mercredi 29 novembre 2023

Robots, avez-vous une âme? Avez-vous un genre?...

Collectif – C'est un rituel de l'automne dans le domaine de la science-fiction: chaque année, le concours du "Prix de l'Ailleurs" décerne ses distinctions. Les textes primés et remarqués trouvent dès lors place dans un beau recueil, édité par les éditions Hélice Hélas. Cette année ne fait pas exception à la règle. Et le recueil s'intitule "Robotisée". Dans l'attente impatiente du prochain opus, d'ores et déjà annoncé (le thème sera "Entités", avis aux amateurs!), la découverte de celui-ci s'avère riche en réflexions autant qu'en plaisirs littéraires. Quant aux textes, le lecteur en apprécie comme toujours la diversité, avec des ambiances tantôt poétiques, tantôt froidement réalistes.

On l'a compris, il sera question de robots dans les dix nouvelles de l'ouvrage. On les imagine facilement humanoïdes, parfois animaux, avec tout l'imaginaire que ces données font naître. On les voit aussi, ces robots, comme des personnages qui rendent poreuses les limites entre la technologie et la biologie. A force d'apprendre seuls à l'aide de l'intelligence artificielle et de vivre avec les humains, les robots pourraient-ils dès lors finir par avoir une âme?

En tout cas, et le thème le suggère très fortement, ils peuvent avoir un genre, éventuellement avec la sensibilité et le comportement correspondants. Sans compter une capacité à apprendre, donc à sortir du rôle que l'humain leur a assigné – on pense ici au robot geisha de "Club de lecture" de Thalie Ré.

On sourit à l'idée que les deux nouvelles primées mettent en scène des robots chats: on peut y voir une envie de flatter ces lecteurs et lectrices fidèles à leurs chers greffiers, et Dieu sait que les lecteurs à chat sont nombreux. Certes, le chat est secondaire dans "Mademoiselle" de Magali Bossi, une nouvelle qui place en son centre des interactions entre humains et robots si proches qu'on pourrait les confondre, dans un monde où l'artifice technologique règne. Quant à la nouvelle "Pitchounette" de Gauthier Nabavian, c'est le chat robot lui-même qui en est le narrateur. Un narrateur introspectif qui interroge le lecteur sur le regard qu'il porte aux animaux domestiques. 

"Robotisée" a enfin l'ambition, pleinement atteinte, d'interroger le lecteur sur ce qu'il imagine lorsqu'il pense à un robot. Sera-t-il un simple serviteur, voire un esclave sexuel, ou un individu supérieur qui fera peur ou remplacera l'humain? Ces questions traversent les textes du recueil. Quant au thème, orienté par sa rédaction au féminin, il impose une approche plus large qu'un regard bêtement neutre ou androcentré. 

Les deux textes d'éclairage critique qui concluent le recueil le confirment. On peut certes regretter le propos militant et parfois jugeant de "Les robots aussi, c'est une histoire de genre", réflexion féministe de Stéphanie Nicot. En revanche, le propos de Jean-Claude Heudin sur "Galatée, mère des créatures artificielles", dépassionné, touche juste sans masquer les zones obscures d'un mythe qui, s'il peut être vu comme réducteur pour la femme, s'avère quand même fondateur. Dès lors, question: en rêvant d'une sculpture qui s'animerait et le servirait (voire le dominerait, le mythe ne le dit pas, après tout!), le sculpteur Pygmalion a-t-il ouvert la voie à la cybernétique et à une certaine vision des robots d'aujourd'hui?

Collectif, Prix de l'Ailleurs 2023 "Robotisée", Vevey, Hélice Hélas, 2023. Avec les participations de Tristan Piguet, Jean-Claude Heudin, Stéphanie Nicot, Dario Floreano et des dix auteurs des textes lauréats ou remarqués.

