Etienne de Montety – Primé par l'Académie française en 2020, signé Etienne de Montety, "La grande épreuve" est un roman qui s'inspire librement de l'attentat islamiste survenu en été 2016 à Saint-Etienne-du-Rouvray, coûtant la vie à l'abbé Jacques Hamel.
Suivant la trame de ce drame, l'écrivain suit un à un ses cinq principaux personnages. Cela, dans une volonté de demander comment on en est arrivé là, mais aussi d'étudier minutieusement, dans l'action comme dans la pensée, les différents visages que prend l'engagement. Plus que la relation d'un fait divers des plus tragiques, "La grande épreuve" s'avère donc une magistrale exploration des méandres de l'âme humaine.
Le lecteur est ainsi amené à suivre entre autres David alias Daoud, enfant adopté par une famille intégrée aux activités paroissiales catholiques de la ville imaginaire de Brandes. Celui-ci sera cependant renvoyé à ses origines "arabes" par certaines personnes de son entourage, soit pour le rejeter, soit au contraire pour l'enrôler. Dès lors débute une construction de soi faite d'opposition aux parents, normale à l'adolescence, et de radicalisation inexorable, sur fond de fierté d'appartenance atavique à l'islam.
L'engagement catholique réserve quelques belles pages, à travers le personnage du prêtre bien entendu, ancien de la guerre d'Algérie, enseignant revenu converti et bientôt ordonné. Le lecteur découvre que sa foi n'est pas toujours sans mélange, qu'elle est indissociable du doute, et que la prêtrise n'exclut pas les attirances physiques. Avec le personnage de Petite Sœur Agnès, l'auteur relate une autre manière de vivre sa foi, dans un engagement à la fois régulier et bien ancré dans le monde – qui inclut, après les voyages, le service rendu à la société, au travers de la prise en charge d'enfants. "Le Seigneur est plus proche de moi. Il est posé sur mon sein!", sourit ainsi cette femme consacrée.
Il ne sera cependant pas question que de rapport à la religion dans "La grande épreuve", même si ce thème est très présent, à telle enseigne que même des personnages sans pratique religieuse s'en trouvent indirectement touchés. On pense à François Nguyen, le policier qui monte la hiérarchie à la force du poignet et s'investit à fond. Chez lui, dès lors, c'est l'engagement professionnel qui fait office de vocation. Un engagement certes soufflé par sa compagne Audrey – souvent, en effet, c'est l'entourage de chacune et de chacun qui va déterminer son destin. Religion ou profession, la liberté est-elle dès lors vraie, ou n'est-elle qu'apparente et conditionnée en sous-main?
Qu'il soit sous-tendu par des ressorts grossiers ou nourri de noblesse, voire de sublime, l'engagement est ainsi le thème qui traverse "La grande épreuve". Voilà un roman riche, aux personnages magnifiques, que l'auteur observe, sans les juger (c'est de là qu'il tire sa force), lorsqu'ils évoluent dans la voie qui est la leur: celle de leur vie. Cela, dans le décor d'une France qu'on pourrait croire immuable si l'on en croit les premières pages, mais qui se transforme inexorablement, ce que l'auteur souligne en brisant peu à peu cette image initiale de carte postale.
Etienne de Montety, La grande épreuve, Paris, Stock, 2020.
Lu par Bib'Bazar, Céline, Christophe Delaigue, Culturons-nous, Delphine-Olympe, Francis Richard, Frère Guy Musy, Madimado, Panorama de lectures, Simone Marcellesi, Vincent Giraud.
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