Bernard Rivière – Une balle de golf ramassée sur la tête, ça peut faire mal. Surtout au moment où la victime s'apprête à réaliser le coup de sa vie face à trois amis très attentifs. Il n'en faut pas moins pour envoyer Pierre Batand, riche entrepreneur ligérien, à l'hôpital. Mais ce n'est qu'un début... celui de "Coup de bluff!", roman policier de terroir signé Bernard Rivière.
"Coup de bluff!" est le premier polar stéphanois d'une série qui met en scène un tandem d'enquêteurs construit sur la complicité amoureuse et la complémentarité. D'un côté, il y a le journaliste Clovis Lhormois, qui se retrouve mêlé à ce fait divers à sensation parce que son employeur l'y envoie. De l'autre, il y a Marion Fromentin, jeune agente de police. Leur point commun? Rechercher la vérité, chacun à sa manière. Et l'auteur excelle à organiser entre eux des échanges favorables à l'avancement de l'enquête.
Le romancier construit dans ce premier roman une jolie galerie de personnages, à commencer par les trois amis golfeurs de Pierre Batand. Il simplifie l'identification de ces lascars en faisant usage d'aptonymes, de manière amusée: Barault est avocat, Delplan architecte, Lancet médecin. Quels sont leurs véritables rôles dans l'accident dont Pierre Batand a été la victime? Ils cachent bien leurs secrets. Et face à eux, Fromentin et Lhormois se heurtent souvent à des silences feutrés. Quant à Pierre Batand, ne serait-ce que par son parcours qui l'a rendu riche à millions (planqués dans un trust aux îles Caïmans, d'où l'image de couverture, et – Myret Zaki dixit – il en faut du fric pour créer un trust...), il ne manque pas de faire penser à Bernard Tapie.
"Coup de bluff!" ne manque pas de retournements de situation. Le premier d'entre eux, éclairant ce qui a pu apparaître comme un accident ou une tentative d'homicide mais s'avère très différent, peut certes paraître prévisible aux amateurs de polars les plus invétérés. Mais l'auteur sait parfaitement étayer et enrichir son intrigue à partir de la possible nouvelle donne – d'abord présentée, d'une plume soudain animée par un brin de folie, comme une élucubration entre fêtards en fin de journée.
L'ouvrage assume en outre son ancrage dans le paysage stéphanois, et exploite à fond les codes du roman policier de terroir. Les amoureux de Saint-Etienne et des environs, ainsi que les Stéphanois pur sucre, reconnaîtront ainsi avec plaisir certains lieux qu'ils ont sans doute hantés. Par contraste avec le golf local, calme et huppé, la très animée rue des Martyrs de Vingré apparaît ainsi en bonne position lorsqu'il s'agit, pour les personnages, de boire un verre pour échanger leurs réflexions. Et l'auteur ne manque pas de rappeler que trois établissements publics du centre-ville rappellent l'épopée de l'ASSE à Glasgow, marquée par l'histoire des "poteaux carrés" – c'était, pour reprendre les mots du romancier et journaliste Vincent Duluc, "Un printemps 1976". Pour faire bon poids, enfin, l'écrivain a choisi de placer deux cartes de géographie du cru en fin de livre pour que chacun puisse s'orienter à coup sûr.
Enfin, à travers le personnage de Clovis Lhormois entre autres, l'écrivain ne manque pas de faire passer quelques messages sur ce qui le dérange, voire le révolte en ce bas monde. Il sera question ainsi du reproche qu'on peut faire à la police de protéger avant tout les riches – autant pour Marion Fromentin, qui peut en perdre un peu de sa bonne humeur! Et du côté de la presse, incarnée par Clovis Lhormois, l'auteur ménage quelques piques contre la dictature de l'immédiateté de l'information. D'ailleurs, Clovis Lhormois prend son temps pour mener l'enquête à Saint-Etienne, bravant les pressions de son commanditaire parisien.
Pierre Batand et sa femme s'aimaient-ils vraiment? Qui est cet énigmatique et loyal factotum allemand? Autant de questions que l'écrivain Bernard Rivière va exploiter pour construire une énigme bien ciselée qui finira par trouver un coupable et par fustiger les méchants comme il se doit, avec ou sans l'intervention de la justice des hommes. Cela, au terme d'une balade réaliste lorsqu'il s'agit d'évoquer les subtilités du golf, et évocatrice pour dire certains coins de Saint-Etienne et de ses alentours.
Bernard Rivière, Coup de bluff!, Sorbiers, La Bouquinière, 2016.
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