Le site des éditions Hélice Hélas, celui du Prix de l'Ailleurs.

mardi 28 novembre 2023

"Giordano": la raison pour interroger Dieu et façonner la science

Denis Lavalou – Du théâtre pour une biographie? C'est le défi qu'a relevé le dramaturge Denis Lavalou, Français vivant à Montréal (Québec) pour éclairer la figure du personnage historique de Giordano Bruno (1548-1600). Il en résulte une pièce minimaliste, mettant pour l'essentiel en scène Giordano Bruno jeune ou vieux, sur le bûcher qui scelle son destin. Intitulée "Giordano" d'une manière sobre et familière, créée le 1er novembre 2023 au théâtre Oriental-Vevey, la pièce est actuellement jouée en Suisse romande, en particulier à Villars-sur-Glâne (salle Nuithonie) demain et après-demain. 

Oui, ce titre sous la forme d'un seul prénom force la familiarité avec un personnage dont le nom dit peut-être quelque chose aux uns et aux autres, mais dont l'apport historique, scientifique et religieux a sans doute été oublié. Il suffit cependant de vingt-cinq séquences pour que, aux yeux du public du spectacle comme à ceux du lecteur du script de la pièce, le personnage apparaisse soudain familier.

De Giordano Bruno, à la fois catholique et humaniste avide de raison autant que de foi authentique, le dramaturge renvoie l'image d'un personnage constamment le cul entre deux chaises, contesté à la fois par la Rome papiste, au gré des pontifes et de leurs sensibilités, et d'une Réforme qui, à l'instar d'un certain Jean Calvin, apparaît peu ouverte aux débats qui pourraient ébranler certaines certitudes. Michel Servet, incidemment cité, en sait quelque chose! Cela ne manque pas de paraître paradoxal dans le contexte bouillonnant d'idées des temps de la Réforme. Quant aux universités, elles ne se montrent pas non plus forcément accueillantes à ses thèses.

Le Giordano Bruno dépeint par Denis Lavalou apparaît dès lors comme un personnage en constante errance, que ce soit à travers l'Europe (Italie, France, Suisse, mais aussi Allemagne, voire plus loin) ou à travers le monde des idées. Cette errance, l'auteur en souligne le caractère dramatique par la recréation de controverses. C'est qu'en matière de sciences également, Giordano Bruno est présenté comme un pionnier, refusant que Dieu ou les autorités d'antan (par exemple Aristote, ou la théorie des sphères qui a longtemps expliqué la place de la Terre dans l'Univers) se mêlent à ce qui relève de la seule raison. L'auteur l'inscrit ainsi dans le sillage des Kepler et des Copernic.

"Giordano" est construit en de longs monologues qui constituent un défi pour les deux acteurs qui s'y attellent (Denis Lavalou pour Giordano au bûcher pour hérésie, Cédric Dorien pour Giordano jeune), et qui devront même prêter leurs voix à d'autres personnages incidents, tels que Kepler ou Elisabeth I d'Angleterre. Ces personnages incidents créent une rupture de rythme sans doute bienvenue dans un texte rédigé en prose qui demande de vrais talents de conteur. Dans le même esprit, et même si les alexandrins n'y sont pas toujours parfaits, la rupture rythmique créée par le sonnet placé au numéro 10 est bienvenue aussi. Il est permis de regretter qu'elle ait été écartée du spectacle joué, comme l'indiquent les crochets qui signalent cette coupure.

La pièce que Denis Lavalou a consacrée à Giordano Bruno offre ainsi à toute personne qui apprécie le théâtre l'occasion de découvrir, de manière synthétique, un personnage qui s'avère fascinant en définitive, tant par sa vie que par la modernité subversive, pour son temps (fin du seizième siècle) de ses idées. Et le fait qu'il faille deux personnes pour tenir le rôle indique aussi la tension du personnage créé par le dramaturge entre deux univers: celui de la réflexion révoltée, avide de joutes oratoires, et celui de la fin tragique, soumise au pouvoir des hommes prétendant juger au nom d'un Dieu dont les contours même sont interrogés.

Denis Lavalou, Giordano, Lausanne, BSN Press, 2023.

Le site des éditions BSN Press.

