vendredi 26 juillet 2024

Le match Titanic-Iceberg, mythe annonciateur d'un siècle d'excès

Gilbert Pingeon – C'est dans la forme courte que l'écrivain suisse Gilbert Pingeon excelle. Et cette brièveté fulgurante apparaît déjà dans le titre de ce roman, "T", qui évoque le destin tragique du Titanic et le fait résonner avec des événements ultérieurs au parfum d'hybris: bombe atomique, Holocauste, attentats du 11-Septembre. Sans oublier de convoquer mine de rien des drames plus intimes, tels que celui d'un enfant qui ne veut pas manger sa soupe: "Enfin Jonas! Ce n'est tout de même pas la mer à boire!". 

C'est en séquences courtes que l'auteur décline sa vision en mosaïque du destin du Titanic. Ces séquences installent le rapport de force à la manière d'un match entre deux puissances: celle de l'humain, portée par Sir Titan, Nick de son prénom, et celle de la nature, incarnée par Herr Berg, Ice de son prénom ("Duel sous la lune", p. 14 ss). Rapport de force éternel, mais qui, l'auteur le dit au fil du roman, finit par entraîner l'humain dans un élan de force autodestructeur. Et l'humour n'est pas absent lorsqu'il s'agit, pour le romancier, de souligner la vanité de l'action vite débordée de l'humain.

La vie sur le Titanic? L'auteur la dépeint avec un talent certain, faisant mine de céder au pittoresque pour dire la confiante insouciance des passagers, multipliant les points de vue au gré de courtes séquences. Il sait capter tel homme de peine du navire, tel richard insouciant jusqu'au bout, et va jusqu'à faire résonner le splendide menu du restaurant de bord avec l'inquiétude qui se fait jour alors que Berg (Ice de son prénom) a laissé son irréparable balafre sur le navire invincible. 

Mais voilà: rien ne manque de ce qu'on sait du navire et de son destin: les sept musiciens de l'orchestre jouent jusqu'au bout, les naufragés font résonner leur funèbre mélopée jusque vers trois heures du matin, le lecteur revoit la barbe blanche du capitaine Smith et découvre les statistiques des survivants, et surtout des survivantes. "Les femmes et les enfants d'abord"? Cette question même, l'auteur la pose, avec un brin de mauvaise foi masculine. Tout juste, enfin, si l'auteur ne fait pas parler les rivets du navire... 

Il est vrai cependant qu'en jongleur littéraire, l'auteur confère à chacune de ses courtes séquences une musique et une voix particulière, sans cesse changeante, incarnant ses personnages et nourrissant les situations mises en scène avec plus d'un clin d'œil artistique – il suffit de penser aux titres des séquences, parfois empruntés à des œuvres artistiques bien connues ou pas, pour s'en convaincre.

À la fois dense et fulgurant, paru à l'occasion du centenaire de la catastrophe du Titanic, "T" utilise la mythologie de ce navire pour tracer sans concession le côté annonciateur, référentiel, de cet événement fondateur du vingtième siècle tout en excès. Un signal que, dit l'auteur, tragique, l'humanité n'a pas su entendre ni comprendre. Un message à retenir? Pour rejoindre l'écrivain, et c'est le début de la postface de ce bref roman: "A chaque baptême sa catastrophe annoncée"...

Gilbert Pingeon, T, Lausanne, L'Age d'Homme, 2012.

Le site des éditions L'Age d'Homme.

Lu par Francis Richard.

mercredi 24 juillet 2024

"Sixième Suisse": un sixpack de bières pour les agités de la cannette

Federico Rapini – La cinquième Suisse, on se souvient de ce que c'est: ce sont les Suisses établis hors de leur pays. Mais la sixième? C'est autour de ce mystère que l'écrivain, journaliste et acteur politique Federico Rapini développe l'intrigue de son premier roman, "Sixième Suisse", bel exemple de développement des dégâts que peut causer une information infondée, amplifiée par les réseaux sociaux. Et là, on est au niveau de l'incident diplomatique entre les Etats-Unis et la Suisse...

