Laurence Voïta – L'enquête relatée par "Personne ne sait que tu es là" est double. Dans ce nouveau roman policier, en effet, l'écrivaine Laurence Voïta fait revenir Bruno Schneider et Sophie Costa, déjà présents dans son précédent opus "... au point 1230" pour une nouvelle intrigue aux entrelacs habiles.
Le policier Bruno Schneider est à présent à la retraite. C'est donc une enquête personnelle qui va le mobiliser, autour d'une série de photos anciennes retrouvées dans une valise bourrée de chagrins. Qui sont les gens qui y figurent? Comment se retrouvent-ils dans le galetas de la maison de Bruno, que son épouse a sommé de faire un peu de rangement? L'histoire va l'amener entre autres du côté de Spiez, et s'avérer profondément révélatrice, bouleversante même, pour l'ancien agent.
Cette enquête personnelle fait écho à une enquête parfaitement publique, celle déclenchée dès le moment où l'on retrouve un homme mort sur un banc. Là, c'est Sophie Costa, ancienne collègue de Bruno Schneider, qui recherche la vérité. Une vérité qui, curieusement, rappelle de vieux souvenirs de policier à Bruno – un agent qui fonctionne à l'intuition, à l'ancienne. Si cela affaiblit quelque peu l'intrigue, qui paraît devoir une part de son progrès à la chance plutôt qu'aux cellules grises, elle permet à Bruno Schneider de gagner en épaisseur humaine.
Bruno Schneider, en effet, c'est un bonhomme attachant, qui passe le plus clair de son temps autour d'une maquette de chemin de fer logée dans sa demeure. Le lecteur appréciera la manière dont la romancière dessine, sensible, la relation de complicité qui le lie à sa petite-fille, Julie. Une relation qui permet aussi d'ouvrir des portes dans les enquêtes entrecroisées dans "Personne ne sait que tu es là".
Ce roman est aussi imprégné de quelques questionnements sociaux, entre autres historiques. Des alliances faisant partie des indices, le lecteur découvre l'évolution historique de ce bijou, aujourd'hui apanage des mariés de tous genres. Mais l'intrigue va aussi amener à relire une page sombre de l'histoire suisse, celle de l'enfance placée et vendue – un thème que la poétesse Danielle Risse a d'ailleurs abordé il y a quelques années dans son recueil "Enfance volée", à l'heure des demandes de réparations par les personnes concernées.
Enfin, "Personne ne sait que tu es là" accorde beaucoup de soin à la relation des liens qui se tissent entre les personnages, des personnages au caractère bien campé, tantôt détestables, tantôt délibérément lisses, tantôt franchement aimables. Ainsi, ce roman ne nourrit de la fluidité des interactions entre chacune et chacun, pour un résultat des plus délicats.
Laurence Voïta, Personne ne sait que tu es là, Territet, Romann, 2022.
Le site des éditions Romann.
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