Les prochaines représentations de "Giordano" sont données à l'Espace Nuithonie à Villars-sur-Glâne (Fribourg, Suisse), les mercredi 29 et jeudi 30 novembre à 19h00. Durée: 1h25.

lundi 27 novembre 2023

Make America Slim Again!

Lana Calzolari – Elle est à la fois sexy et repoussante, la personne étique aux couleurs états-uniennes représentée sur la couverture de "American Megalo", dernier roman de l'écrivaine genevoise Lana Scalzolari. On y reconnaît la femme sans âge située au cœur de l'intrigue: Katherine, une promotrice immobilière richissime et sans scrupules, trumpiste à fond, désireuse de devenir la mairesse de sa bonne et calme ville de Feodora et de faire maigrir l'Amérique. Mais tout ne va pas se passer comme prévu au fil de ce roman dodu (599 pages, sans temps mort!), drôle et rosse. Choix judicieux de la romancière: c'est dans la famille de Katherine que se trouve le grain de sable qui va tout faire dérailler, en la personne de sa belle-fille Leonie, persuadée que Katherine a tué sa mère.

L'ambiance est donc à la vengeance, selon un schéma bien huilé: Leonie se retrouve séquestrée avec son père dans le manoir de Katherine, puis décide de faire son beurre de cette situation a priori peu sympathique. Le manoir lui-même subvertit la notion de locus amoenus, typique de certains romans: il est aménagé en souterrain, il est difficile d'y échapper sans complicités et la surveillance, omniprésente, a de quoi faire penser aux flicages généralisés dont certains décideurs politiques de notre monde rêvent aujourd'hui. Souterrain, enfin, ce manoir est invisible depuis la surface terrestre, ce qui constitue la source de quelques gags récurrents.

Magnifique personnage que Leonie, d'ailleurs, jeune femme charismatique qui n'a pas froid aux yeux et laisse libre cours à sa fibre artistique en créant des toiles horribles que certains adorent, à commencer par le maire sortant de Feodora. Oui: il lui faudra quelques alliés pour avancer dans son projet de revanche, et elle les trouvera sur le terrain, avec quelques collaborateurs de Katherine. L'écrivaine réussit à leur donner une vraie personnalité, quitte à jouer les paradoxes et les stéréotypes familiers: nous aurons ainsi affaire à un responsable de la sécurité un peu trop gentil, à un majordome au flegme classique, à un directeur de la communication à l'apparence impeccable et à quelques mafieux pas doués. Les sentiments vont s'en mêler...

L'auteure confère, et c'est une force dans un roman qui se déroule dans un pays qui aime à se présenter comme celui de tous les possibles, un supplément d'intérêt à cette histoire de revanche familiale en donnant à voir l'impact que Leonie aura sur ses alliés: en ne montrant aucune crainte, elle les incite à se prendre en main à leur tour, à s'émanciper – on voudrait même dire "s'empouvoirer", afin de reprendre leur vie en main: tous ont leur zone d'ombre et Katherine, pleine aux as et manipulatrice on le sait, sait en jouer pour les fidéliser à leurs postes. Troublante voire fascinante aux yeux des hommes qui l'entourent (et l'auteure recrée parfaitement ces sentiments masculins mêlés, sans adopter une position jugeante), Leonie elle-même est saisie par l'auteure à cet âge où l'on peut grandir et mûrir beaucoup, à la sortie de l'adolescence. Et c'est aussi captivant de la voir évoluer et diriger ses troupes au fil d'intrigues malicieusement menées qui finiront par miner la superbe de Katherine.

Un tel roman ne saurait passer, bien sûr, à côté de thématiques aussi actuelles que l'obésité des Américains, volontiers caricaturée – une caricature qui sert d'introduction à quelques questionnements de bon sens sur le rapport des uns et des autres à la nourriture, entre craquages monstrueux (certaines descriptions de bouffe dégoulinent de gras et de sucres, l'auteure ne ménage pas ses effets!) et régimes alimentaires déprimants à force d'être sévères. On peut même imaginer que ses fluctuations de poids pourraient trahir une Leonie qui a choisi de jouer double jeu, baladée d'une situation à l'autre, entre autres au gré d'un enlèvement à la fois réussi et foireux (oui, c'est possible!). 