Tout commence en Suisse, avec la mise en scène d'un groupuscule extrémiste de droite, présenté comme une équipe de bras cassés avides de bière dont le romancier prend cependant soin de dessiner les profils avec une profondeur certaine: entre les membres, on sent que ça va péter, tôt ou tard. Le leader de l'équipe, c'est Jonas Schmidhauser, un gars au tempérament histrionique, à l'origine, avec "Honneur et Patrie" (c'est le nom de la société), d'une pétition contre l'installation d'un hébergement de réfugiés à Wynigen, un patelin que seuls les cheminots et les postiers connaissent, non loin d'une localité un peu moins méconnue, Berthoud – en allemand Burgdorf.

Et hop: par un concours de circonstances peu clair mais porté par les réseaux sociaux, l'action de "Honneur et Patrie" entre en résonance avec la déclaration de sécession d'une ville imaginaire du Rhode Island, New Burgdorf, désireuse de devenir suisse. Ajoutons à cela un président des Etats-Unis éruptif et adepte des réseaux sociaux, nommé Gus Kolven: la crise est programmée. 

Il est permis de deviner, sous les traits de ce personnage, un certain Donald Trump, même s'il apparaît que l'ancien et peut-être futur président des Etats-Unis n'est pas la seule source d'inspiration de l'auteur. Le fonctionnement clanique de l'entourage de Kolven, en particulier, fait plutôt penser à la famille Le Pen, en France pour le coup. Enfin, le prénom "Gus" est celui d'un des personnages de l'univers des canards de Walt Disney... celui de l'oncle Donald, et le nom "Kolven" signifie "ballon" en néerlandais. Signe que le président Gus Kolven, d'ascendance batave, serait une baudruche?

Côté vision du monde, le lecteur peut regretter que l'auteur insiste parfois trop sur la nullité de ses personnages: ce sont des abrutis, il suffit de les voir agir pour le comprendre. A moins que l'auteur ne tienne à dire au lecteur ce qu'il doit penser? C'est un sentiment diffus qui apparaît entre les lignes, d'autant plus que les quelques personnages que le lecteur voudrait placer à gauche de l'échiquier politique sont dessinés de façon sympathique: Gene Yard, maire démocrate de New Burgdorf, n'a pour ainsi dire pas de défauts. Cela dit, l'auteur, optimiste, croit en la possibilité d'une évolution, d'une rédemption même, de certains de ses personnages – sans préciser vers quoi ils vont aller, ce qui donne une fin qui, aux yeux du lecteur, laisse quelques questions en suspens.

Du côté des interactions humaines, cependant, l'auteur réussit un coup habile en construisant, sur trois sites distincts, des situations qui résonnent singulièrement entre elles au gré des péripéties. Qu'on vive dans une petite ville américaine, dans un village de la campagne bernoise ou à la Maison-Blanche, les ressorts de pouvoir et les bas instincts des humains sont les mêmes, et les costards-cravates ne les rendent pas plus élégants. 

On s'amuse au fil des pages de "Sixième Suisse", politique-fiction aventureuse baignée par la bière et les messages instantanés sur les réseaux sociaux, prompts à enflammer les esprits comme l'un des personnages aura enflammé une brasserie artisanale. Les allusions à l'actualité plus ou moins récente sont présentes, qu'il s'agisse de la tentative de prise du Capitole à la fin du mandat de Donald Trump ou du bretzel (presque) tueur de George W. Bush. Sur un ton travaillé dans un mode familier facétieux, l'auteur sait par ailleurs restituer le terrain de manière réaliste, qu'il parle de la Suisse (alémanique! Ce n'est pas tous les jours qu'un écrivain romand évoque ce qui se passe de l'autre côté de la Sarine...) ou des Etats-Unis. Un auteur à suivre? A dévorer en tout cas, idéalement face à un plat de homard arrosé d'une bière artisanale aux arômes de chocolat.

Federico Rapini, Sixième Suisse, Lausanne, Les Editions Romann, 2024.

Le site des éditions Romann.


dimanche 21 juillet 2024

Dimanche poétique 649: Louis-Philippe Coutu-Nadeau

Oasis

L’eau coule sous les ponts depuis le premier soir
Où mes yeux dans les tiens ont trouvé un refuge
Pour rester loin de tout, du monde et du déluge,
Moi qui plongeais sans rien vers un abîme noir !

Je veux ta compagnie et ta main dans ma main.
Promenons-nous ensemble à travers la tempête,
Comme si tout était du plus beau jour de fête
Où nul ne veut savoir ce que sera demain !

