lundi 31 juillet 2017

"Remous" d'Albert Paraz: à désespérer du genre humain

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"Vingt ans après sa mort, Albert Paraz (1899-1957) n'a pas encore trouvé ses lecteurs", dit le prière d'insérer de "Remous" (1947), roman majeur de l'écrivain savoyard, réédité par les éditions L'Age d'Homme en 1982. Disons-le d'emblée: force est de constater que les lecteurs d'aujourd'hui n'ont pas forcément envie de se retrouver en compagnie de l'amateur Jean-Marie Le Pen, qui chérit le personnage populaire de Bitru, ni du négationniste Paul Rassinier, auquel Albert Paraz a donné une préface. Cela, sans compter la compagnie de Louis-Ferdinand Céline, qui conserve aujourd'hui encore quelque chose de sulfureux. Enfin, qu'Albert Paraz ait été pour le moins sceptique face à la Résistance n'aura rien fait pour sa reconnaissance à long terme. De tout cela, faisons table rase, l'espace d'un billet. Ma lecture de "Remous" est celle d'un lecteur neutre, désireux de découvrir un écrivain décédé il y a soixante ans.


"Remous", c'est la mise en résonance des remous du coeur de Florence Barré et ceux de l'histoire de France entre les Années folles et la Libération. De façon classique, l'auteur veut donner à son roman une illusion de réel en suggérant au lecteur que Florence Barré (est-elle barrée?), cette quadragénaire suicidaire recueillie dans un hôpital psychiatrique parisien dans les années 1946, a vraiment existé et légué un manuscrit. Ce manuscrit, c'est sa vie. Et sans doute aussi celle d'Albert Paraz. Et il y a quelque chose d'habile, de la part de l'écrivain, dans la manière dont il fait doucement glisser son lecteur de l'environnement austère de l'hôpital vers la description de la vie d'une jeune femme dans les Années folles, vues d'une province rurale très, très convenable. C'est à Plassans que ça commence, et sans vouloir épiloguer, l'on pense volontiers à Emile Zola en lisant ce toponyme...

Convenable, oui, c'est là le principal: il faut bien se marier, et toutes les vicissitudes de Florence Barré, la narratrice, découlent de cette obligation sociale. On la découvre en effet tiraillée entre plusieurs hommes, avec à chaque fois des obstacles et des opportunités: il n'y a pas de mariage parfait, d'amour heureux voudrait-on dire comme un certain Louis Aragon. Marier Valère, en effet, c'est rester dans le contexte terne d'un monde agricole; se précipiter dans les bras de Michel, c'est goûter l'aventure. A cela vient s'ajouter la question religieuse: catholique ou protestant, qui doit céder? Cela, sans parler des attirances ultérieures, alors que Michel est mobilisé puis prisonnier - et que Valère est mort depuis longtemps.

Autour de Florence, l'écrivain dessine un monde d'hommes peu amène: les personnages de sexe masculin de ce roman sont le plus souvent des prédateurs. Certes, certains ont reçu, à diverses doses, le vernis de la civilisation qui les rend urbains à première vue. Reste que l'on a affaire à des violeurs (comme l'aimable et timoré Valère, qui finit par tomber le masque), à des mythomanes (l'artiste Igor Poulenx, alias Gaston Poulet... ce qui claque tout de suite moins) ou à des écrivains égoïstes (Stève du Tray, peu désireux de s'engager). Peut-on avoir confiance en une telle engeance? Pas facile! Surtout que - et l'auteur joue un jeu à double détente, pour le coup - derrière ces messieurs, se cache volontiers une femme, en l'occurrence la manipulatrice Juanita, qui empêche en particulier Michel Lapoltroné d'être franchement libre.

C'est à désespérer du genre humain, dira-t-on! Certes, et l'on n'imagine pas à quel point. Personnellement sceptique face à Charles de Gaulle, l'écrivain se complaît à dépeindre ce que la Résistance a pu avoir de moins brillant. Parmi ses personnages, nombreux sont donc les résistants de la onzième heure, qui tondent les femmes ou applaudissent de tels actes, et cherchent à se placer après avoir passé la guerre à faire ami-ami avec l'occupant allemand - de loin, on pense ici aux crémiers du plus tardif "Au Bon Beurre" de Jean Dutourd. Nombreux également sont les maquisards de Savoie, dessinés comme des hommes certes costauds, héritiers des Gaulois de "La Guerre des Gaules" de Jules César, mais aussi peu désireux de défendre leur pays contre l'occupant que d'échapper au STO. Il est également question, et cela peut surprendre aujourd'hui, du bonheur qu'ont pu apporter certains articles littéraires du journal "Je suis partout", notoirement collaborationniste, aux Français exilés en Allemagne nazie.

Cette vision foncièrement pessimiste de l'humanité et des Français est contrebalancée par un regard à plus d'une reprise bienveillant, voire attendri, envers les animaux. On se souvient avec plaisir à la scène où, en Argentine, Florence attendrit une famille de pumas. Plus fort encore, l'écrivain parle du singe domestique Zaza en termes humains, comme si elle était meilleure que le meilleur des humains, allant jusqu'à mettre en avant des compétences incroyables pour un primate - un "quadrumane", comme qui dirait. Il est vrai - notons-le! - que l'écrivain aime dépeindre la nature, que sa description des grands espaces argentins fait presque rêver, et que son écriture sait se faire lyrique à l'occasion...

... mais ce lyrisme n'est pas gratuit! Le lecteur le comprend rapidement lorsqu'il entend parler le personnage de Michel Lapoltroné (est-il un poltron?), qui utilise les plus beaux mots pour parler de son pays adoptif, l'Argentine. Reste que dès le départ, sa position est marquée par la duplicité: divorcé d'une femme en Argentine (la fameuse Juanita), séducteur, on ne sait jamais s'il est sincère face à Florence Barré. Il est dès lors permis de penser que l'auteur considère que l'excès de lyrisme est une manière de mentir au lecteur - et de suggérer que l'art est un mensonge. Dans le sillage du Guy de Maupassant de "Une vie", c'est une manière de se positionner en critique ironique face à ceux qui en font trop!

Enfin, et c'est important, il y a la question de la religion et du rapport à la transcendance... L'élément le plus frontal est évidemment la confrontation entre protestants et catholiques, obstacle majeur au mariage de Florence avec Valère (mais du coup, il n'y aurait pas eu de roman...). Sans oublier la libre pensée, anticléricale, antichrétienne mais pragmatique (d'aucuns diraient "casuiste"), incarnée par l'oncle Noël, vu comme empreint d'une certaine sagesse, qui a cependant aussi ses faiblesses et ses limites. Au-delà, cependant, l'auteur va titiller les superstitions, les croyances amérindiennes à travers le personnage métissé de Juanita, voire les rapports avec le Diable, considérant que sur Terre, les démons se reconnaissent entre eux sans paroles. La télépathie et les dialogues avec l'au-delà, enfin, viennent compléter l'aspect transcendant d'un roman bien ancré par ailleurs dans la réalité d'une certaine période de l'histoire de France. Plein des thèmes qui agitent l'époque de son écriture, "Remous" adopte un ton délibérément populaire pour amener vigoureusement une vision du monde particulière, intelligente et fortement étayée. 

