Daniel Bovigny – Remarqué pour son premier roman "Crìme double en Gruyère", Daniel Bovigny vient de publier un recueil de nouvelles intitulé "Bonsoir, chéri!". Cet ouvrage réunit une douzaine de textes parus naguère çà et là, dans les circonstances les plus diverses. Qu'il connaisse ou non la plume de Daniel Bovigny, le lecteur aura donc un plaisir non feint à les (re)trouver groupées en un seul opus.
Le titre constitue ainsi la chute de "Nu-Toni", nouvelle qui ouvre le recueil. Celle-ci a paru dans "Fribourg la Secrète", brassée de textes réunie par la Société fribourgeoise des écrivains en 2007 à la suite d'un concours. C'est une chute qui donne le ton: retravaillées pour les besoins de la cause, les nouvelles du recueil qui vient de paraître utilisent cette tournure à la fois affectueuse et convenue.
On pourrait bien sûr se dire que c'est un procédé un peu répétitif, voire attendu, et les apparences donnent raison à ce reproche. Mais voilà: dans chaque texte, l'expression "Bonsoir, chéri!" résonne différemment, en mille nuances, et c'est en définitive une riche astuce.
Elle peut ainsi être chargée d'une affection sincère (dans "Hêtre ou ne pas hêtre", où un hêtre père et un hêtre fils se retrouvent, ou dans "Les yeux noisette", sous sa forme suisse alémanique), du piquant vengeur d'une femme qui trompe le mari trompeur (dans "Nu-Toni", mais aussi dans "Toni, truand", qui conclut le recueil de manière cyclique en reprenant certains des personnages et l'ambiance curieusement dénudée de la nouvelle d'ouverture).
Dans leurs titres mais pas seulement, les nouvelles de "Bonsoir, chéri!" révèlent un écrivain qui aime jouer avec les mots, dans un souci d'humour et de mise en évidence de sens inattendus au fil des mots. Le lecteur se surprend ainsi à sourire d'un rapprochement surprenant ou d'un jeu de mots si évident qu'il n'y a jamais pensé.
Plus largement, l'humour de l'ouvrage emprunte aux situations inattendues ("Pince-Monseigneur", où un cambrioleur s'attaque à une championne sportive romontoise retraitée mais encore en forme) voire absurdes – on pense à "Cuistres de grenouille", qui imagine le Léman vidé comme une vulgaire baignoire, ou à "Mystères au Musée gruérien", adaptation d'un délire à plusieurs mains imaginé lors d'un Salon du livre romand – j'en étais, de même que, si ma mémoire est bonne et si je n'oublie personne, Marie Brulhart, Claude Maier et Patrick Quartenoud.
Enfin, à l'exception de deux nouvelles en particulier ("La Princesse des couleurs", nouvelle merveilleuse adaptée d'un spectacle pour enfants, et "Un ours blanc, ça Trump énormément", où Donald Trump part à la chasse à l'ours chez les Inuits), les textes recueillis dans "Bonsoir, chéri!" se déroulent dans un contexte de terroir typiquement fribourgeois. L'auteur en revisite l'imaginaire à sa manière, amusée et empreinte de tendresse, et le lecteur se retrouve ainsi avec lui au rituel cortège de Saint-Nicolas à Fribourg ("Myre") ou aux abords d'établissements médico-sociaux où il s'en passe des belles ("Monsieur Tournedisque", "L'énigme du chanvre 226").
Constitué de plusieurs pièces réunies en un puzzle cohérent, "Bonsoir, chéri!" est donc un petit régal qui offre à la fois le délice des lieux et celui des mots. Et celui des souvenirs, pour ceux qui côtoient l'écrivain Daniel Bovigny depuis quelque temps et apprécient sa plume alerte et joyeuse.
Daniel Bovigny, Bonsoir, chéri!, Cossonay-Ville, Editions de la Maison Rose, 2022.
Le site des éditions de la Maison Rose.
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