Perdu dans un désert avant de te connaître,
Je me détends enfin dans l’eau d’un oasis
Qui m’a sauvé du sable, et ce, in extremis !

J’ai besoin de te voir, tel un pécheur du prêtre,
Et besoin d’écouter tes mille et un conseils.
C’est toi la plus jolie, des cheveux aux orteils !

Louis-Philippe Coutu-Nadeau. Source: Bonjour Poésie.

vendredi 19 juillet 2024

De Genève à Weimar, les éblouissements d'un cœur voyageur

Pierre Girard – Pierre Girard (1892-1956) passe pour un écrivain atypique dans le monde des lettres romand du vingtième siècle. On le range volontiers, par facilité, dans les inclassables – c'est ce que dit Jacques Buenzod dans la postface qu'il a consacrée à son roman "La Rose de Thuringe" en vue de sa réédition dans la collection "Poche Suisse" en 1988, après une première parution à Paris en 1930. Mais si singulière que soit la plume de l'écrivain, il n'est pas interdit, bien au contraire, d'en dire quelques mots, à près d'un siècle de distance.

"La Rose de Thuringe" place au cœur de son intrigue un personnage héritier des héros romantiques aux prises avec leurs sentiments et penchants. Particularité: ce personnage, âgé de 39 ans, paraît singulièrement immature en matière de femmes et d'amours, alors qu'il a pour ainsi dire l'âge d'être un vieux garçon – et l'âge de l'auteur au moment où il écrit, soit dit en passant. On peut voir en lui un alter ego de Lord Algernon, personnage principal du roman éponyme.

Ce personnage a aussi quelque chose d'irréel: libéré de toutes contraintes matérielles sans qu'on sache comment, il se pique de philosophie (il est vêtu d'un costume noir, comme BHL...) et de littérature sans développer d'œuvre. L'écrivain se plaît dès lors à jouer constamment le jeu de l'introspection de ce personnage curieusement détaché des choses réelles, pour qui l'amour même paraît éthéré. C'est pourtant une affaire de robe rouge, offerte à la jeune Virginie, fille de la concierge, qui va le faire bouger.

Attachée aux choses concrètes, Virginie est en effet positionnée à l'opposé d'Ilse, jeune femme que le narrateur va rencontrer en Allemagne, et pianiste de son état. Et les affinités électives vont rapprocher les êtres, non sans méandres: il y a un épicier, curieux alter ego du narrateur, qui va finir par se fiancer raisonnablement avec Virginie, qui se gardera un amant pour les élans du cœur. Quant à la pianiste, vêtue d'une robe verte à sa première apparition, elle forme avec une Virginie vêtue de rouge une complémentarité symbolique des couleurs, qui préfigure celle des tempéraments: alors que Virginie paraît presque offerte, Ilse va embarquer le narrateur dans une poursuite riche en méandres, entre Genève et Weimar, et formatrice.

De façon à la fois classique et pertinente, l'auteur met en parallèle l'évolution des saisons belles – le printemps et l'été – et la maturation des sentiments. Plus largement, son écriture poétique ne manque pas d'emprunter des images originales à la nature. Enfin, il y a un certain sourire dans les pages de "La Rose de Thuringe": qu'on pense à l'omniprésence caricaturée des célébrités qui sont passées par Weimar ou aux plats que le narrateur commande à l'hôtel et qui ne sont jamais ce qu'il voudrait, barrière des langues n'aidant pas.

C'est avec minutie que "La Rose de Thuringe" explore les questionnements et les enchantements du cœur, allant jusqu'à oser une touche de fantastique, fugace et vite dissipée, dans le brouillard en fin de roman. Est-il encore permis aujourd'hui d'être amoureux comme l'a été le narrateur de ce beau roman? Quelques mains seront prises, quelques tailles seront étreintes. Et tout trouve naturellement sa place... sans surprise, mais avec un éblouissement que le lecteur ne peut que partager.

Pierre Girard, La Rose de Thuringe, L'Age d'Homme/Poche Suisse, 1988/Paris, Calmann-Lévy, 1930. Postface de Jacques Buenzod.