Albert Paraz, Remous, Lausanne, L'Age d'Homme, 1982. Préface de Jacques Aboucaya.

dimanche 30 juillet 2017

Dimanche poétique 312: Armand de Flaux

Idée de Celsmoon.



Les jeunes filles de Stockholm

Qui peut vous oublier, blondes filles du Nord,
Au teint pâle, aux yeux bleus, si pures et si belles
Qu'il nous semble toujours qu'aux voûtes éternelles
Comme des séraphins, vous allez prendre essor!

De vos yeux abrités sous vos longs cheveux d'or,
Parfois, à votre insu, sortent des étincelles.
C'est que le feu caché qui couve en vos prunelles
N'a dans aucun climat fait battre un coeur plus fort.

Pendant les courtes nuits de juin, ô jeunes filles!
Quand vous veniez, le front caché dans vos mantilles,
Fouler d'un pied léger les prés de Djurgarden,

Je croyais voir au ciel scintiller plus d'étoiles;
L'air était embaumé, la nuit était sans voiles,
Et mon rêve enchanté durait jusqu'au matin.

Alexandre de Flaux (1819-1883). Source: poésie.webnet.



vendredi 28 juillet 2017

Abha Dawesar: les arts, les sciences et les religions sous une seule couverture

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"Nomen est omen", dit la sagesse ancienne. C'est ce que semble dire aussi "Sensorium", cinquième roman de l'écrivaine indienne Abha Dawesar. Dès les premières pages de ce livre atypique, en effet, l'auteure nomme son personnage Durga et, ce faisant, lui donne un destin, par l'entremise de prêtres hindous. Et artiste, elle devra expier une faute dont elle ignore tout et qui remonte à l'une de ses vies précédentes. Peu à peu, une intrigue s'installe...

Native de l'Inde moderne, devenue artiste, Durga a l'esprit cartésien et professe un certain rejet des superstitions et de la religion - celle-ci étant souvent montrée comme un ensemble de rituels et de croyances dont l'exigence masque la vacuité. Il n'empêche: il n'est pas évident d'en sortir. Plutôt que de rejeter l'idée d'expier, en particulier, Durga va intégrer cette démarche à une œuvre d'art, tout en ayant quelques scrupules à prendre des libertés avec le prêtre (qui s'est payé au passage, d'ailleurs).

Foi et raison: dans "Sensorium", le choc est constant. Cela, d'autant plus que l'auteure lorgne vers les arcanes des sciences en général, et des neurosciences en particulier, aussi troublants que ceux de la religion. C'est là qu'apparaît l'une des originalités de ce roman: l'intégration d'éléments de texte sous forme d'encadrés, volontiers théoriques, venant éclairer les vicissitudes de la vie d'artiste que mène Durga. Ces éléments, composés dans une police de caractères distincte du reste du livre, prennent parfois même la forme d'éléments narratifs, comme si, sur quelques pages, deux intrigues couraient en parallèle autour de Durga. Pour le côté expérimental d'une telle manière de raconter, on peut penser à "Séquoïadrome" d'Emilie Notéris, ou, mieux, aux notes de bas de page labyrinthiques de David Foster Wallace.

Et comme si tout cela ne suffisait pas, la beauté de ce livre est encore renforcée par des dessins, plus ou moins présents au gré des pages. Schémas sommaires, ils complètent ou illustrent le texte. Et ils ont tout à fait leur place ici, Durga étant justement active dans les arts visuels. C'est comme si la narratrice voulait ajouter son propre art aux mots - des mots qui sont ceux de tout le monde, simples et directs.

"Sensorium" est un texte qui jongle avec de grands thèmes comme les arts, les sciences, la religion, le destin, les légendes, mais aussi la vie ici-bas, avec ses contraintes les plus prosaïques. Cela, non sans porosité: partant de l'idée astrologique de l'année du rat, l'auteure exploite le thème sur le plan de la raison comme de la religion. Et de l'Inde à New York en passant par les Flandres, c'est un monde que le lecteur découvre - peut-être la fuite d'un déterminisme national? Pas de crainte cependant: décliné en chapitres et séquences courts, "Sensorium" est un roman rapide, jamais pesant, et que l'on lit avec bonheur.

Abha Dawesar, Sensorium, Paris, Héloïse d'Ormesson, 2012. Traduit de l'anglais (Inde) par Laurence Videloup.

lundi 24 juillet 2017

Amours en pharmacie, l'univers de L. L. L. David

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Le site de l'éditrice. Merci à l'auteure pour l'envoi, ainsi qu'à Simplement.Pro pour l'intermédiation.

Un pharmacien tombe amoureux d'une de ses employées, à moins que ce ne soit le contraire: l'histoire paraît classique. C'est celle dans laquelle l'écrivaine L. L. L. David embarque son lectorat dans "Petite souris grise". Il y est question d'une jeune femme des plus discrètes, à laquelle la couverture, dessinée par Céline Pêcheur, prête les traits de Vera Dinkley dans "Scoubidou". Et d'un potard à peine moins jeune nommé Cyrille Desprez, qui se trouve être son employeur. Et il s'en passe de belles dans la pharmacie Desprez, située dans les recoins chics (Sèvres-Babylone) du sixième arrondissement de Paris!

"Petite souris grise" est une romance classique, qui joue honorablement les figures imposées du genre: le repas de famille, la danse langoureuse en boîte, les moments de sexe vécus en secret alors que tout le monde peut entendre, le coeur contre la raison, les situations qui rapprochent malgré eux ceux qui sont appelés à "être ensemble": pas besoin de lire beaucoup pour savoir que Cyrille et Céline finiront dans les bras l'un de l'autre. Classique par ses péripéties, "Petite souris grise" l'est aussi par son style, qui aurait pu être un peu plus pétillant par moments. Cela, quand bien même les dialogues claquent quand il le faut: en la matière, l'auteure montre un chouette talent.

Ces dialogues, généreux, sont l'occasion de faire briller quelques personnages secondaires, libres parce qu'ils sont secondaires justement. L'écrivaine rend naturellement odieuses les cougars qui hantent la pharmacie Desprez, mettant en scène plus d'une tentative, pour ces vieilles dames huppées, d'inscrire Cyrille à leur tableau de chasse. On les sent prédatrices! Par contraste, on apprécie l'effet comique et dynamique des deux collègues de Céline. Anna et Myriam, toutes deux dans la vingtaine, ont des vies fort diverses: l'une papillonne d'homme en homme, l'autre est mariée puis enceinte; mais toutes deux s'entendent à jouer les entremetteuses rouées. Et, pour le lecteur, elles instillent à "Petite souris grise" le supplément de pep requis.

