vendredi 29 décembre 2017

Troublantes atmosphères, de la plage au tribunal

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Sylvie Granotier – Vous allez l'aimer... ou pas. Dans "Personne n'en saura rien", en effet, le méchant, Jean Chardin, pourrait presque paraître sympathique au lecteur. L'écrivaine Sylvie Granotier construit autour de lui un roman à suspens précis et captivant qui se joue pour l'essentiel dans un tribunal.

Sympa, le gars, en effet, dirait-on: l'écrivaine construit avec Jean Chardin un personnage d'homme gros, pas forcément gâté par la nature, mais qui se montre serviable, habile de ses mains, toujours prêt à couler une dalle dans les nouvelles maisons de ses amis et parents. Cette serviabilité fait écho à la volonté de coopération et à l'envie de s'en sortir, de se soigner, qu'il affiche face à ses juges. C'est qu'il a un gros problème dans la vie: il aime un peu trop les adolescentes. Justement, l'une d'entre elles a porté plainte...

"Personne n'en saura rien" est structuré par l'audience que subit Jean Chardin, une audience relatée avec un souci d'observation constant: rien n'échappe à l'écrivaine, pas le moindre geste, pas la moindre inflexion des voix des personnes présentes au tribunal. Exacte comme une partie d'échecs, la narration concourt avec succès à la recréation de l'ambiance particulière, confinée, des procès.

En contrepoint, l'auteure campe le monde extérieur, celui où évolue le personnage de Jean Chardin. Là aussi, son art précis fait merveille pour décrire l'ambiance familiale qui prévaut chez les Chardin: Jean, fils d'un couple de bouchers qui a connu des revers de fortune, connaît une existence dépourvue d'intimité, marquée qui plus est par la difficulté de se trouver une compagne. Tout cela est ambivalent: certes, la promiscuité imposée par une vie à quatre (Jean a une sœur) dans un tout petit appartement est malsaine, mais l'auteure ne manque jamais une occasion de mettre en avant le caractère uni, pour ainsi dire sympathique, de la famille Chardin.

Et puis il y a la vie propre de Jean Chardin, avec ses vacances à la mer et ses rapports violents avec les adolescentes, naissant d'impulsions sexuelles et répondant toujours au même schéma. Dès les premières pages du roman, l'écrivaine s'attache à créer des ambiances ambiguës qui rendent le lecteur voyeur, en quelque sorte complice malgré lui de Jean Chardin, pour peu qu'il soit sensible à certaines descriptions physiques des jeunes filles, à l'instar de Mélusine, allant à vélo la jupe retroussée: sensualité trouble à la David Hamilton...

Suspens de bonne facture à l'écriture vigoureuse, "Personne n'en saura rien" est aussi un excellent roman d'atmosphères, tendues bien comme il faut. Il joue tantôt la finesse, tantôt le bon gros retournement de situation pour captiver son lectorat autour d'un prévenu trop aimable pour être honnête. Un prévenu, aussi, auquel on pourrait bien s'attacher: trop bon trop con, certes, mais en définitive, n'est-ce pas un monstre?

Sylvie Granotier, Personne n'en saura rien, Paris, Albin Michel, 2014.



2 commentaires:

  1. Le personnage et surtout ce pourquoi il est accusé me rebute un peu mais le traitement de l'histoire et le fait qu'on arrive à rendre ce personnage m'intriguent. Et puis si c'est bien ficelé, avec du bon suspens et tout, ça pourrait me plaire. A voir au détour d'une bib'.
    Bonnes fêtes de fin d'année !

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    1. J'ai vu d'autres lecteurs/trices qui ont effectivement été gênés par cela: c'est un polar qui assume son droit de déranger. Mais en effet: c'est bien ficelé, et vraiment taillé au cordeau; donc à essayer!
      Merci pour tes voeux! A mon tour, je te souhaite un bon bout d'an et plein de bonnes choses pour 2018.

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