Le site des éditions L'Age d'Homme, celui des éditions Calmann-Lévy.




lundi 15 juillet 2024

Pendue pour l'Histoire: Ruth Ellis par Didier Decoin

Didier Decoin – S'il assume absolument son caractère de roman, "La pendue de Londres" relate les destins croisés de deux personnes qui ont réellement existé: Albert Pierrepoint, bourreau anglais, et Ruth Ellis, dernière femme condamnée à la peine de mort puis exécutée au Royaume-Uni. Didier Decoin réussit parfaitement à s'immiscer dans les âmes de ces deux personnages, au fil d'un livre d'un réalisme confondant.

On est d'abord ébloui, bien sûr, par la manière dont l'écrivain se glisse, s'immerge même, dans la peau d'un personnage au métier rare et atypique, contraint aussi de mener une double vie: comme le métier d'exécuteur ne nourrit pas son homme, Albert Pierrepoint gère avec son épouse une épicerie, puis un pub. Le métier d'exécuteur? Il le cache longtemps à sa femme, mais il l'exploite, non sans retenue quand même, comme patron de bistrot. C'est qu'Albert Pierrepoint est devenu célèbre pour avoir organisé et réalisé l'exécution de treize criminels de guerre nazis en une seule journée. C'est précisément au moment où cette notoriété est révélée dans le roman que le lecteur apprend à son tour le nom de celui qui est son narrateur.

Le lecteur appréciera à sa manière la conscience professionnelle dont le narrateur fait étalage: il parle de son métier d'exécuteur de façon parfaitement crédible et concernée, comme vous et moi parlerions de nos professions respectives, avec leurs grandeurs et leurs servitudes, voire leurs aspects techniques et psychologiques. Et si ça passionne à travers la voix d'Albert Pierrepoint, c'est peut-être aussi parce que l'auteur flatte, mine de rien, le goût du lecteur pour l'inconnu et le glaçant. Il ne manque pas, du reste, de placer quelques personnages secondaires autour d'Albert Pierrepoint – des clients du pub, tiens! – pour lui poser, à notre place (on ne va pas se mentir...), les questions que nous ne manquons pas de nous poser.

Le portrait que l'écrivain dresse de Ruth Ellis n'est pas moins précis, mais porte une note de dénonciation sociale marquée, d'autant plus frappante qu'elle est surtout descriptive. Enfant marquée par l'inceste à l'instar de sa grande sœur, Ruth prend conscience de sa capacité de séduction, en joue à l'envi, mais tombe invariablement sur des hommes qui, derrière leurs beaux habits et leur fortune, sont des cogneurs et des alcooliques. Modèle photo puis prostituée de haut vol, Ruth vivra un destin de femme entretenue qui lui donnera l'illusion, jusqu'au geste fatal, de côtoyer le beau monde, voire d'en faire partie. Si elle est condamnée à mort, en effet, c'est parce qu'elle a assassiné par jalousie son amant non exclusif, un pilote d'essai, David Blakely.

Crime passionnel? C'est ce que le lecteur pourra juger, même si le terme n'est plus guère usité aujourd'hui. L'auteur préfère développer entre les lignes l'hypothèse que Ruth Ellis, en assumant avec ses avocats navrés une défense qui ne peut la mener qu'à la corde, a voulu ainsi se donner la mort, par procuration. L'épilogue donne quelques indications sur la suite qu'a connue l'exécution de Ruth Ellis: Albert Pierrepoint démissionne de sa charge d'exécuteur (mais est-ce pour des raisons financières ou parce qu'Albert Pierrepoint éprouve des réticences à exécuter des femmes, au moins depuis la pendaison de l'Aufseherin Irma Grese, collaboratrice zélée des camps de la mort nazis, le 13 décembre 1945? L'auteur ne tranche pas), et la peine de mort sera suspendue puis abolie au Royaume-Uni un peu plus de dix ans après l'exécution de Ruth Ellis.

Il sera certes question de la beauté ou non des femmes exécutées (et Ruth Ellis, blonde peroxydée qui tient à son rouge à lèvres, sera belle même à l'heure de son exécution), mais aussi, et ça peut avoir du sens, de l'haleine des uns et des autres, chargée d'alcool ou négligée au matin de l'exécution, tout au long de ce livre qui met en scène une femme et un homme que le hasard mettra en présence. Plutôt que de juger, il décrit, dessine avec une exactitude confondante mais non dénuée d'empathie ce qui peut se passer dans l'esprit de deux personnages intégrés dans une société dont ils sont à la fois acteurs et victimes – des rouages, simplement, ou des humains qui tentent de vivre. Et joue en artiste avisé avec une certaine fascination du lectorat pour la mort pour relater un épisode historique déterminant.