Mais qu'est-ce qui rend "Petite souris grise" particulièrement intéressant? Rappelons que la comédie romantique traditionnelle rapproche deux êtres que mille obstacles séparent. Justement, l'auteure de "Petite souris grise" a choisi de mettre sur le chemin de ses deux amoureux les obstacles les plus difficiles qui soient: ceux que les personnages s'imposent à eux-mêmes. Résultat: nous avons une Céline qui a un gros problème d'affirmation de soi (on aimerait la présenter au Marcel de "L'Envol du bourdon" d'Hélène Dormond, tiens!), coincée qui plus est par l'héritage pesant d'une famille à principes, héritière peut-être d'un certain catholicisme, énoncés de façon très directe par le biais de parents sentencieux. Et en face, Cyrille a un côté paradoxal, oscillant entre une volonté de diriger sa boutique de pharmacien de façon sévère et l'envie de se lâcher: on sent le manager ambivalent, désireux de cacher derrière une personnalité rigide une faiblesse au niveau du vécu - qui aurait mérité d'ailleurs d'être creusée un peu plus avant.

Vont-ils s'entendre alors, vont-ils enfin se laisser aller? "Petite souris grise" est parfois abrupt dans l'évolution des sentiments entre deux personnages que tout sépare (et surtout leur timidité, masquée par des stratégies diverses, vestimentaires pour Céline, hiérarchiques pour Cyrille), ainsi que dans les changements de points de vue: l'on aurait aimé un peu plus d'onctuosité dans la narration, c'est vrai, quitte à ce que le roman prenne davantage son temps. Le lecteur se souviendra plus volontiers de l'ambiance sympathique qui règne dans la pharmacie Desprez, et de l'intelligence avec laquelle l'auteure la fait évoluer, de la raideur à la souplesse, alors que le patron constate qu'il n'est pas forcément en mesure de suivre les règles qu'il a lui-même fixées. Et comme tout s'arrange à la fin (c'est la loi du genre...), le lecteur vibrera jusqu'au bout, avec le sourire.

L. L. L. David, Petite souris grise, Clermont-Ferrand, Mademoiselle a trois ailes, 2016.

dimanche 23 juillet 2017

Corinne Desarzens, des requérants et des perroquets

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Des migrants en nombre, un monde politique qui s'organise en Suisse pour les recevoir frileusement. Et de l'autre côté, des Helvètes repus qui se préoccupent de leurs perroquets. L'écrivaine franco-suisse Corinne Desarzens sait choquer en jouant sur les contrastes. "Le Gris du Gabon" (2009) est en effet le roman engagé d'une certaine vision du monde. Soigneusement documenté, il donne à voir ce que vivent les migrants... que ce soient des oiseaux ou des humains. Et malgré ses travers, il résonne encore aujourd'hui, même si les questions ne se posent plus tout à fait dans les mêmes termes.

Il est plus que probable, en effet, que "Le Gris du Gabon", comme d'ailleurs le recueil de nouvelles "36 chandelles" de Sabine Dormond et Hélène Küng, a été inspiré par le tour de vis donné par la Suisse en 2006 à sa politique d'immigration, avec la bénédiction d'un scrutin populaire. L'auteure donne du reste à voir, à la manière d'un élément d'arrière-plan, ce qui faisait les débats de l'époque à ce sujet: des moutons noirs sur les affiches, Christoph Blocher au Conseil fédéral. 

A cela vient s'ajouter la situation née de l'acceptation par le peuple suisse des accords de Schengen et de Dublin: la romancière s'attache à dessiner ce que ceux-ci impliquent pour ceux qu'on appelle aujourd'hui les migrants, requérants d'asile de tout poil venus de loin dans l'espoir de trouver en Suisse ou en Europe une vie meilleure. Quitte à paraître didactique par moments, c'est d'une manière froide et documentée qu'elle donne à voir les mécanismes de ces accords, et surtout l'impact qu'ils ont sur l'humain, baladé d'une administration à l'autre en un infernal ping-pong. Tout est décrit avec exactitude, en mettant l'accent sur le côté inhumain que peut avoir tout excès de bureaucratie.

Outre ce peuple suisse qui a accepté en votation populaire les accords de Schengen/Dublin et la loi fédérale sur les étrangers, divers acteurs sont mis en place autour de ceux qu'on appelle les "NEM" (non entrée en matière), et l'auteure les dessine tour à tour. Il y a évidemment la police, chargée de faire appliquer les lois, quitte à se montrer sourcilleuse. Il y a aussi les bénévoles, dont l'écrivaine montre le côté ambivalent: il y a certes là la bonne volonté sincère d'aider, en donnant des cours de langues ou en organisant des animations, mais aussi la forte tentation, pour les personnages, de plaquer leur propre vision du monde sur ces migrants, voire de les mettre sur un piédestal. Au-delà de la musique de Karen Blixen qui baigne "Le Gris du Gabon", cette volonté se traduit par l'usage récurrent du terme "prince", varié dans ses contextes, pour désigner les personnes issues d'Erythrée ou d'ailleurs. Cela, jusqu'à une idylle entre un migrant et une Suissesse, qui annonce "Un roi", roman suivant de l'écrivaine (Grasset, 2011).

On pourrait dès lors penser à un roman tragique au sens fort, où les légitimités solides s'affrontent jusqu'à ce que mort s'ensuive: "Antigone a raison, mais Créon n'a pas tort", comme qui dirait. Mais c'est oublier que "Le Gris du Gabon" se positionne justement comme un roman engagé, qui donne justement tort à Créon - à savoir au pouvoir politique sans visage. Sans visage, oui: les politiciens cités dans ce roman ne sont jamais nommés (même si on les reconnaît: Christoph Blocher, Silvio Berlusconi, Barack Obama). Il y a même une certaine gourmandise, de la part de l'auteure, à montrer les travers des politiciens du bord xénophobe, à l'instar du conseiller d'État Victor Frey. Soit! Le lecteur regrettera cependant d'avoir l'impression, régulièrement, que l'écrivaine lui fait la leçon, par exemple en lui rappelant que la Suisse a aussi exporté ses pauvres autrefois et ferait donc mieux de faire preuve de moins d'arrogance (p. 116 et suivantes), qu'elle se montre intrusive lorsqu'il est question de mariage mixte, ou en donnant à entendre des conversations floues où s'épanche la crainte de l'étranger: toute crainte n'est-elle pas légitime?

La force de "Le Gris du Gabon" ne réside donc certainement pas dans ce ton pénible de donneur de leçons, qui affaiblit sa dimension tragique. Elle s'exprime bien davantage dans le contraste choquant entre une certaine misère, réelle, celle des migrants sincères, et l'importance que nos sociétés occidentales accordent volontiers à des choses futiles: en somme, l'écrivaine montre un monde où des individus sont disposés à investir du temps et de l'argent pour faire vivre un animal domestique, en l'occurrence un perroquet d'une intelligence particulièrement marquée (un gris du Gabon a fait l'actu dernièrement, soit dit en passant) vu comme le parangon d'une richesse indécente, mais n'ouvre guère son coeur pour ses frères humains. C'est sans doute un peu la même chose, mais il y a façon de le dire... 

Corinne Desarzens, Le Gris du Gabon, Vevey, L'Aire, 2010.

Dimanche poétique 311: Prescillia Wattecamp

Idée de Celsmoon.

Trop tard

J'avais envie de te dire
Tout ce que j'avais sur le coeur,
Envie de te dire
Avant que je meure.