Chaque personnage aura évolué au terme d'"American Megalo", un roman qui rappelle que si en Amérique, tout est un peu plus grand (et gros, et cela ne concerne pas seulement les personnages: certains virages de l'intrigue sont énormes aussi, et ça roule quand même!), cela ne va pas sans quelques inconvénients que le lecteur découvre avec délices au fil de pages où l'auteure manie habilement l'outrance. On rit jaune, on rit noir, on se délecte. Et en lisant la dernière phrase du roman, on se demande si tout ce petit monde ne pourrait pas repartir pour un tour...

Lana Calzolari, American Megalo, Genève, Good Heidi Production, 2022. Illustration de couverture par Cédric Marendaz.

Le site de Good Heidi Production.


dimanche 26 novembre 2023

Dimanche poétique 616: Joannie Blais

Faculté d'oublier

Plus il y a de grains tombant dans le sablier
Plus le son s’amplifie dans mes tympans
Réveillant peu à peu l’image de tes bras ouverts à d’autre
Désireuse de s’y réfugier
Et toi se laissant convaincre avec le temps
Oui, ma tête t’a pardonné
Mon cœur, lui, essaye encore d’y arriver
Cette confiance, je la cherche au plus profond de moi
Souhaitant son retour, elle nous a une fois de plus abandonn
J’ai peur autant que je puisse t’aimer
Imagine à quel point je peux être terrifié
Ses efforts m’épuisent mais n’y change rien
Je voudrais m’accrocher à cette vérité
Qui sonne encore faux
D’être l’unique, la seule que tu puisses aimer
J’attends le sommeil
Pourvu qu’il ne tarde à arriver
Crois-moi, cette méfiance s’installe bien malgré moi
Malgré toute volonté
Je ne suis pas de celle qui ont cette faculté d’oublier

Joannie Blais. Source: Bonjour Poésie.

vendredi 24 novembre 2023

Un serial killer au dix-septième siècle

Henri Gautschi – Il y a un serial killer à Genève... en 1604! Le tout dernier roman d'Henri Gautschi, "Crimes pour une croix", reconstitue le petit monde de ses deux premiers ouvrages pour composer une énigme policière historique bien ancrée dans cette époque qui suit de tout près l'épisode de l'Escalade. Une époque où les erreurs judiciaires peuvent s'avérer fatales, littéralement...

Voyons: des jeunes filles sont retrouvées mortes en des circonstances diverses et variées, mais violentes toujours, ayant trait au divertissement – on pense aux bals –, mal vu du côté de la Genève calviniste, mais toujours apprécié chez les catholiques qui ne sont pas si loin. Le modus operandi suggère qu'il n'y a qu'un seul coupable: à chaque fois, les victimes sont dépossédées d'une croix qu'elles portent en pendentif. Peu de valeur, mais c'est porteur de sens: y a-t-il simplement vol, ou est-ce autre chose?

Familier de cette époque, l'auteur en recrée les mentalités avec justesse. Tel personnage se révélera ainsi inquiet d'être soumis à la "Question" après avoir été soupçonné, ce qui vaut presque accusation voire jugement. Ce jeune homme, employé dans une maison honorable, pourra-t-il encore vivre son idylle avec une jeune fille du cru? 

Quant aux méthodes d'enquête utilisées par une police encore assez peu organisée, elles sont marquées par la torture, et "Crimes pour une croix" donne une scène particulièrement réaliste et marquante d'estrapade, appliquée à un jeune gars qui n'a pas la lumière à tous les étages. Un coupable commode, mais les crimes se poursuivront après son exécution... Il faudra deux ou trois indices supplémentaires, bien concrets, pour confondre l'assassin et suggérer, en sous-main, que la torture n'aboutit qu'à des drames.