Didier Decoin, La pendue de Londres, Paris, Grasset & Fasquelle, 2013/Le Livre de Poche, 2017.

Le site des éditions Grasset, celui du Livre de Poche.

Ils l'ont aussi lu: Alex BernardiniAltea, A propos de livresCannetille, Froggy's DelightMes belles lecturesNephStemilou.

dimanche 14 juillet 2024

Dimanche poétique 648: Marina Tsvetaïeva

D'où vient cette tendresse?

D'où vient cette tendresse?
ce ne sont point les premières boucles
que j’ai doucement caressées et les lèvres que j’ai connues
sont plus sombres que les tiennes

Comme étoiles qui montent et s’abîment encore
(d’où vient cette tendresse?)
tant et tant d’yeux se sont levés et se sont perdus
en face de mes yeux

Et jusqu’à ce moment aucun chant pareil
n’ai-je entendu dans les ténèbres de la nuit,
(d’où vient cette tendresse?)
là des nervures même du chanteur.
(d’où vient cette tendresse?)
et que dois-je en faire, jeune chanteur
rusé, simple passant ?
Tes cils sont aussi longs que ceux de n'importe qui

Marina Tsvetaïeva (1892-1941). Source: Itaka. Traduction: anonyme.

vendredi 12 juillet 2024

Grimoire et maison maudite, un mélange au parfum de science-fiction

Djager Nat – Qui connaît l'écrivain Djager Nat? Sans doute personne, à part les fidèles de la série "Damned", qui publie depuis un an et demi des romans courts et faciles à lire à l'occasion d'un Genève-Berne effectué en train (au volant d'une voiture, je déconseille, il n'y a pas de version audio). La preuve: "Brad Murdoch et le grimoire de la vengeance" est le deuxième volume qui met en scène le pirate de l'espace Brad Murdoch et ses compères. C'est aussi le dix-huitième de la collection.

Fidèlement traduit par l'énigmatique Alain Haquebarre (vous l'avez?), "Brad Murdoch et le grimoire de la vengeance" est un roman qui marie, quitte à se perdre un peu, une intrigue fondée sur une maison maléfique et sur quelques ingrédients de science-fiction futuriste. Sans oublier un peu de gore pour faire bon poids: les armes du futur éclaboussent un peu, ce petit souci n'ayant pas encore été réglé par les armuriers.

L'intrigue, quant à elle, s'étend sur trois siècles, entre l'année de la construction de la maison – au dix-neuvième siècle – et celle où les pirates tombent dessus. Après un prologue, tout commence par une escarmouche aux ambiances archaïques entre les pirates et un véhicule à piller, en mode "bandits de grand chemin".

Le fameux grimoire va faire avancer l'intrigue et, peut-être, lever le maléfice qui pèse sur la maison hantée, édifice fantasmagorique aux allures de dédale piégé que l'auteur aime décrire jusque dans ses moindres couloirs. Murdoch n'est pas très doué, il lui faut un traducteur. Celui-ci lui propose mieux: apprendre la langue du livre. Cela va plus vite, grâce à un artifice bricolé par le romancier.

Il y a pas mal de personnages aux noms bizarres dans ce court roman touche-à-tout, ce qui fait quelque peu obstacle à l'immersion du lecteur même si c'est parfois amusant: ces noms sont inspirés, à la manière de contrepèteries, de quelques maîtres du cinéma américain de genre. Cela dit, je ne serais pas étonné que les aventures interstellaires de Brad Murdoch se poursuivent: il reste une femme à retrouver, la fameuse Silena, seule dans ce monde viril, et seule à émouvoir et motiver Brad Murdoch. Affaire à suivre?

Djager Nat, Brad Murdoch et le grimoire de la vengeance, Lausanne, Nouvelles Editions Humus, 2024. Traduit de l'américain par Alain Haquebarre.

Le site des Nouvelles Editions Humus.