Mais c'est trop tard,
Tu es parti
Loin d'ici 
Et mis fin à notre histoire.

Sans me laisser de mots,
Sans me dire pourquoi,
Moi qui avais beaucoup d'amour à partager, oui beaucoup...
C'était ton droit.

Aujourd'hui ma vie a changé,
Elle s'est complètement arrêtée
Depuis que j'ai cette haine
Et que j'ai taillé cette veine.

Prescillia Wattecamp (1991- ). Source: Poésie.Webnet.

mercredi 19 juillet 2017

Homme ou bête, vingt nouvelles et des dessins qui interrogent

Le site de l'éditeur. Livre gagné dans le cadre du défi-concours "Je lis des nouvelles et des novellas" - merci à l'éditeur et à l'initiatrice. Merci tout spécialement aux auteurs et dessinateurs qui, et c'est super de leur part, ont émaillé mon exemplaire de plein de dédicaces formidables et surprenantes!


"Sales bêtes"... mais qui est le plus sale, en définitive? L'homme, la bête, ou quelque chose entre deux? Les astucieux initiateurs du projet de recueil collectif de nouvelles intitulé "Sales bêtes!", dûment illustrés, ont eu la main heureuse en sélectionnant vingt textes qui rappellent l'importance de l'animal, vu comme un objet d'identification qui parle même aux enfants, et le fait que l'humain, parfois, a des attitudes pour le moins bestiales. Pour ne pas dire pire...

Les auteurs et illustrateurs du recueil sont essentiellement français, et tracent leur route en plaçant leurs nouvelles et dessins dans des revues spécialisées, entre autres dans le domaine dit de l'imaginaire. 

De la France au Japon, les textes se distinguent par un regard sans cesse renouvelé sur les animaux. Le plus souvent, ils ont la fulgurance que permet une écriture de moins de dix pages bien serrées; seule la nouvelle "τρ" de Herr Mad Doktor (alias Sébastien Parisot), s'avère plus longue, lorgnant vers le genre de la novella - une novella astucieuse, qui oscille entre la modernité et le mythe antique du Minotaure avec un goût prononcé pour le jeu de mots qui fait rire. En somme, pas besoin de visions chimériques pour aborder la question des animaux: il suffit d'apporter un regard neuf sur des choses que chacun croit connaître. Et apporter un regard neuf, n'est-ce pas faire oeuvre de poète?

Japon, ai-je dit: l'auteur Ludovic Klein s'y colle plutôt deux fois qu'une, avec "Les maîtres ne vinrent plus" et "Le deuxième événement". La première de ces deux nouvelles ouvre le livre, avec pertinence: elle évoque un épisode méconnu et peu glorieux de l'histoire du Japon durant la Seconde guerre mondiale. On peut être dérouté ici par un jeu hasardeux de points de vue, allant sans avertissement du monde des animaux de zoo, vu de loin, au regard intrinsèque d'un bovidé; mais cette diversité des regards est idéale pour ouvrir le recueil, d'autant plus qu'elle suggère que le plus bestial, contrairement à ce que l'on pourrait croire, n'est pas forcément l'animal. Et avec "Le deuxième élément", l'auteur, domicilié au Japon, évoque le survivant des cataclysmes de l'histoire du Japon, à travers un chat miraculé, quasi légendaire.

Les auteurs rappellent, dans plus d'un de leurs écrits, que l'animal et l'homme sont intrinsèquement mêlés, condamnés qu'ils sont à vivre sur la même planète, sur le même territoire parfois. Le mélange va jusqu'à l'extrême avec "Pffugs" de Mathieu Fluxe, qui indique que même marqué par des traits physiques qu'on dirait bestiaux, il est possible de s'entendre et même de s'aimer entre humains: bec de lièvre, naevus, peu importe! Cela, dans l'univers clos d'un bar clandestin, locus amoenus où se côtoient toutes sortes de gens - une certaine faune, persifleraient les observateurs médisants - les "preds", pour reprendre le mot de l'auteur. Et dans un règne certes très différent, l'évocation du pou de corps par Vincent T. dans "Parasite" revisite avec une subtilité inattendue et savamment rafraîchissante une blague potache.

Originalité du regard, ai-je dit? Le lecteur sera étonné par "La dépression du chat", nouvelle quasi clinique de Gallinacé Ardent: qui observe ce chat monstrueux en passe de mourir? Serait-une souris? Et avec Vincent Leclercq, auteur de "La mélodie des bois", le regard du petit d'homme, transporté nolens volens vers une planète inconnue, est mis en scène, dans une tension subtile entre l'ennuyeux interdit parental et l'envie somme toute naturelle de découvrir un monde nouveau, dans une forêt extraterrestre, à la poursuite d'un ballon. Enfin, même les légendes d'ici sont revues et corrigées, à l'instar de celle du Loch Ness, dans "Un arrière-goût d'éternité", un texte aux allures gouleyantes signé Morgane Caussarieu.

Et puis, dans ce recueil, il y a des illustrations... parfaitement en phase avec les textes, elles ont aussi une valeur pour elles-mêmes. On adorera par exemple le surréalisme léché de Stab (alias Stabeor Basanescu), autant que la ligne claire et aiguë de Nelly Chadour, qui illustrent "La Solitude du Soleil le Vendredi soir" de Diane. Et l'on frissonnera face aux dessins glaçants de Xavier Deiber, qui illustrent "La condition inhumaine", nouvelle cruelle d'Arnaud Schilling, dit Maniak. Enfin, les illustrateurs ne s'interdisent pas une approche plus brute, apparemment primaire, par exemple avec le beau rhinocéros créé par Ana Minski qui ouvre "La parole du Rhinocéros".

Les nombreux illustrateurs et les écrivains qui ont contribué au recueil "Sales bêtes!" (je ne les ai pas tous cités - mes excuses, ce n'est que partie remise!) se distinguent par l'originalité de leurs regards et points de vue, que ce soit sur le monde d'aujourd'hui ou les mythes intemporels. Ce ne sont pas des donneurs de leçons, simplement des auteurs qui, en racontant des histoires d'aujourd'hui ou de toujours, font sourire le lecteur, le font réfléchir plus d'une fois, et le quittent sur l'impression d'une belle lecture. Et ils prennent naturellement congé en posant une question à méditer: en somme, des animaux ou de l'homme, qui est en définitive la "sale bête" éponyme?

Collectif, Sales bêtes!, Bruges (Gironde), Les éditions des artistes fous associés, 2013.

mardi 18 juillet 2017

Anne-Lise Rod, tensions entre la vie terrestre et la tentation de la spiritualité

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Quatre nouvelles, et plein de vies qui s'entrechoquent: c'est le programme du recueil "Eclats de vie" d'Anne-Lise Rod. De longues nouvelles, il faut ce qu'il faut: les existences savent parfois prendre leur temps. Ce que l'écrivaine valaisanne, qui a déjà publié de la poésie et des nouvelles, a bien compris. Et c'est avec aisance qu'on la lit.