Les personnages mis en scène par l'auteur sont tantôt attachants, tantôt détestables, ce qui lui permet de balader le lecteur d'un soupçon à l'autre: tel serviteur italien lubrique ne ferait-il pas un coupable parfait? Et cet ecclésiastique trop propre sur lui, auprès duquel on va à confesse même quand on est protestant, qui est-il vraiment? Quant à la faiblesse d'esprit, ne ferait-elle pas un prétexte parfait pour tuer dans un instant d'égarement décrété intolérable? 

Mené au rythme pian-pian mais décidé des marches à pied ou à cheval entre les villages de la campagne genevoise, "Crimes pour une croix" est un roman historique bien ficelé, structuré en chapitres plutôt courts et agréablement illustrés par l'auteur, qui donne à voir une fois de plus les us et coutumes d'une société ancienne, marquée par les clivages religieux entre catholiques et adeptes de la Réforme. Des clivages parfois plus insurmontables qu'il n'y peut paraître aujourd'hui, et certaines péripéties de ce livre sont là pour le rappeler.

Henri Gautschi, Crimes pour une croix, Genève, Encre Fraîche, 2023.

Le site des éditions Encre Fraîche.

Les deux premiers romans d'Henri Gautschi, dans le même univers:

- La nuit la plus longue.

- Clothilde, Au temps de la Saint-Barthélemy.


jeudi 23 novembre 2023

Voyage au bout de la ligne 27

Emmanuel Pinget – Deuxième ouvrage publié d'Emmanuel Pinget, "Avant de geler" est pour le moins déconcertant, avec ses deux parties sans rapport apparent entre elles. Si bref et amusant qu'il soit, ce court ouvrage ne manque pas de surprendre aussi.

Tout commence par l'histoire d'Albert, le narrateur, qui trouve son propre roman en vitrine dans une librairie, alors qu'il ne l'a jamais publié. Pire: quelqu'un a usurpé son identité! Cela débouche sur une quête hallucinée où la vérité n'est jamais certaine, où tout change de page en page, où règne l'absurde. Déjà, la librairie "Lionel Solutions", au bout de la ligne de bus 27, existe-t-elle vraiment?

Réciproquement, certaines choses sont stables, par exemple le prix de certains objets et services, invariablement fixé à huit euros, suscitant l'étonnement du lecteur, à géométrie variable pour le coup, en fonction de ce qui est acheté pour ce prix. Enfin, il y a aura quelques dialogues de sourds...

... et un immense étonnement face aux mœurs du monastère lunaire dans lequel Albert croit avoir trouvé un peu de paix. C'est tout le contraire, avec un moment final qui prend la forme d'une vaste boucherie dont Albert ne sait pas s'il sera lui-même victime. Ce moment est précédé par la narration d'un vécu confiné et marqué par l'aléatoire.

Défi à la raison du lecteur, "Avant de geler" se termine par 24 chapitres aux titres en mode "écriture automatique" qui mêlent mysticisme et surréalisme pour manifester une poésie bien à eux, apparemment détachée de la narration des vicissitudes d'Albert. Sont-ce les stances qu'Albert aura imaginées au monastère, malgré les interdictions? Ou des extraits de son roman aux ventes aléatoires? La question est ouverte...

Emmanuel Pinget, Avant de geler, Vevey, Hélice Hélas, 2014.

Le site des éditions Hélice Hélas.

dimanche 19 novembre 2023

Dimanche poétique 615: Patricia Guenot

Dans le bol de café au lait

Dans le bol de café au lait,
Flotte un bout de tarte aux cerises,
Que la femme, aussitôt assise,
Dévore en tachant son gilet.

Sur la bouilloire, son reflet
La déforme avec gourmandise.
Dans le bol de café au lait,
Flotte un bout de tarte aux cerises.

Devant le placard à balais,
Le chat lèche sa robe grise,
Avant de sauter par surprise,
En deux bonds de son corps replet,
Dans le bol de café au lait.

Patricia Guenot (1964- ). Source: Bonjour Poésie.