma mère, 
Son tant joli troupeau 
Donnez plus de litière
À son petit agneau
C'est fait allons près d'elle
Eh bien donc te voilà
En corset qu'elle est belle 
Ma mère voyez la.

Soupons, prends cette chaise 
Tu seras près de moi
Ce flambeau de mélèze
Brûlera devant toi 
Goûte de ce laitage
Mais tu ne manges pas ?
Tu te sens de l'orage,
Il a lassé tes pas.

Eh bien voilà ta couche,
Dors-y bien jusqu'au jour,
Laisse moi sur ta bouche
Prendre un baiser d'amour 
Ne rougis pas bergère,
Ma mère et moi demain, 
Nous irons chez ton père
Lui demander ta main.

Fabre d'Eglantine (1750-1794). Source: Wikipedia.

dimanche 5 décembre 2021

Dimanche poétique 517: Jean Mathys


Viens et oublions

Viens,
Oublions toutes ces années où nous avons souffert,
Oublions nos angoisses, nos chagrins et nos deuils,
Un journal nouveau pointe sur le seuil,
Le soleil luit sur les prés toujours verts,
Viens et oublions.
Même s'il est difficile d'oublier la misère,
Les guerres, les alarmes, les amitiés trahies,
Le jour où l'on perd tout.
C'était quel jour déjà?
Tu vois, je ne m'en souviens plus du tout.
Un jour nouveau s'offre à nous
Comme en réponse à notre foi.
Et lorsque tombe douce comme une caresse
La nuit bleue,
Elle nous illumine toi te moi.
Survivants d'une terre en détresse,
Nous cheminots vers une terre promise,
Une paix promise, une joie promise
Où il n'y a plus de place pour nos rancœurs,
Mon frère, ma sœur, le Blanc, le Noir,
La créature de Dieu qu'elle qu'en soit la couleur.
Quelle différence?
Alors, maintenant viens, oublions toutes ces années
Et, la main dans la main, ensemble sur le chemin, 
Marchons.

Jean Mathys, dans Le Scribe 83/2021, Martigny, Soleil Blanc, 2021.