En préambule, on pardonnera l'utilisation d'un titre des plus passe-partout: l'écrivaine Yvette Z'Graggen l'a utilisé avant elle - pour des textes courts, sans doute plus éclatés aussi, parus aux éditions de l'Aire en 2007. Cela, sans parler d'Yves Courrière (2003, Fayard) et de plus d'une demi-douzaine d'auteurs encore moins méconnus, si l'on se limite au titre exact...

Voyons donc ce que les "Eclats de vie" d'Anne-Lise Rod ont de particulier! A l'instar du titre du recueil, celui des nouvelles rassemblées paraît dépourvu de volonté réelle d'accrocher. Ce n'est qu'en se plongeant dans les textes proprement dits que le lecteur, enfin convaincu, se laisse aller au plaisir de la lecture. Un plaisir porté par une écriture sobre et lisse, qui évite soigneusement toute dramatisation excessive alors qu'il y aurait de quoi faire - ce que Pierre Yves Lador relève du reste dans une postface qui, si elle tombe parfois dans le travers de la paraphrase, a aussi l'immense mérite de pointer du doigt quelques détails et finesses du recueil. Des détails si discrets qu'ils passent presque inaperçus...

La force de ces nouvelles réside dans la tension qu'elles mettent toujours en scène entre le monde spirituel et le monde terrestre, séculier. Le spirituel peut être vu comme une tentation de fuite, telle que peut le voir le Joseph Kahn de la première nouvelle, "Le Pont de lumière", attiré par la théologie, ou Camille, réfugiée dans un monastère valaisan, dans "Les fils où se tissent l'aurore". Plus précisément, l'auteure choisit de mettre en avant certains aspects de la judéité, ce que suggère le choix des prénoms de ses personnages: on trouvera un Joseph, une Esther, un Daniel, un Yoram, etc., et ces noms, on le devine ou on le sait, ont une importance. Ce que rappelle, à l'occasion et si possible, la citation des mythes bibliques qui les sous-tendent.

Les monothéismes se frottent même, en Israël comme il se doit, dans la nouvelle "La lueur éphémère de l'ange": entre islam pratiqué, art chrétien et défense d'Israël, que de tensions, dites sans jamais que l'auteure ne se départisse de son style, serein, économe en points d'exclamations et en détours.

Dans "Eclats de vie", la spiritualité fait figure d'arrière-plan solide à des histoires profondément humaines, abordées en priorité par leur versant psychologique: comme les personnes, les âmes s'entrechoquent, et l'on croit aux jeux d'actions et de réactions mis en scène. Et ça sonne juste. Cela va jusqu'à la folie, avec le suicide de Judith, privée de son fils adoptif - parti en Egypte avec son père adoptif, un musulman compréhensif ("Jaillissement de l'ombre"). Et cela va aussi jusqu'à l'exhumation de secrets d'enfance, qui rejaillissent avec violence ("La lueur éphémère de l'ange"), une violence pertinente, même si sa mise en scène peut paraître relever d'un genre de convention.

Quatre nouvelles sur 250 pages, ce sont presque des novellas que nous avons là! L'auteure tient la distance, selon un style et un regard pertinents, sans éclats, comme si les faits devaient parler d'eux-mêmes à l'âme et au coeur du lecteur. Et si la spiritualité est omniprésente au fil des pages, c'est finalement un gypaète barbu, oiseau alpin mais aussi présent dans les coins du monde où sont nés les monothéismes actuels, qui assure un ultime rappel, tel un oiseau aux compétences surprenantes. D'où sort-il, d'ailleurs? Si elle lui donne le mot de la fin, l'auteure se garde bien de répondre à cette ultime question... même si c'est bien à la fenêtre d'un monastère qu'il fait sa première et surprenante apparition.

 Anne-Lise Rod, Eclats de vie, Vevey, Hélice Hélas, 2017. Postface de Pierre Yves Lador.


lundi 17 juillet 2017

Pierre Pachet: cinquante esquisses de ce qu'il n'y a pas à Paris

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Il n'est pas évident de recueillir en un livre des chroniques parues dans la presse. Ces bonnes feuilles vont-elles résister à l'épreuve du temps? Ne vont-elles pas se flétrir, se dessécher, en passant d'un support éphémère à un support pérenne? Avec "Loin de Paris", l'écrivain et et essayiste français Pierre Pachet (1937-2016) prouve que non. Paru en 2006, ce petit livre collecte des chroniques brèves parues dans "La Quinzaine littéraire" entre 2001 et 2005. Et ce n'est qu'au coeur de l'été 2017 que je les ai lues, avec bonheur. 


Cinquante chroniques, cinquante stations d'un voyage hors de Paris, même si la Ville Lumière reste présente dans les esprits: avec le préfacier Pierre Michon, il est permis de penser au Tokaïdo, ce chemin en 53 stations, entre Tokyo et Edo, que parcourent les lettrés japonais pour en capter sans cesse quelque chose de nouveau et y faire des rencontres. Sauf que pour Pierre Pachet, ce chemin se déroule dans le monde entier: en province française (la Creuse, entre autres), certes, mais aussi du côté de la Suisse (Vidy, Genève), de la Roumanie ou de la Moldavie (Chisinau), voire de l'Amérique. 

L'écriture est rapide, comme il se doit pour des textes destinés à la presse. L'auteur a l'art de saisir les choses simples de ses voyages et d'en tirer des esquisses réussies, sachant émouvoir en allant à l'essentiel. Il arrive même qu'elles trouvent une résonance dans la propre expérience du lecteur, ce qui les rend éminemment sympathiques. Ce sont des rencontres avec des étudiants qui sont ainsi relatées, ou des vols long-courriers. Ou alors des voyages en train, TER ou TGV: le lecteur est embarqué à bord par l'auteur, qui observe le paysage, discute avec ses voisins, écoute avec une indiscrétion amusée, et développe ainsi ses carnets de voyage.

Et puis, comme ces textes étaient destinés à un journal littéraire, nombreuses sont les références aux artistes et écrivains d'hier et d'aujourd'hui - ce qui, soit dit en passant, accentue encore le parallèle avec le Tokaïdo japonais. Les livres les plus actuels sont même cités avec la mention de leur éditeur. 

Au fil des pages, c'est un homme attachant qui se révèle. C'est sur l'image triste de la tombe de Soizic, l'épouse défunte du chroniqueur, que s'ouvre ce recueil, cependant, instillant une note plus sombre à un livre dont on apprécie la curiosité vive. Et de la France profonde jusqu'au vaste monde, entre souvenirs et choses vues, c'est une existence qui défile, entre sourire et gravité, vue à travers les fenêtres des trains ou des avions, ou simplement entre amis et connaissances autour d'une table ou à la découverte d'une ville.

Pierre Pachet, Loin de Paris, Paris, Denoël, 2006. Préface de Pierre Michon.

dimanche 16 juillet 2017

Dimanche poétique 310: Simon Goulart

Idée de Celsmoon.


Ô mal non mal qui doucement m'oppresses !

Ô mal non mal qui doucement m'oppresses !
Crainte asseuree, ô joyeuse douleur !
Rians souspirs, vermeillette paleur !
Coeur abatu, sans aucunes destresses ! 

Affections qui estes les maistresses,
Et qui servez à mon esprit vainqueur !
Raison rangee, ô bienheureux malheur
Qui m'abatant tout soudain me redresses ! 

Ô morte vie ! ô tresvivante mort,
Qui maintenant au craint-desiré port,
Ma vie en mort, ma mort en vie eschanges ! 

Pren, laisse-moy, revien plus me tirer,
De ce combat, qui me fait souspirer,
Tant que je soy fait compagnon des Anges.

Simon Goulart (1543-1628). Source: Poésie.webnet.

mercredi 12 juillet 2017

Penelope Lively, d'autres vies depuis la sienne

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Le site de l'éditeur.

Vivre une autre vie: et si l'on déclinait les "si" au fil d'un roman? C'est le projet littéraire qu'a mené à bien l'écrivaine anglaise Penelope Lively. Ce qui donne "Des vies multiples", roman traduit en français par Anne-Cécile Padoux et publié au Mercure de France en 2008.

Roman ou recueil de récits? La structure de l'ouvrage est pour le moins atypique. On pourrait croire qu'elle suit une chronologie, mais c'est assez lâche. Surtout, chacun des huit chapitre constitue une histoire complète aux ambiances diverses. Enfin, il y a un dialogue qui s'installe entre la "véritable" Penelope Lively, qui évoque pudiquement son existence, de façon parfois très personnelle voire intime, au début et parfois à la fin de chaque chapitre, d'une manière presque prosaïque, et les histoires proprement dites d'une vie imaginaire.

S'il faut relever un ordre, c'est peut-être le crescendo dans la dramaturgie, mais celui-ci n'est pas même régulier. En toute première partie, on goûtera ainsi le récit au ton discrètement dramatique d'amours perdues à peine nées, sur un navire militaire qui quitte l'Egypte pour se rendre au Cap avec des colons anglais. Puis un jour, ce sont des livres qui font bouger l'univers d'une vieille dame. Ou des rencontres embarrassées en famille.

Mais au fil de récits apparemment sans lien entre eux, le lecteur devine qu'il y a bien un fil rouge, captivant pour le coup: l'intérêt profond et sincère que l'auteure porte aux relations humaines, dans des situations parfois cruciales. Et celles-ci, si fantasmagoriques qu'elles puissent être (voir la relecture contemporaine hallucinée de l'Odyssée, constituant un dernier chapitre soudain éclatant!), trouvent toujours leur source dans le vécu de l'auteure. Si celle-ci se met en scène, elle ne se travestit pas.

Ce roman aux tonalités le plus souvent sereines est aussi l'occasion, pour l'écrivaine, de développer quelques considérations sur son rapport à la lecture et à l'écriture, notamment en se souvenant d'une enfance où elle a découvert le personnage de Pénélope dans l'Iliade. Une résonance présente dans tout le livre, et qui trouve aussi un écho dans l'évocation des champs de fouilles au chapitre intitulé "Le Temple de Mithra".

Il fait voyager aussi, enfin, dans le temps et dans le monde, entre l'Egypte (l'auteure est elle-même native du Caire), la Corée, et même le Royaume-Uni, de l'immédiat après-guerre jusqu'au seuil du vingt et unième siècle. Elle pose dès lors la question des gens qui changent lorsqu'ils ont été éloignés longtemps de leurs proches, et des retrouvailles entre des gens qui sont devenus des inconnus les uns pour les autres. D'autres vies que la sienne? Oui, et pourtant, c'est toujours à l'existence de l'auteure que l'on revient, avec le plaisir que peut procurer un roman en demi-teintes qui se lit avec aisance.

Penelope Lively, Des vies multiples, Paris, Mercure de France, 2008, traduction par Anne-Cécile Padoux.


lundi 10 juillet 2017

Rachel Vanier, des start-uppers à la chasse aux licornes

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Le site et le blog de l'auteure, celui de l'éditeur - merci pour l'envoi!

"Ecosystème", c'est tout un programme! Après l'excellent "Hôtel International", la romancière Rachel Vanier offre à ses lecteurs un nouveau projet de voyage, cependant d'une trempe très différente. Loin du Cambodge, "Ecosystème" oscille en effet entre Paris et San Francisco. Mais surtout, c'est d'une expédition dans le monde des start-up, relatée avec une précision hallucinante, qu'il s'agit. 

Ecosystème donc: un tel titre suggère immanquablement une dynamique d'interactions qui surviennent dans un monde clos; c'est ainsi, d'ailleurs, que l'auteure présente le microcosme des start-uppers, développeurs de produits tournant en vase clos, pas forcément intéressés aux clients qu'ils pourraient toucher: c'est un autre écosystème! Cela, à moins de pouvoir en tirer de l'argent, ou des choses plus chimériques: des "likes", des partages, des articles dans la presse numérique spécialisée. Ce que l'auteure donne à voir, en somme, c'est un biotope fait de pixels. Mais aussi un monde qu'animent des êtres humains...

Le lecteur suit ainsi Marianne et Lucas, un duo d'entrepreneurs que tout rapproche, contrairement aux apparences: l'auteure réussit avec eux l'alliance des contraires. On trouve ainsi une Marianne expressive et fantasque, qui mène sa barque en qualité de copropriétaire d'une start-up avec Lucas. A travers elle, en sus, le lecteur est sensibilisé au statut d'une femme dans un monde vu comme masculin, entre brimades et privilèges (en particulier par le biais du personnage de Charlotte, qui tempère une approche qui aurait pu paraître trop brutalement féministe). Marianne, c'est aussi la femme qui se comporte comme un mec dans un monde de mecs: elle masque ses sentiments, s'interdit de pleurer, refuse d'admettre ses faiblesses. 

Face à elle, Lucas joue le rôle du bonhomme introverti, qui ne trouve son bonheur que lorsqu'il pond des lignes de code. Et il se passe un truc formidable: alors que Marianne, tout au long du roman, est en proie aux doutes, Lucas gagne en confiance en lui, et va même jusqu'à trouver le moyen de séduire et de tomber amoureux. Une part féminine qui s'exprime chez le programmeur archétype du geek? Il est permis de voir les choses ainsi, et de noter que l'évolution des deux personnages qui mènent l'intrigue est diamétralement opposée. 

Et puis, la vision de San Francisco, entre désenchantement brutal ou subtil et émerveillement puéril, participe de ce grand écart entre ces deux personnages.

"Ecosystème", c'est aussi la question du sens de ce que l'on fait lorsqu'on est start-upper. Et là, la romancière s'avère suprêmement astucieuse... Le lecteur, en effet, ne sait jamais quel est vraiment le produit, l'application que Marianne et Lucas développent et commercialisent, avec le soutien aléatoire de coaches et de business angels. Il a ainsi l'impression, tout au long du roman, que ces deux personnages se démènent pour des chimères. En somme, ils courent après des licornes, au double sens du terme: une licorne est à la fois un animal mythique... et une grosse start-up autosuffisante qui, sans cotation en Bourse, a su rendre riche celui qui l'a lancée. Dans les deux cas, c'est un rêve... Du coup, le lecteur s'interroge: après quoi ces deux-là courent-ils? L'argent, la gloire, l'envie de changer le monde avec du vent? La réponse est loin d'être évidente. Et il est permis de penser que start-upper, finalement, ce n'est pas si différent des "métiers à la con" (bullshit jobs) évoqués par l'anthropologue anarchiste David Graeber.

Naturellement, un roman tel qu'"Ecosystème" ne saurait se concevoir sans un style particulier. L'auteure excelle à composer une musique adéquate. Celle-ci est rapide et nerveuse, et exploite jusqu'à la caricature le jargon de l'entreprise en général, et des start-up en particulier, avec ses anglicismes parsemés jusqu'aux limites de l'incantatoire, quitte à ce qu'on n'y comprenne plus rien par instants - mais les personnages qui les prononcent les comprennent-ils mieux? Cela peut paraître agaçant, soit parce que l'on ne supporte pas les anglicismes (dommage, en l'espèce!), soit - et c'est bien là qu'est le meilleur - parce qu'on est bien obligé de constater, avec un brin d'envie, que l'écrivaine, en osant exploiter à fond les ressorts du lexique des petites entreprises du Net, a parfaitement trouvé la bonne harmonie. Le génie en plus. 

Rachel Vanier, Ecosystème, Paris, Intervalles, 2017.

dimanche 9 juillet 2017

Dimanche poétique 309: Jules de Rességuier

Idée de Celsmoon.


La jeune fille

Dans la salle riante et de feux entourée,
S'élançant au milieu de la foule enivrée,
Vive, modeste et jeune entre ses jeunes soeurs,
Elle m'est apparue et la nuit et charmante!
Depuis à mon esprit vaguement se présente
Une fête, une femme, un sourire et des fleurs.

Oh! comme elle était blanche! oh! comme elle était belle!
Je regardais le bal; mais je ne voyais qu'elle,
Et de son corps léger les contours gracieux,
Ses mains qu'elle donnait en baissant ses beaux yeux.
J'écoutais des accords la bruyante harmonie,
Du charme de sa voix la douceur infinie;
Puis je cherchai longtemps ses attraits disparus...
Le bal continuait: la fête n'était plus.

Jules de Rességuier (1788-1862). Source: Poésie.webnet.

samedi 8 juillet 2017

Défi des Mille: Lili Galipette parle de "Ça"

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"Ça"? Ce fameux roman de Stephen King, vous savez, plein de clowns horribles qui terrorisent les enfants en les invitant à flotter. Lili Galipette vient d'en achever la lecture et de partager ses impressions... fortes! Je vous invite à découvrir son beau billet à ce sujet:


Stephen King, Ça

Merci pour cette participation au Défi des Mille! Et à qui le tour? Après tout, l'été est la saison des pavés...

vendredi 7 juillet 2017

Borisav Stankovic, une résurrection littéraire avec L'Âge d'Homme

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Qu'on s'en souvienne: lire "Gazda Mladen" (1927), c'est se plonger dans un classique de la littérature serbe du XXe siècle, en acceptant les lacunes inhérentes à un roman inachevé, livré sous forme de fragments. Borisav Stankovic (1876-1927), son auteur, a cependant légué assez d'éléments pour que le lecteur d'aujourd'hui entrevoie ce qui aurait pu être un vaste roman d'une richesse indéniable, relatant le destin d'un homme, le fameux Mladen éponyme. Les éditions L'Age d'Homme ont eu le bon sens de publier ce texte important, dans sa forme fragmentaire, et dans le respect de ce qui peut être la chronologie. Et Dejan M. Babic, traducteur soigneux, mérite la reconnaissance du lecteur.


Il y a déjà de quoi s'interroger face au caractère antithétique du titre de ce roman. Dans "Gazda Mladen", Gazda, c'est le mot serbe qui désigne le patron, le maître, élément d'autorité incontesté qui naît de l'ascendance ou de la fortune. Or, Mladen, certes un commerçant prospère, n'incarne guère le patron empreint de valeurs masculines tel qu'on peut l'imaginer. Certes chargé par les circonstances de mener la boutique dont il est responsable à Vranje (Serbie), il s'avère prisonnier du passé, plus précisément d'un lourd secret de famille, et des convenances: mine de rien, chacun s'observe. On peut aller plus loin: dans une société aux allures patriarcales, telle que dessinée dans "Gazda Mladen", le personnage de Mladen semble prisonnier des convenances et de son entourage, en particulier de Baba Stana, la grand-mère, montrée avec insistance comme un patriarche au féminin.

Baba Stana... voilà un personnage! Elle hante lourdement un premier chapitre qui met en évidence les rapports de force, dans un art poétique qui met en place un monde et quelques personnages: ceux qui trouveront place dans le roman.

Cela, dans un esprit qui, surtout au début, est empreint de lenteur. L'écrivain utilise l'imparfait, affectionne les descriptions, ce qui permet de donner l'impression d'un monde immuable pétri d'habitudes. Ce n'est qu'une fois que ce monde est décrit, comme un microcosme clos avec ses usages, qu'enfin, il est question de ce qui se passe, et qu'on entre dans une dynamique de temporalité - dès lors, l'auteur passe au passé simple. Il est cependant toujours question de thèmes de toujours: la mort, le fonctionnement du commerce, le mariage. Mladen, Jovanka et les autres, qu'en sera-t-il?

Et globalement, qu'en est-il de la société que l'écrivain dépeint? Il est permis de la dire patriarcale. Mais on peut relever que "Gazda Mladen" s'inscrit en faux avec un tel qualificatif: en définitive, c'est bien Baba Stana, la grand-mère, qui tient la boutique, rien que par la force de son caractère et sa connaissance d'une certaine façon de vivre. Une façon de vivre aux apparences sereines, mais dont l'auteur souligne les silences et les faux semblants: les gens ont toute leur place dans ce roman. Elément important, sous forme de secret de famille: une faute dans la vie d'un homme donne le pouvoir à la grand-mère de ce roman, et constitue un coup de poignard dans l'image de l'homme tout-puissant. C'est sans doute là que tout se passe... même si Mladen, sans éclat, héritier d'une fêlure trop lourde qui l'oblige à jouer les bons élèves, mène malgré tout sa barque.

Il convient enfin de replacer l'écrivain Borisav Stankovic dans son contexte littéraire, c'est-à-dire un monde serbe d'écriture moderne. Son approche, qu'on dit "Moderne" en serbe, passe par le refus de tout détour, la poésie naissant par d'autres biais tels que le ressassement: l'auteur ne se laisse pas distraire par ce qui n'est pas l'action ou la description, aux sens les plus stricts. Cela n'empêche pas, bien au contraire, une manière d'écrire très serrée et riche.

Il convient de considérer ce roman pour ce qu'il est: un roman inachevé, publié par éléments. Si le décor est planté avec exactitude et profondeur, les péripéties font donc figure de narrations lacunaires. Il n'en faut pas plus pour montrer que "Gazda Mladen" donne à voir ce qui pourrait être un chef-d'oeuvre: les fragments suggèrent une gradation, marquée par les événements historiques - relevant à la fois de l'histoire familiale (la mère de Baba Stana) ou d'une histoire universelle (guerre entre les Serbes et les Turcs, mal définie). Et petit à petit, puisque c'est l'histoire d'une vie, tout s'en va! Pour le lecteur, reste l'impression d'un roman qui observe les gens et excelle à observer les silences lourds de sens et les faux-semblants.

Borisav Stankovic, Gazda Mladen, Lausanne, L'Age d'Homme, 2000. Traduction de Dejan M. Babic.

mercredi 5 juillet 2017

Radio d'été des blogueurs: Lolobobo remet ça!

Oui! Cette année encore, le blogueur Lolobobo relance sa "Radio d'été des blogueurs". Beaucoup de plaisir pour ceux qui ont des oreilles de part de d'autre de leur casque audio: il y a plein de découvertes en perspective. 

Les règles du jeu se trouvent sur le billet que Lolobobo lui a consacré - c'est ici! Sans taguer quelqu'un en particulier, j'invite tous les blogueurs de bonne volonté qui passent par ici à jouer ce jeu fort sympathique. Et pour ma part, voici les musiques que je propose pour cet été:

1. "Ring Ring" d'Abba, repris en orchestre de chambre par les excellentes Ilves Sisters - l'Estonie tient la corde (de violon), à plus d'un titre! C'est pétillant, ça réveille et c'est bourré d'air frais. 


2. Spécial baignoire: "Chanteuse de salle de bain" par Dirty Ally (qui se lave, pour le coup!). On pourrait se dire que c'est un truc rigolo et sans prétention. Mais parfois, ça fait du bien. Et puis, il faut quand même dire qu'en matière de chanson rigolote, la chanteuse se baigne à fond. Comme quoi, la douche appartient à ceux qui chantent faux. Ou pas.


3. Un truc léger pour changer, une bluette en dialecte napolitain: "Meglio une canzone". C'est bien balancé, un peu chaloupé, agréable. Estival en somme! Le chanteur? Mariano Apicella. Le texte? Silvio Berlusconi. Oui, celui que nous connaissons tous. Comme quoi, quand il se donne de la peine, hein...! 



4. Rien que de la voix humaine, pas un seul instrument de musique pour ce coup-ci! Les Swingle Singers, ensemble vocal anglais de tradition, connu pour ses interprétations hallucinantes de Jean-Sébastien Bach, s'est lancé dans "Libertango" d'Astor Piazzolla. L'arrangement est à tomber, l'exécution est stupéfiante. Sans oublier le clip lui-même, qui vaut aussi le coup d'oeil. Epatant.


5. Et sur ce, je vous laisse avec les excellents choristes slovènes de Perpetuum Jazzile, qui font une reprise en choeur mixte pour le moins réjouissante de "Don't Stop Me Now" de Queen. Bonne humeur garantie! 


6. Ah, et j'allais oublier: de Queen, toujours, une reprise stupéfiante de "Bicycle Race" de Queen par les Anglais d'Imperial College Techtonics - du plaisir pour les yeux, du miel pour les oreilles. Spéciale dédicace aux amateurs du Tour de France, c'est de circonstance! 



Merci de m'avoir suivi jusqu'ici! Je vous souhaite un bel été, bien musical comme il se doit! 

Post-scriptum: j'ai encore de quoi faire - autant dire que j'attends l'édition 2018 de la radio d'été des blogueurs avec impatience! Merci à Lolobobo pour l'initiative.

mardi 4 juillet 2017

Rire avec les impôts... et Roland Devaud

CielImpots
Rire avec les impôts... euh, pas évident, n'est-ce pas? C'est pourtant ce que propose Roland Devaud, collaborateur au Service des contributions du canton de Fribourg de 1979 à 2016. Fraîchement retraité du canton de Fribourg, il a choisi d'ouvrir l'un de ses dossiers professionnels les plus secrets: celui libellé "Humour". Il en résulte une publication brève et amusante intitulée "Ciel mes impôts!", sous-titrée "Bêtisier du fisc (de la naissance à la mort)". Ce petit livre est le regard amusé d'un homme de l'intérieur, qui mêle pédagogie, humanité et sagacité, sur l'un de ces sujets sérieux qu'on n'adore pas.


Il y a pourtant de quoi s'amuser à certaines anecdotes relatées par l'auteur. Celui-ci a compris le jeu des réactions des personnes en faute face au fisc, et le raconte de façon amusée, comme un chat s'amuse de la souris qu'il va boulotter sous peu. Certains contribuables s'offusquent, d'autres jouent les poètes, et c'est délicieux. Cela dit, l'auteur, magnanime, consacre aussi un chapitre aux erreurs parfois gênantes du fisc: confusion dans les identités, appels à des personnes défuntes. Chacun son tour de gagner... ou de perdre.

Pédagogue, ai-je dit: plus d'une page de "Ciel mes impôts!" dévoile certaines finesses de la fiscalité fribourgeoise, en commençant par l'inégalité difficile à comprendre qui frappe deux personnes, l'une née le 31 décembre à 23h55 telle année, l'autre née le 1er janvier à 00h05 l'année suivante: pour dix minutes de différence, les déductions fiscales ne seront pas les mêmes pour les parents. De quoi faire penser à "Dans le labyrinthe fiscal", exposé du monde complexe de l'impôt en France, signé Robert Matthieu, et qui démontre l'existence d'un impôt sur l'ignorance! Plus succinct, l'ouvrage de Roland Devaud n'a pas vocation à décortiquer les impôts à la fribourgeoise, certes moins labyrinthiques... mais il en rappelle une ou deux choses bonnes à savoir pour ne pas déclarer trop. Tout en rappelant, et c'est du vécu, que le contribuable a toujours l'impression de trop payer au fisc...

Pédagogue toujours, l'auteur de "Ciel mes impôts!" a l'habileté de concevoir, pour illustrer ses exemples, deux personnages suffisamment proches pour être comparables, et suffisamment différents pour mettre en évidence deux situations fiscales bien distinctes, tout au long d'une vie... et au-delà. J'ai évoqué la date de naissance; il sera aussi question du métier, des études, des déductions de frais à la charge des parents, et même de ce qui peut être dû au-delà de la mort. On aurait même pu aller plus loin dans l'exploration des différentes situations de vie vues par le service des contributions! Et pour faire bon poids, l'auteur propose un quiz en seize questions à ses lecteurs, contribuables fribourgeois. Quelques surprises les attendent...

Réciproquement, l'auteur lève aussi un coin du voile sur la manière dont le fisc observe et contrôle les contribuables, et surtout la plausibilité de leurs déclarations annuelles. Ainsi, un fonctionnaire du fisc qui lit le journal est loin d'être désoeuvré: sans doute est-il en train d'éplucher les petites annonces pour débusquer un cas de travail caché. Et pour commencer et finir son livre sur un sourire, en employé d'un canton qui a quand même une tradition catholique, l'auteur, qui utilise le terme de "sacerdoce" pour désigner sa carrière au service cantonal des contributions, rappelle le point commun entre Dieu et les impôts: tous deux sont éternels.

Roland Devaud, Ciel mes impôts!, Fribourg, Faim de Siècle, 2017.